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« Le choc est d'une violence effroyable. La Nissan rouge sang s'encastre en obus dans la Twingo beige cendre. La perfore, la précipite, l'explose, la compresse et l'aplatit comme un laminoir d'aciérie contre le tronc noueux du saule ancestral étêté, un molosse impavide à l'écorce éraflée. La tragédie ne dure que quatre secondes. Les tôles se taisent. Tout se tait ».
Un homme voit sa vie bouleversée le jour où un chauffard tue sa femme et son fils unique. Quatre secondes pour changer une vie.
Un livre sur le destin, la violence d'un événement, l'enfermement d'un homme qui tente de survivre, l'obsession de la vengeance, l'impossibilité de l'assumer. Le style descriptif et minutieux de l'auteur nous enveloppe de sons glaçants.
« On m’a volé ma vie en me prenant la leur. Je me suis emmuré, j’ai fui, j’ai disparu, j’ai été seul. J’ai écouté passer le temps, qui ne fait pas tant de bruit. Les portes s’ouvrent et se referment. Devant moi. Derrière moi.Elles étouffent et gueulent des sons. »
Le narrateur ouvre et ferme les portes de sa mémoire pour raconter sa vie d’avant et d’après l’accident qui a coûté la vie à sa femme et son fils. La porte de sa vie d’avant se ferme, tout comme celle de l’hôpital. Tout bascule, et ce sont les portes de la prison qui se font entendre. L’homme éprouve le besoin d’une retraite dans un monastère. Là aussi, les portes se ferment le temps de son hébergement. Un jour, elle s’ouvriront.
Un livre pas facile à résumer pour ne pas trop dévoiler les évènements tragiques. Et puis, c’est le cheminement mental du narrateur qui est important avec les allers et retours dans ses souvenirs, comme des flashs. Je suis son cheminement qui l’emmène vers la vengeance puis la rédemption, de la douleur atroce, du besoin d’aller sur les lieux de l’accident jusqu’à une certaine sérénité (même pas certaine que le mot soit juste). J’ai aimé le temps du monastère où, petit-à-petit, la quiétude des lieux agissent sur lui. Un temps d’arrêt et de repos propice à la réflexion pour cet homme qui n’a pas la foi. « Je ne crois pas en Dieu, c’est la foi qui m’attire. La foi. Croire. Croire à l’invisible. Accueillir des certitudes….Et quand par illusion imprudente, restant pourtant caché, je pose mes yeux sur elle, et que le désir d’elle me prend, cette garce me hèle et me convoque, m’aguiche, m’incite, me racole. Et me fuit ». Une réflexion que je pourrais faire mienne.
Non, il ne regrette pas son geste, il devait le faire, même si cela ne lui apporte pas la sérénité, d’ailleurs, il s’en doutait.
Avez-vous remarqué le titre, les portes ne font pas de bruit, elles émettent des sons, c’est là toute la différence. Sons différents selon les lieux et instants. J’aime ce titre tout comme l’écriture lente, minutieuse, qui prend le temps de la réflexion, de la description, le temps de l’observation de l’Ange... J’entends le bruit des pas dans le monastère, les bruits des portes dans la prison. Je le vois, ombre parmi les autres. Je suis sa très lente et laborieuse reconstruction ou plutôt, le cheminement de sa vie, car, comment se reconstruire après un tel drame, la vie continue, c’est tout et le narrateur doit faire avec.
Je regrette quelques passage un peu trop pontifiants, redondants, mais je n’ai pu lâcher le livre qui une fois refermé amène des réflexions sur la vie, la mort, la perte d’êtres chers, la solitude qui en découle. Le besoin de vengeance est-il inéluctable ?
Un bon texte, un nouvel auteur et une maison d’éditions à suivre.
C'est un texte qui m'a surpris parce qu'il peut être tour à tour d'une force incroyable et d'un ennui profond. L'ennui ce sont les pages sur la retraite de cet homme dans un monastère. N'y voyez pas trace de mon anticléricalisme primaire, mais vraiment un désintérêt total pour ces pages délayées, qui, de mon sens, n'apportent rien au texte, tant elles se répètent, même si je mesure bien l'analogie à la prison : les portes, la cellule ; l'opposition : le silence. La force du texte tient aux autres pages consacrées à la réflexion de l'homme, à sa survie après l'accident et à son séjour en prison. Ses réflexions sont profondes, elles interrogent sur la vie, l'amour, la mort, la solitude, le besoin d'aimer et d'être aimé, le désir de vengeance.
L'écriture est minutieuse, détaille chaque fait et geste. On pourrait la dire patiente tant elle prend le temps de décrire. JF Dion travaille ses mots, ses phrases -parfois ça sent un peu la sueur-, mais beaucoup de passages sont somptueux, d'une grande beauté, empreints d'émotions et de justesse sans tomber dans le larmoyant, le pathos facile. "Aucun vêtement, accessoire ou colifichet de Françoise ne reste dans la penderie, ni dans sa commode, ni dans la salle de bain. Je n'ai conservé que ce qui n'est pas purement féminin, comme ses livres, ses disques et des objets de déco qu'elle aimait ; ils finiront par se fondre dans mon monde, celui qui continue ; pas tout de suite bien sûr mais ils finiront, je n'ai gardé que ceux qui finiront." (p. 74)
J'ai rarement ressenti autant la détresse d'un personnage que dans ce roman. L'écriture de JF Dion remue et touche. Descriptive, pointilleuse, on se retrouve dans chacun des gestes, dans presque chacune des pensées de l'homme qu'elle nous présente. Malgré mes réserves, Les portes et les sons qu'elles font est un roman à découvrir.
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