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Raconté par un homme vieillissant que la vérole a défiguré mais qui reste précieux car il sait inséminer les fleurs du vanillier, Les Tortues nous plonge dans un épisode dramatique de la vie de ce survivant :
Une épidémie qui ravagea l'équipage d'un bateau de trafiquants transportant des tortues géantes. Au son des carapaces s'entrechoquant, dans l'angoisse d'un navire noir qui les poursuit, les hommes ont vécu dans l'espoir d'un trésor sans cesse plus éloigné. Incapables de se libérer de leur prison sur les eaux, ils ont dû affronter leur propre terreur, la variole et enfin la mort tapi dans l'ombre.
Inspiré par Melville, envahi par les vapeurs alcoolisées qui rappellent Lowry, dans une ambiance à la B.Traven, ce roman symbolique est un des diamants noirs de la littérature du XX° siècle.
Chef-d’œuvre !
A propos des tortues, L’Express s’était écrié : « C’est L’Île au Trésor écrite par un poète de la race de Saint John Perse. »
« D’autant qu’il y aura toujours, comme le savait fort bien ce fictionneur hors pair, « des histoires ourlées de cyclones et de requins à conter. » Éric Dussert.
Magnétique, culte, « Les tortues » est Le livre. Celui qui honore la littérature. Sa richesse infinie est garante d’une œuvre rare. Écrit en 1956, pas une ride sur le filigrane. Son souffle perdure, la lecture est une sacrée chance. Merci L’Arbre Vengeur pour sa renaissance ! Ce classique est un récit voyageur dirions-nous, mais non. Il est un esprit, l’emblème maritime. Une rencontre fabuleuse avec des hommes, aventuriers, éperdus d’espace et de déraison. La fraternité chevillée dans les lames de fond.
Le narrateur (anonyme) s’allie au capitaine Eckardt avec « une douzaine sous ses ordres à bord de la Rose de Mahé, fin voilier. » Contrebandes, « tout nous était argent sans odeur. »
L’histoire se déroule dès novembre 1904.
On ressent des destinations avides de richesses, des marins complices des transports d’esclaves « entre l’Abyssinie et le Yémen et, à deux reprises même, piraterie caractérisée sur la Côte des Somalis. »
Eckardt est vil, avide d’argent, un homme oublié, égaré dans les affres nauséabondes. « Eckardt, énorme comme son destin. » Surnommant les marins « mes petits frelons. »
Le capitaine Seamus Eckardt à défaut d’autres marchandises va transporter sur son voilier des tortues géantes, celles des Seychelles, île ravagée par la variole. De ce fait, le voilier reste accroché tel l’étendard d’un malheur sous-jacent aux regards de l’île qui va sournoisement prendre au piège les marins. Pas de vaccin pour eux. Plus un seul à disposition. Une soixantaine de tortues géantes sont embarquées. Eckardt promet aux marins de l’or « au bout du voyage ». Le narrateur tremble. Les tortues sont pour lui le symbole de la malédiction. Un rejet venu de sa plus tendre enfance. Une métaphore cruelle et dévorante. Des tortues fantomatiques qui dévorent ses pensées, sa condition même d’homme. Imaginez ces mastodontes marcher sur le plancher qui craque. Cette vision d’horreur qui prend vie et encercle sa raison jusqu’à frôler la folie. Des tortues paraboliques d’une phobie intestine. Le voilier est un microcosme grouillant de vie. Comme si le monde naviguait sur les flots. Ici, il y a des hommes, une hiérarchie de fer, la peur de la variole qui va être un tsunami. Pourtant la douceur de la trame est lagune. Tout, ici, peut être annoté, certifié. Un auteur de génie (Loys Masson) qui souffle sur les voiles, fait briller les regards et attise une histoire forte, scellée à la beauté humaine envers et contre tout. Ce livre est une émotion. Un passage obligé pour s’endurcir face aux tempêtes.
« Éléazar avait cessé de chanter. D’en bas montait l’archange bleu de sommeil. Il se postait à l’avant, il était le veilleur de la tranquillité et du rêve, le grand cousin radieux de l’espoir. C’était le calme d’avant orage : l’araignée du silence marchait sur la peau. La mer ne frappait plus la Rose que dans un gant de plume. »
Les tortues se figent dans l’orée de cette épidémie. Assignées au sceau de la perdition. Le symbole détourné à l’instar d’un navire fantôme échappé de l’irrévocable. La promesse de l’or au bout du voyage est l’homme qui se noie en pleine mer.
« L’homme n’est pas chez lui sur l’eau ; il y voyage, c’est une intrusion : ces vagues, ce bleu, cet horizon fondant ne sont pas de son domaine naturel. »
Que va-t-il se passer dans le cœur même de « La Rose de Mahé » ?
« A chaque fois le monde des tortues se rapproche. »
L’épidémie griffe, les tortues géantes, la variole ? Lisez, lisez ce livre splendide.
Sur l’autre rive, le plus beau chant d’une littérature de renom : l’accolade langagière.
Prendre soin de la préface d’Éric Dussert. Lire attentivement « une lumière d’Acropole avec un goût de laurier. » Loys Masson « Ce poète est pour moi l’un des seuls d’à présent qui ait une voix. Et elle va droit en moi. » Henri Michaux. Loc-bloc, dame-jeanne et livre de loch…
Dans l’écrin d’une collection : l’alambic dirigée par Éric Dussert. Publié par les majeures Éditions de L’Arbre Vengeur.
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