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L'inauguration des ruines retrace le parcours, sur quatre générations, d'une famille d'industriels, dont le destin est intimement lié à celui de la ville qu'ils habitent et qu'ils façonnent, jusqu'au point de faire littéralement corps avec elle. C'est aussi un roman qui a envie de roman : si la structure générale est celle d'un 'roman de dynastie', le texte multiplie sur cette base les récits, les personnages, les aventures, les épisodes, les narrations, en mêlant l'amour, l'économie, les fantasmes, l'architecture, l'Histoire, la politique, la poésie, les chansons...
Ce livre commence bizarrement avec cette vieille Joroastre du Briet et cette Kathy Katrina qui découvrent un poupon vivant enveloppé de toiles d’araignées. C’est pourtant ainsi que débute la vie de Loÿs, une vie que Jean-Noël Blanc nous conte avec une verve incroyable et une imagination dense mais toujours proche du réel.
Régulièrement, nous retrouvons Loÿs en vieillard égrillard sous perfusion qui n’en finit plus de mourir, au bord de la Méditerranée, contemplant des jeunes gens nus qu’il paie pour s’ébattre devant sa fenêtre, sans oublier d’apprécier les formes de l’infirmière…
Il est temps pour l’auteur de nous plonger dans cette vie extraordinaire, la vie de celui qui devint un riche industriel mais qui, chez les Jésuites, où il était interne, était traité de « paysan, péquenot, rustre, maraud, pedzouille, pouilleux, bouseux… » tout en sachant se faire respecter à coups de poings.
Ce phénomène, véritable force de la nature, achète, vend, revend et possède vite la moitié de Neaulieu, sa ville où il dirige aussi l’usine de tissage, activité qu’il développe et diversifie rapidement. Le récit est entrecoupé de poèmes, de théâtre, de citations.
Un jour, les ouvriers des manufactures Le Briet se révoltent et l’armée tire faisant 13 morts et 21 blessés…Cela n’empêche pas le héros de faire construire son Palais du Travail et du Capital dont nous suivrons les aventures jusqu’au bout du livre. N’ayant pas d’enfant, Loÿs forme son neveu, Fandorle pour lui succéder et sait parfaitement s’attirer les bonnes grâces des financiers parisiens, bruxellois et suisses.
La guerre de 14 est une aubaine pour le groupe Le Briet qui fournit les vêtements pour l’armée. Fandorle et Viviane, son épouse qui a posé pour Rodin, se font construire une nouvelle villa qui ne plaît pas à leurs enfants, Hubert Honey et Blanche Noire : « La maison tout entière est pour eux comme une lame de silence. Une cicatrice taciturne et impérieuse. Une stupeur immobile. Ils n’ont aucun lieu pour jouer. »
Ainsi se poursuit cette véritable saga. Quelle débauche de vocabulaire ! Quelle imagination délirante et fertile ! Déodat succède à Fandorle à la tête du groupe au grand dam des administrateurs : « … quel emmerdeur, quel petit cafard, un fils à papa prétentieux, beau gosse sans doute mais quel cabotin, un pignouf qui joue de son bagou tout neuf et tout amidonné encore, quand donc allait-il fermer son clapet ? »
Avec "L’inauguration des ruines", Jean-Noël Blanc a réussi une histoire complètement folle mais tellement actuelle, un livre qui régale le lecteur.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
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