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La Grande Guerre évoquée en cinq nouvelles.
Avec beaucoup de réalisme, l'auteur évoque la vie dans les tranchées et les séquelles laissées par le conflit, de profondes cicatrices encore vives, dans les corps, les esprits et les lieux, plus profondes que les sillons qui tentent de les recouvrir depuis.
Les anges noirs : Dans une campagne grise, les familles s'accrochent à un quotidien fragile, se tendent d'un espoir sans cesse renouvelé à l'heure de passage du facteur. Qui pendant des jours et des semaines ne passe plus, ne s'arrête plus. Alors on redoute d'apercevoir au loin la silhouette d'un ange noir, l'une des veuves chargées de porter la mauvaise nouvelle, celle qu'un fils, un frère, un époux, ne reviendra pas.
Mort au champ du déshonneur : Le champ d'honneur devient déshonneur lorsque dans toute cette horreur est commis un meurtre, par le cynisme et la bêtise d'un médecin antisémite. Une nouvelle sur le courage ordinaire des soldats de rang et les amitiés fraternelles qui naissent sur le front.
Limon : Sur sa photo de mariage Gabriel se tient droit, un peu intimidé. Il ignore qu'il n'a que deux ans devant lui pour en profiter. Métayer, il se met en règle auprès du marquis, redoute que ses chevaux soient réquisitionnés, et part. Les tranchées, la faim et la vermine, le havresac chaque jour plus lourd, le non-sens de tout cela. Lui qui vivait de la terre en la cultivant - en la respectant - s'embourbe avec ses camarades dans une guerre qui l'engloutit.
L'appel : Bien plus tard, un industriel allemand s'étonne, ravi, de la vitesse à laquelle sa berline lui fait passer la frontière, traverser la Meuse, la Lorraine. Paris à six heures de Nuremberg ! L'habitacle est confortable. Il approche de Verdun. Cent cinquante. Cent soixante-cinq. Il file à grande vitesse. À la vitesse d'un obus ? L'ancien soldat est rattrapé par ses souvenirs.
Rémanence : Dans les années 60, un mécanicien agricole est habité par l'histoire locale. Il se documente toujours davantage, creuse toujours plus avant dans les mémoires, les écrits, les traces, et sa passion vire à l'obsession, lui coûte sa santé mentale, son couple, son quotidien. Il sillonne les coteaux, arpente la départementale 18 qui sous ses pas redevient le Chemin des Dames, et voit, l'hiver, surgir le paysage de la guerre. Il se dit, nous dit : Ici, les paysans labourent des cimetières. Il aimerait se défaire de ces souvenirs qui ne sont pas les siens, mais il est pris par un étrange sentiment d'appartenance, de communauté sinon de communion, avec ces hommes et ce qu'ils ont vécu.
Une belle illustration de l'écrivain dévoré par son sujet.
Limon rassemble des nouvelles qui viennent porter notre regard sur la Grande Guerre, partant d'un même point mais selon différents angles. Comme un éclairage diffracté à travers un vitrail ou un verre brisé. Et rend hommage à ces hommes qui firent la guerre dans la terre.
Une évocation saisissante de la Grande Guerre au travers de cinq nouvelles :
qui apportent chacune un éclairage différend sur le quotidien de paysans partis au front et celui de leurs familles restées dans les fermes.
Qu'il s'agisse des veuves messagères du malheur, ces "anges noirs" annonçant la mort d'un fils, d'un époux ou d'un frère, qu'il s'agisse du déshonneur d'un officier antisémite et meurtrier, du lien qui unit les paysans à la terre, ou du souvenir des soldats martyrs qui reviennent hanter les vivants, Didier Desbrugeres livre ici des textes extrêmement touchants qui rappellent avec force ces jeunes paysans viscéralement attachés à leur terre et partis comme chair à canon laissant derrière eux leur ferme, leur femme et leurs enfants et pour toujours, leur jeunesse et souvent leur vie.
Au milieu de tous les romans et textes sortis cette année 2014 en commémoration de la Grande Guerre, Limon m'a particulièrement émue.
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