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Les Quichottes, c'est le récit d'un voyage de 2 500 kilomètres à travers les 65 000 km2 du plus grand désert démographique d'? Europe - après la région arctique de Scandinavie -, qui s'étend à travers les provinces de Guadalajara, Teruel, La Rioja, Burgos, Valence, Cuenca, Saragosse, Soria, Segovie et Castellón, et où l'on recense 1 355 municipalités. Paco Cerdà, journaliste-écrivain, nous entraîne sur les routes impraticables de ce territoire froid et montagneux, au sud-est de Madrid, que l'on surnomme aussi " Laponie du Sud " ou " Laponie espagnole ", parce que, comme en Laponie, moins de huit habitants au kilomètre carré y vivent.
Dans toute l'Europe, il n'y a pas d'endroit aussi extrême et vide. Une région abandonnée des pouvoirs publics, où 1 % de la population occupe 13 % du territoire. Loin de l'idéalisation d'un monde rural bucolique, Paco Cerdà relate le manque d'infrastructures, de perspectives, l'absence d'écoles, de soins, de structures culturelles ou sportives. Enfin, Les Quichottes offre un regard sur la difficulté de s'? inscrire, aujourd'hui, pour bon nombre d'entre nous, dans un monde globalisé.
Quel est le point commun entre la Laponie et la Serranía Celtíberica, vaste territoire de 65.000 km² qui s’étend à travers dix provinces entourant la région de Madrid ? Celui de figurer toutes deux parmi les zones les plus dépeuplées d’Europe, avec moins de huit habitants au km².
Et la différence entre ces deux froids déserts démographiques ? La Laponie a toujours été quasiment vide, tandis que la désertification que subit la Serranía a commencé il y a quelques dizaines d’années seulement.
C’est sur ce processus de dépeuplement que le journaliste valencien Paco Cerdá a décidé d’enquêter. Il a parcouru, en plein hiver, les zones désertes de chacune des dix provinces concernées, et s’est rendu dans plusieurs de ces villages en voie d’extinction, à la rencontre de leurs derniers habitants. Ici un berger, là l’instituteur d’une école primaire qui ne compte que quatre élèves et qui devra fermer à la fin de l’année scolaire parce que les deux plus âgés ont terminé leur cycle et iront à la grande école en ville. Il rencontre aussi un moine du monastère de Silos (Burgos), et des membres de diverses associations qui tentent de repeupler les zones rurales abandonnées tout en mettant en garde les adeptes trop naïfs d’un « retour à la terre ». Car on est loin ici de la vision idéalisée et romantique de la vie à la campagne : « Nous voulons aider à s’installer les gens qui souhaitent vivre à la campagne. Pas uniquement des émigrés, mais aussi des personnes lassées de la ville et qui cherchent un nouveau sens à leur vie. Et ce n’est pas simple. Car il faut d’abord défaire les clichés du monde rural comme étant un lieu où l’on respire l’air pur et où l’on vit au milieu d’un potager avec quatre poules. Cette image bucolique est un mensonge. La fausse croyance selon laquelle au village on vit d’amour et d’eau fraîche persiste. Au contraire, on a besoin de plus de moyens qu’à la ville, et nous montrons cet aspect-là de la réalité, sans tromperie ni faux espoirs. Nous insistons sur le fait que le monde rural, et encore plus dans les zones démunies en services comme la nôtre, est un monde qui est dur. Les hivers sont très rudes, moins à cause du froid que de la solitude. Ne voir personne, ça veut dire qu’il n’y a pas une boutique où faire des emplettes, pas un bar où prendre un verre avec quelqu’un, pas un endroit où se réunir. J’en ai vu plus d’un se cogner la tête contre ces murs. Venir à Maderuelo en été, c’est très simple. Mais la dure réalité des villages, c’est celle de l’hiver ».
Au travers de ces rencontres et témoignages, Paco Cerdá dresse un état des lieux des causes et conséquences du dépeuplement : industrialisation, urbanisation, exode rural, dénuement matériel, social, culturel de ceux qui restent, délaissés voire abandonnés par les autorités de tous les niveaux de pouvoir.
Paco Cerdá aurait pu nous épargner la surabondance de statistiques (trop de chiffres tue le chiffre), citer ses sources et/ou fournir une bibliographie complète, et utiliser un ton un peu moins édifiant et mélodramatique. Malgré ces bémols, il n’en reste pas moins que « Les Quichottes » est un texte plein d’humanité, très intéressant, émouvant parfois (la fermeture annoncée de la petite école est un crève-cœur), porté par une écriture fluide et captivante.
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