"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Nouvelle-Orléans, 31 décembre 1912. Tandis que fusent les traditionnels pétards du Nouvel An, Louis Armstrong, onze ans, tire des coups de feu en l'air avec un vieux pistolet chipé chez lui. Immédiatement arrêté, il est placé dans une institution pénitentiaire pour enfants noirs des rues. Pour ce garçon qui travaille depuis l'âge de cinq ans afin d'aider sa mère, cette détention s'avère une planche de salut.
Il intègre la fanfare dirigée par Peter Davis, qui devient son père de substitution et décèle vite son exceptionnel talent de cornettiste. A sa sortie, l'adolescent retourne pelleter du charbon le jour et jouer le soir dans les honky-tonks, ces bouges du quartier chaud de Storyville où le jazz s'invente, entre prostituées et voyous. Ce récit à la première personne met en scène l'enfance terrible mais trépidante et joyeuse de Little Louis jusqu'à son départ pour Chicago à vingt ans.
Histoire d'un miracle, d'un sauvetage par l'art. Ou comment, dans un contexte ultra-violent de ségrégation et de misère, un enfant radieux s'apprête à défier l'ordre établi par les Blancs et à embrasser le monde.
Beaucoup de plaisir à la lecture de cette biographie romancée dans laquelle Claire Julliard fait parler Louis Armstrong comme s’il répondait à un journaliste.
Armstrong a 60 ans (ou 59, vu que la date de naissance de l’artiste reste floue) et il est désormais une star. Il se livre sur son enfance et sa jeunesse à la Nouvelle Orléans jusqu’à son départ pour Chicago vers 20 ans.
Il raconte les quartiers pauvres de la ville dans lesquels il grandit, ses parents bancales, sa grand-mère attentionnée, la naissance du jazz, son passage en maison pénitentiaire, les multiples boulots qu’il doit faire, la ségrégation, la violence, la prostitution, son désastreux premier mariage et son idée fixe de faire de la musique.
Si tout cela vous semble larmoyant, vous vous trompez lourdement car Little Louis est heureux. Son enfance est trépidante, effervescente. D’un naturel joyeux, Satchmo traverse la vie avec le sourire aux lèvres. Débrouillard, malin, bien élevé, le futur grand est déjà un sacré bonhomme.
Nul besoin d’être féru de jazz pour apprécier cette lecture car au delà de la biographie c’est aussi un petit bout de l’histoire des Etats-Unis qui nous est offert.
Les paragraphes courts, la langue vive, le charme de Louis Armstrong font de ce roman, un de ces livres qui arrivent à être distrayants tout en étant parfaitement documentés
Pétillant, frais, joyeux, « Little Louis » est un livre salvateur. Du soleil en diapason, l’endurance vertueuse, des sourires en myriades. Ce récit est un baume au cœur. Un outil indispensable pour construire son humanité. Lisez- le en grand, en large, en majesté. Ce récit majeur puise son identité dans l’optimisme. L’hédonisme et la générosité sont des cartographies lumineuses. Cet essai né d’une main de maître ne laisse rien de côté. Nous sommes dans la cour des grands. Claire Julliard dévoile la vie de Louis Armstrong, sa jeunesse. L’hymne de la Nouvelle-Orléans fusionne dans les pages aériennes et apprenantes. Louis Armstrong est le narrateur. Il conte ses jours et l’écoute devient levier. « Chez nous, c’était la nouvelle Babylone, le royaume du crime et de la dépravation à ce qu’on disait. » Storyville, le quartier pauvre, jeté en pâture. On imagine une fourmilière, chacun son rôle, dans cette idiosyncrasie, les enfants lâchés dans les rues, gavroches aux destinées contrées par leur couleur de peau noire, la misère, les coups et les malfrats aux quatre coins des rues. Les femmes soumises, battues, mais dignes. L’habitus est un volet qui claque au vent des aspérités. Little Louis est un enfant atypique. Sa famille est écartelée. Lui, fait le grand écart entre sa grand-mère, sa mère, son père fuyant l’antre familial, la rue et ses hôtes. « Vous êtes consterné, vous me prenez pour un petit Olivier Twist version nègre. C’est mal me connaître. » Little Louis s’éveille dans cette Babel, aux cinq sens, aux ruelles gorgées d’affres, au manque. Sa force est de regard, d’observation, et de malice. Musique et vivacité, reproduire les mêmes gestes que les autres artistes, les adultes. Admirable, tenace, un pas de côté magnifique et révélateur, Little Louis est équité, justice, intelligence et intuition. On ne lâche plus la main de cet enfant qui nous donne une sacrée leçon de vie. La loyauté, l’humilité, sont des socles. Little Louis va s’émanciper. Veiller sur les valeurs inculquées par les siens. Rendre grâce à l’éducation reçue dans une institution pénitentiaire qui va le remettre d’équerre. Cet enfant à l’aube de ses 11 ans va être apprécié, reconnu, choyé. Il va enfin jouer de la musique dans les fanfares. Avoir un père, un frère, un allié, un alter égo : Peter Davis. « Grâce à des hommes d’exception comme Monsieur Karnofsky et Peter Davis je suis devenu quelqu’un. Sans eux, j’aurai mal tourné comme la plupart de mes camarades. On peut dire que j’ai eu de la chance. » On est dans le sublime. Dans un relationnel initiatique. Little Louis est le versant de tous les possibles. Les chutes d’eau racistes, les ségrégations, la pauvreté, la violence et les injustices sont pour Little Louis des épreuves. Il va réussir. S’émanciper. Rester maître jusqu’au bout de sa vie de ses idéaux. « Little Louis » est une biographie, un essai à peine romancé. Nous sommes dans une littérature d’excellence. Les rayons de soleil percent au travers des pages. On est l’ombre de Little Louis. La musique est un cri de cœur. Un souffle vital, le gain spéculatif. Lire « Little Louis » c’est apprendre les notes de la vie. C’est admirer ce gamin qui va se muer en cygne. C’est rendre hommage aux recherches, à la culture infinie de Claire Julliard. C’est fouler La Nouvelle-Orléans. Et plus que tout, écouter Louis Armstrong « Deuxième trompette » jouer dans un orchestre à Chicago. Publié par les majeures éditions Le Mot et le Reste.
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