"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Paris, juin 2000. Lisa, étudiante, loue une chambre chez le vieux Mohamed. Retraité veuf et bourru, Mohamed est un ancien harki, un supplétif de l'armée française en Algérie. Lisa et Mohamed ignorent encore que leur rencontre va faire ressurgir le passé. Celui des harkis. Ces hommes qui n'ont aujourd'hui toujours pas le droit de retourner en Algérie.Après L'Oeil du STO, Julien Frey continue son travail de mémoire des zones sombres de notre passé en abordant avec sensibilité la question encore douloureuse des harkis. Le travail en couleur de Mayalen Goust en souligne toute l'humanité.
Une rencontre qui va permettre que l'un puisse révéler son histoire et donner sa version des faits à des événements qui ne sont pas compréhensibles pour ceux qui ne les ont pas vécus. Au delà du duo de personnages qui est touchant et des dessins qui sont expressifs, on découvre où on comprend mieux un pan de l'histoire algérienne et les conséquences sur les contemporains.
Un bel hommage à ces gens
Avant dernière lecture dans le cadre du prix « Bulle des lecteurs », un album paru en avril 2021 et qui m’avait échappé…
Lisa est étudiante et a du mal à trouver un logement. Nicolas lui propose de loger chez son père Mohamed qui vit seul et qui a besoin de compagnie. Va alors se mettre en place une relation d’abord difficile jusqu’au jour où Lisa découvre par hasard des cassettes audios… Mohamed y raconte sa vie.
Une vie de harki, c’est-à-dire d’algérien de naissance qui a travaillé pour l’armée française pendant la guerre d’Algérie. Le récit mêle habilement le présent et les flash-backs, n’occultant pas l’horreur de la guerre et ne posant jamais de jugement sur les comportements des uns et des autres.
Le dessin de Mayalen Goust est doux, beau et vient contrebalancer les douleurs, les combats, le rejet… Les paysages algériens sont superbes et les relations entre les 2 personnages principaux sont subtilement dépeintes…
Au final un très bel album qui a le mérite d’affronter un pan douloureux de notre histoire d’une façon habile et douce. Une réussite !
Mayalen Goust dans « Vies volées » racontait avec Matz au scénario le trafic des enfants volés et le combat des grands-mères de la place de mai en Argentine ; Julien Frey dans « l’œil du STO » donnait la parole à un vieillard qui dans les années 1940 avait dû faire son service de travail obligatoire en Allemagne. Tous deux s’associent cette fois pour évoquer une autre page historique méconnue et scandaleuse : le sort des harkis après l’indépendance de l’Algérie.
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Paris au début des années 2000, Lisa jeune étudiante en communication ne trouve pas de logement en cité U et refuse d’habiter sans le studio de son petit copain car elle craint que la promiscuité mette à mal leur relation. Un ami de ce dernier, Nicolas, lui propose alors d’occuper gracieusement une chambre dans le grand appartement de son père. Elle devra en échange tenir compagnie au vieillard, Mohamed, qui se replie sur lui-même depuis qu’il est veuf. Les débuts de la cohabitation sont difficiles jusqu’au jour où la jeune femme découvre par hasard caché dans l’ex-secrétaire de la femme de Mohammed des cassettes audio qui racontent son histoire …
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Alors qu’il existe une offre pléthorique sur les deux conflits mondiaux, peu d’albums de bande dessinée sont consacrés au sujet encore brûlant de la guerre d’Algérie. On se souvient bien entendu des derniers tomes des « Carnets d’Orient » de Ferrandez et du superbe « Azrayen » de Lax et Giroud où j’entendais parler pour la première fois des Harkis. Mais cet album de Goust et Frey a le mérite d’en faire son sujet central. A travers le personnage de Mohammed, ils nous rappellent le sort de ces algériens de souche, souvent employés comme guides ou traducteurs, qui ont travaillé pour l’Armée française et parfois combattu à ses côtés. Après les accords d’Evian, ils furent abandonnés à leur sort ou au mieux expulsés vers la France où ils furent parqués -et oubliés- dans des camps et quarante ans plus tard (au moment où se déroule l‘action principale de l’album), ils n’avaient toujours pas le pardon du président Bouteflika et par conséquent pas le droit de remettre les pieds sur le sol de leur terre natale.
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Nul pavé didactique cependant, les auteurs mêlent au contraire habilement le présent (2000-2001) et les flash-backs grâce aux cassettes retrouvées puis aux confidences de Mohammed à sa jeune colocataire. Ce biais narratif crée une fluidité et nous donne, par ailleurs, l’impression que ces souvenirs nous sont directement rapportés. L’émotion qui nous étreint est ainsi augmentée. Nul manichéisme non plus : Mohammed n’a pas vraiment choisi de devenir harki mais il a commis des actions répréhensibles ; son cousin chez les fellagas n’agit guère mieux. Les auteurs racontent mais ne jugent pas. On comprend ainsi la difficile intégration de l’exilé et on compatit ; mais on perçoit aussi la difficulté du pardon des autres qui se sont sentis trahis. Tout est nuancé : le propos (qui souligne comment des amitiés a priori indéfectibles ont pu être brisées par le conflit) comme le dessin. Mayalen Goust emploie en effet un dessin aux pastels d’une grande douceur qui contrebalance l’âpreté du récit. Ses paysages algériens dans les tons ocres sont sublimes et la relation toute de pudeur qui se noue entre le vieillard et la jeune femme, elle-même métisse, est subtilement rendue grâce au jeu très expressifs des regards mis en place par la dessinatrice mais aussi grâce aux dialogues toujours justes et aux moments de silence très … parlants du scénariste.
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Un très bel album sur un pan peu glorieux de notre histoire mais aussi une œuvre finalement optimiste : le vieux Mohamed reprend sa vie en main grâce à Lisa et cette dernière évite grâce lui de sombrer dans le fatalisme (elle est doublement discriminée en étant femme et métisse) et prend son avenir à bras le corps.
Les harkis n on pas eu chance , beaucoup de mal de se faire entendre est valoirs leurs droits il y en a qui ne connaissent pas leurs histoires ,un livre a decouvrir avec beaucoup de plaisir
Tu savais que les harkis qui se sont battus pour leur terre n ont pas le droit d'aller en Algérie ? Les français les ont trouvé là bas et ont vite compris pendant la guerre qu ils pouvaient être utiles comme guides et traducteurs. Ici, dans cette bd Lisa et Mohamed de Julien Frey et les dessins de mayalen goûts édité chez Futuropolis, on y parle de portraits des harkis, un témoignage et une ode à la transmission. Lisa, une jeune étudiante hébergée par Mohamed un vieux bourru va découvrir l autre partie cachée de sa personnalité et sa vie passée en tant qu'harki. Les cicatrices d'une vie difficile refont surface. Un rappel nécessaire qu il n' y a dans une guerre ni beaux rôles ni bon camp. Cette bd est une mémoire de vie historique a entendre, la rencontre de deux générations totalement différentes qui vont s apporter mutuellement. C'est d une grande puissance narrative et les portraits, l'histoire racontés en dessins sont sublime et très expressifs.
@julienfrey @mayalengoust @futuropolis
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