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La grandeur du sport et son secret éclat se tiennent dans l'invitation à durer le temps de quelques saisons plus ou moins ensoleillées avant d'entrer dans des automnes refroidis, de goûter aux effets douceâtres de la nostalgie, de recueillir les retombées d'une renommée. Leur rêve éveillé s'est brisé, la mort les a emportés au coeur d'une jeunesse dorée. Nos Tragiques, entre connus et méconnus, sont morts dans cet âge d'or où rien n'était fini de leur passion de jeunesse. Leur gloire, c'est notre mémoire.
Christian Montaignac, excellent journaliste pour L'Équipe de 1967 à 2004, a couvert les Jeux Olympiques durant cette période, cinq Coupes du monde de Football, une quinzaine de Tours de France, décroché plusieurs prix journalistiques et il est l'auteur de nombreux livres dont L'Année du Rugby depuis 1973.
Avec Les Tragiques (Ils ne sont morts qu'une fois), il a réussi une belle oeuvre littéraire en rappelant à nos souvenirs le sort funeste subi par quelques championnes et champions. J'avoue aussi en avoir découvert quelques-uns dont j'ignorais le nom.
La gloire éphémère fait souvent tourner les têtes, des soirées trop arrosées mènent à des imprudences fatales sur la route mais il y a surtout les accidents causés par la pratique de la compétition au plus haut niveau.
Les Tragiques est un beau livre que j'ai pu lire grâce à Babelio et à En Exergue éditions que je remercie. Les illustrations de Bernard Vivès sont très réussies. Chaque sportif au sort tragique a son portrait au-dessus de son patronyme et les dates de sa trop courte existence. Cela est très bien fait et j'ai pu me plonger dans un récit plein d'émotion, de réalisme et de vécu car Christian Montaignac a côtoyé quelques-uns de ces personnages au cours de sa vie professionnelle.
Sur la couverture du livre, impressionne le portrait de Battling Siki (1897-1926), jeune Sénégalais remarqué par une danseuse allemande qui l'abandonne à Marseille. Il a quinze ans et doit se débrouiller, seul. Mbarik Fall ou Phal se lance dans la boxe puis s'engage dans l'infanterie coloniale. Après la guerre, en 1919, il reprend la boxe, devient Battling Siki. Il est même le premier Africain champion du monde. Il s'est permis de battre la star du moment, Georges Carpentier, mais doit affronter un racisme terrifiant. Tendant de relancer sa carrière aux États-Unis, il est abattu dans la rue, à New York, le 15 décembre 1926.
Auparavant, Christian Montaignac a prévenu : il parlera de sportifs disparus en plein âge d'or, après une sélection personnelle, forcément subjective. Alors, je me suis lancé dans la lecture, commençant par Adolphe Hélière (1891-1910), un coureur cycliste breton, de Fécamp, tentant de boucler le Tour de France 1910 et mort à Nice alors qu'il se baignait après un repas copieux, un jour de repos…
Ils sont donc cyclistes, footballeurs, boxeurs, rugbymen, basketteurs, navigateurs, skieurs, cavalière, fleurettiste… La liste est bien trop longue pour les citer tous mais le cyclisme étant mon sport favori, je ne résiste pas à rappeler les noms de Fabio Casartelli, Gérard Saint, José Samyn et Jean-Pierre Monseré.
Je vous conseille de vous plonger dans ce livre où, bien sûr, il est possible de choisir ses têtes mais ce serait dommage de s'arrêter aux noms connus comme Ayrton Senna, Alain Colas, Régine Cavagnoud, Emiliano Sala ou Tom Simpson.
L'auteur dont le rugby - il ne s'en cache pas - est le sport favori, a eu la bonne idée de rappeler qui était Yves du Manoir (1904-1928). Excellent dans tous les sports, joueur vedette du Racing Club de France, sélectionné en équipe nationale, ce polytechnicien a choisi l'aviation et décide de passer la dernière épreuve pour obtenir son brevet de pilote. Hélas, à cause du brouillard, il heurte des peupliers et s'écrase au sol le 2 février 1928. Plus célèbre mort que vivant : le stade de Colombes et un Challenge devenu Coupe de France portent son nom comme le nouveau stade de Montpellier rugby depuis 2007.
Je n'oublie pas un chapitre spécial consacré à la Grande guerre : « Sur huit millions de mobilisés, entre 1914 et 1918 ; plus de 2 millions de jeunes hommes sont tombés, plus de 4 millions sont restés blessés. » 121 athlètes de haut niveau dont beaucoup de rugbymen, 89 footballeurs, 77 cyclistes, 52 athlètes, 27 boxeurs et 23 escrimeurs font partie de ces victimes.
Pour finir, je ne résiste pas à mentionner le nom de Georgette Gagneux (1907-1931), athlète de grand talent qui fut la première Française à sauter à plus de cinq mètres en longueur. Combattant le sexisme borné du baron de Coubertin, elle luttait avec Alice Millat, championne d'aviron, pour permettre à cinq épreuves féminines de figurer aux JO d'Amsterdam en 1928. Elle était folle de sport… à en mourir.
Ce livre de Christian Montaignac, remarquablement écrit, recèle encore quantité d'anecdotes, d'informations passionnantes et sa lecture est très instructive.
Chronique illustrée à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Voici que défilent sous nos yeux ébahis, une table des matières mortuaire. Une liste, non-exhaustive, de ceux qui furent, pour certains, fauchés avant d’avoir été. Foudroyés avec gloire et beauté pour d’autres. Certains mourront sans peur et sans proches. D’autres au fait de leurs gloires. Sous les hourras de foules en délire.
Qu’importe comment, pourquoi et où. Christian Montaignac nous dépeint avec style et passion, les portraits de celles et ceux “qui sont morts qu’une fois”.
C’est bien connu, la faucheuse frappe au hasard. La mort est aléatoire. Il n’y a pas de sexe, pas d’âge, pas de catégorie socioprofessionnelle. Ici pas d’algorithmes. Pas de codage numérique.
C’est comme cela, c’est la vie !
Dans ce grand jeu de dés, de chance ou de malchance, les sportifs et sportives ne sont, bien entendu, pas épargnés, loin de là. Il était bon de le rappeler.
Les terrains de jeux mortifères sont nombreux. Un ring, témoin du dernier souffle. Une route de campagne, dans un virage mal négocié ou un putain de camion croisé. Un champ d’horreurs sous les bombes et les balles des mitrailleuses.
Ou modestement, dans un lit, le corps meurtrit par les coups, la maladie.
Le moyen de locomotion pour le voyage de non-retour ? Le vélo, l’automobile, l’avion…
Pour tous, un chemin de fleurs et de larmes d’amis, de femmes, d’enfants, d’aimants à jamais inconsolables. On pleure des aventuriers, des inconscients, des profiteurs de vie, des malchanceux. Des battus merveilleux. Des vainqueurs exaltés.
Ils sont partis trop tôt, trop vite, trop loin, trop haut !
“C’était au temps héroïque, forcément héroïque, où le cyclisme
bâtissait son histoire, élevait ses mythes. Un temps où le Tour de
France, de Paris à Paris, était le tour de la France”.
Christian Montaignac
Bien sûr, dans cet ouvrage, il y a quelques âmes encore fumantes. Les Ayrton Senna, Emiliano Sala… Mais j’avoue un faible pour les porteurs de cape d’invisibilité historique et médiatique. Ceux que j’ignorais. Ceux que j’avais oublié, manqué. Faute à mon ignorance en ces sujets.
Heureux les oubliés, Christian Montaignac vous a ressuscité.
Comme le premier de la liste (classé par leur prénom !), Adolphe Helière, mort noyé pendant… le Tour de France ! Ironie tragique de celui qui se voyait rouler en ses terres bretonnes.
Et que dire de Georgette Gagneux, sportive acharnée, mal née. Car vivante dans un monde où l’homme ne laissait guère de place à la gent féminine. Georgette Gagneux, morte à 23 ans “d’une longue maladie”. Preuve pour certains de l’époque que le sport est dangereux pour la santé féminine. Tout un combat encore mené de nous jours.
Cher Christian Montaignac, vous nous offrez là, un livre magnifique, sublime. De par le sujet traité, cela va de soi, mais aussi et surtout de par la qualité de votre écriture. Mon Dieu que la lecture est un plaisir divin quand on parcourt ses lignes.
Lire “les tragiques”, c’est assister à une pièce d’Eschyle. Confortablement installé dans un théâtre de Dionysos. On applaudit à tour de bras. On connaît la fin, mais peu importe ce n’est pas l’histoire qui nous intéresse, mais comment elle nous est contée.
Si certains ont leur statue, leur mausolée. Leur nom, au fronton d’une salle de sport, la plupart étaient disparus, de nos mémoires sélectives, ils ne le sont plus.
Alors bien entendu, il en manque. Les feuilles des morts se ramassent à la pelle. Et c’est tant mieux. Car j’espère que vous allez, Cher Christian Montaignac, nous faire le plaisir d’en sortir un deuxième.
Car, ils ne sont peut-être mort qu’une fois, mais avec “les tragiques” les voici à vivre une nouvelle vie.
“Les tragiques”
De Christian Montaignac
Aux éditions en-exergue
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