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Universitaire de talent, à la faculté des lettres de Toulouse puis à l'Ecole normale supérieure - où il prit, en 1900, la succession, difficile s'il en est, de Bergson- et enfin à la Sorbonne où il fut successivement chargé de cours et professeur adjoint, Frédéric Rauh (1861-1909) est décédé trop tôt pour laisser une oeuvre philosophique achevée. Son ouvrage majeur, L'Expérience morale (1903), dont la cinquième et dernière édition remonte à 1951, n'expose pas un système mais une «technique morale indépendante» libérée de la problématique métaphysique du fondement de la morale. Sa pensée, mobile et opposée à tout dogmatisme, résiste aux interprétations hâtives et aux classifications définitives. S'opposant à une représentation éternitaire de la philosophie, Rauh affirme qu'«il ne peut y avoir de philosophie morale - aussi bien que de morale - que du point de vue du présent». Cet intellectuel juif, dreyfusard et sympathisant socialiste tente de dégager les conditions de possibilité d'une morale réellement autonome et positive, conforme à la dimension démocratique et émancipatrice de l'individualisme républicain. Cette morale indépendante ne saurait dépendre d'une loi d'extériorité qui s'imposerait selon un modèle théologique (même sous la forme laïcisée des morales «théoriques») ou selon un modèle scientiste qui la rattacherait à autre chose qu'elle-même (la science des moeurs ne peut donc suffire à la constituer). Rauh rejette la philosophie spiritualiste, drapée dans son universalité abstraite, dont le dernier mot serait la recherche d'une perfection intérieure finalement réservée à des «âmes d'élite». Mais s'il revendique, non sans ambiguïté, une «attitude scientifique» en morale, il s'oppose pourtant aux réductions positivistes. Au temps glorieux de l'éducation populaire, ce «bourgeois socialisant» se mêle à la vie des «humbles», du monde ouvrier, car «l'expérience morale» bien conduite doit être celle d'une conscience informée et sincère en prise sur son temps et sur les différents «courants de la vie morale». Le «sentiment moral» doit éprouvrer doublement son irrestibilité par une «enquête positive» (il n'y a pas de morale détachée de la réalité sociale dans laquelle se situe une conscience) et par une «enquête rationnelle» qui impose un retour réflexif à soi et laisse à la conscience individuelle le dernier mot, rendant ainsi pensable la figure du «précurseur en morale».
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