"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Comment Sembouyané et son ami d'enfance Idy, tous deux originaires d'un petit village d'Afrique de l'Ouest, un écrivain mondialement connu et une jeune orpheline se retrouvent-ils sans identité sur les routes de la migration et de la clandestinité ?
Au fil d'une terrible et intense odyssée entre la côte occidentale de l'Afrique et la Méditerranée, Khalil Diallo nous conte l'histoire de Sembouyane et de ses compagnons d'infortune et nous embarque dans le flux de ces milliers de migrants prêts a` traverser le désert et la mer dans l'espoir d'un avenir meilleur. Rien ne leur sera épargné mais, malgré les désillusions et les souffrances, il est toujours possible de rêver, de prendre une décision et de se battre pour son droit inaliénable et universel a` la dignité.
Dans une langue lyrique et poétique, ou` le réalisme magique n'est jamais loin, L'Odyssée des oubliés dresse un tableau sans concession de l'Afrique d'aujourd'hui et nous livre cependant un roman d'exil et d'espoir.
L’Odyssée des oubliés est le second roman mais le premier publié en France d’un jeune écrivain sénégalais, Khalil Diallo, écrivain né toutefois en Mauritanie. L’auteur a été finaliste de plusieurs prix, notamment en 2019, pour son premier roman A l’orée du trépas publié par L’Harmattan Sénégal, en particulier du prix Orange du Livre en Afrique ou du prix Kourouma. L’odyssée des oubliés publié en 2020 par L’Harmattan Sénégal avant une publication dans une version remaniée aux éditions Emmanuelle Collas en août 2021 lui a permis de remporter le prix Ahmed Baba. En lisant ce roman, on comprend pourquoi ce jeune auteur s’est déjà fait un nom et a pu être finaliste de prix voire en remporter un.
Ce roman est une lecture absolument bouleversante. On suit sur les routes de l’exil plusieurs Africains issus de divers pays, notamment le narrateur qui est Sembouyane, originaire d’une enclave située entre la Guinée et le Sénégal, Forédougou. Il est accompagné en particulier de son ami Iguy et va rencontrer l’écrivain camerounais Alain au cours de son périple ainsi que Maguy, une jeune femme féministe. Ce personnage de femme qui lutte pour les droits des femmes de manière générale est sans doute mon personnage préféré du roman. Je la trouve particulièrement touchante car très courageuse et avec du caractère, ce n’est pas une victime. Le portrait qu’en fait l’écrivain ne peut que nous la rendre attachante. D’ailleurs, une des forces de l’auteur, au-delà de son style, de sa manière de combiner les mots, de la puissance je trouve de sa langue, du rythme des phrases, c’est l’art qu’il possède de faire les portraits des personnages du livre, bons ou plus ambigus voire mauvais. Il a un sens de la description que je trouve absolument remarquable et cela sert la narration. On est vraiment d’ailleurs au plus proche de ce qu’endurent les exilés dans la terrible traversée du Sahara sur plusieurs chapitres et dans d’autres événements terribles et violents auxquels ils sont confrontés. La figure de Sami le passeur ou de Moëz l’écrivain lybien devenu djihadiste sont pour moi deux autres personnages très marquants de ce roman. On se demande quand les souffrances de tous les exilés du livre vont s’arrêter. Le roman est également politique bien sûr, on redécouvre ou découvre tout ce qui s’est passé en Afrique ces dernières années et il est très ancré dans la réalité des dictatures, guerres, etc. qui touchent le continent africain, que ce soit en Afrique subsaharienne ou en Afrique du Nord, avec la Libye par exemple. En outre, l’auteur indique dans les remerciements qu’il souhaite par ce roman rendre hommage au frère disparu dans le désert d’un chauffeur de taxi connu en 2016. De plus, je trouve cela très bien d’avoir mis une carte avec le périple de Sembouyane au début du roman. La fin du livre est tout aussi bouleversante que le reste du roman que je trouve d’une grande densité car il aborde de nombreuses thématiques, pas seulement l’exploitation des personnes qui partent en exil pour diverses raisons par les passeurs mais aussi le terrorisme, l’esclavagisme du XXIe siècle, les violences faites aux femmes, la poésie également avec notamment un extrait d’un poème de Senghor page 136, etc. Khalil Diallo a d’ailleurs publié un recueil de poèmes chez L’Harmattan Sénégal, Chœur à Chœur. L’écrivain a choisi de citer en exergue du livre un passage de La chute de Camus et une phrase des Détectives sauvages de l’écrivain chilien Roberto Bolaño. Je vous recommande très vivement la lecture de ce roman d’une grande sensibilité et profondeur qui permet de ne pas rendre anonymes les personnes qui prennent la route de l’exil, les migrants comme ils sont appelés.
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