"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Aujourd'hui, Anne va manger chez sa mère, Louise, en présence de sa grandmère, Paula. Mais avant, elle a rendez-vous avec Inès, son amie de toujours, dans le café qui les accueille depuis leurs années lycée. Elle sent qu'Inès a besoin d'elle. Rien n'a été explicité, mais elle l'a senti. C'est la raison pour laquelle elle a proposé ces retrouvailles improvisées, et peut-être un peu rapides, avant le déjeuner dominical familial.
C'est Louise qui a instauré cette nouvelle tradition. Elle aurait voulu que ce rituel soit mis en place quand elle avait l'âge d'Anne, mais qu'importe. Ces moments à trois seront l'occasion de débats féminins. Car chacune d'entre elles porte, à sa façon, le poids de sa condition. Louise, maintenant seule chez elle, regrette le départ de sa fille, qu'elle vit comme un déchirement. Paula, les années passant, a de plus en plus de mal à accepter l'effacement progressif de sa jeunesse et les changements que son corps subit, qui l'éloignent de ce que l'on pourrait attendre de l'apparence d'une femme. Anne, perdue entre son adolescence et sa vie d'adulte, tente d'appréhender la multiplicité du féminin et d'aider Inès, son amie qui, quant à elle, cherche à se reconstruire après un avortement dont elle n'a parlé à personne. En ce dimanche, ces femmes vont se croiser, leurs parcours vont se mêler, et leur sororité va rayonner.
«Une alliance sororale indestructible»
C'est avec trois générations de femmes que Manon Hentry-Pacaud entre en littérature. Paula, 75 ans, Louise, 47 ans et Anne 27 ans vont tour à tour se livrer dans cette belle réflexion sur le corps féminin.
Paula a 75 ans. Sa fille Louise 47 ans. Sa fille Anne 27 ans. Trois générations et trois femmes qui se préparent à un rendez-vous fixé ce dimanche à midi. C'est à l'initiative de Louise que ce repas a lieu. C'est elle qui a eu l'idée de réunir sa mère et sa fille pour resserrer les liens qui les unissent.
Alors c'est d'abord Louise que l'on va suivre durant ses préparatifs. Elle s'est levée aux aurores pour pouvoir tout préparer sans se stresser. Elle va avoir le temps de faire mijoter son bœuf bourguignon, de dresser une belle table, de soigner sa mise. Elle va même avoir le temps, après un rapide coup de balai, de se replonger dans ses albums-photo, de replonger dans sa vie. Et de se rappeler l'épisode si douloureux qu'elle a vécu, ce secret qu'elle ne veut plus cacher. Sa fausse couche a vingt-cinq ans et ce traumatisme que la bienséance recommandait de minimiser. En place de «cette vie à deux qui se consolide et se complète avec la construction d’une famille» elle avait basculé dans un «fossé qui s'était creusé entre son mari et elle, fossé qu’elle avait peut-être elle-même créé pour lui faire sentir qu’elle n’était pas la seule responsable, pour se soulager de ne pas avoir réussi à protéger son enfant et à lui donner la vie.»
C'est pourquoi, elle a eu cette idée d'écarter son mari et de construire avec Paula et Anne une alliance sororale indestructible.
Paula, qui ne sait rien de ce projet, se prépare. Après sa douche, elle se regarde dans le miroir et voit les ravages de l'âge. En se faisant belle, elle comprend qu'elle a succombé à tous ces diktats, toutes ces représentations sur papier glacé, ces corps qui n'ont ni vergetures, ni cellulite. Désormais, elle va assumer ses défauts et son âge.
Avant de passer à sa petite-fille, Manon Hentry-Pacaud a l'idée d'introduire un nouveau personnage, celui d'Inès, la meilleure amie d'Anne. Cette dernière lui a donné rendez-vous dans un café pour se délester d'un lourd fardeau. Elle vient d'avorter.
En se rendant chez sa grand-mère, la jeune femme est encore toute secouée par cette révélation, mais aussi forte d'une certitude, «c'est du corps féminin que tout part.»
Ce premier roman, d'une écriture à la fois classique et simple, est construit autour de ces portraits de femmes qui se répondent et se complètent. Le fantôme (Louise), la comédienne (Paula), la disparue (Inès) et l'acrobate (Anne) forment par-devers les destins particuliers, cette alliance tant espérée. Sans occulter l'ampleur de la tâche, ce premier roman est une pierre de plus apportée à l'édification d'une société qui ne serait plus dominée par le masculin.
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Quatre portraits de femmes. Trois générations. Un combat. Celui qui fait de leur cours un enjeu de société, prisonnier d’un modèle qui enferme les femmes dans un rôle non choisi.
Quatre voix qui se succèdent pour dire leur lassitude, leur envie de lâcher prise.
Louise a convié sa mère et sa fille pour une déjeuner dominical. Pour renouer avec la tradition. Mais aussi se débarrasser de ce secret qui la hante depuis tant d’années.
Pauly s’apprête pour ce rendez-vous familial. Ses soixante-quinze ans la rattrapent, malgré les soins quotidiens, au gré des arcanes que vantent les magazines. Le corps n’est pas un ami fidèle, mais ses défauts ne sont pas rédhibitoires.
Anne, sur le chemin de la rencontre avec sa mère et sa grand-mère, accordera un instant à son amie Inès, qui nous aura confié sa douloureuse expérience d’un avortement assumée seule. Les deux jeunes femmes reviendront sur la fragilité des liens amicaux, sans cesse menacés de rupture, noyés au coeur des multiples sollicitations quotidiennes.
Ces instantanés, isolés dans le flux de ces vies de femmes construisent une sorte d’échéancier des écueils semés sur le trajet d’une histoire féminine, sous le joug d’injonctions permanentes :
« Il faut sans cesse jouer à l’acrobate, passer d’un rôle à l’autre, correspondre à ce qui a été prévu pour nous, attendu de nous puis osciller vers ce qu’on voudrait être. Jongler entre deux visages, deux figures, parce qu’on est toujours plus qu’un simple corps »
Le thème du corps est au coeur du récit, corps contrôlé, corps souffrant, corps convié à l’enfantement, corps vieillissant…soumis aux diktats de l’époque.
Enfin, de ces contraintes subies, émerge une belle ode à la sonorité, à la solidarité, seul espoir de sortir d’un rôle impossible à tenir .
Très bel hommage à la féminité, écrit avec une douce fermeté, une puissante tendresse.
134 pages Frison - Roche 17 mai 2022
Quatre chapitres pour quatre personnages, quatre femmes, trois de la même famille et une meilleure amie. Un roman résolument féminin qui nous parle de ce que sont amenées à vivre les femmes à différentes étapes de leur vie. Il y a Louise la mère, Paula la grand-mère, Anne la fille et son amie Inès. Une belle écriture avec un style tantôt poétique tantôt analytique car il s'agit bien d'une analyse d’événements comme la maternité, la perte, le deuil, la vieillesse tout cela porté par des femmes attachantes. On ne peut nier la sororité qu'il s'en dégage, comme une universalité de la femme. J'ai apprécier les trois premiers portraits car il raconte une histoire personnelle qui colle parfaitement à la peau des personnages. Le dernier portrait est celui avec lequel j'ai le moins accroché, plus généraliste avec des considérations sociétales et un peu moins intimiste que les autres.
Cela n'a en rien diminué mon ressentit pour ces quatre parcours de vie dans lesquels, nous pouvons nous si facilement nous retrouver. Trois générations qui se rassemblent pour se dire, communiquer, confier les petites et les grandes choses, abolir les secrets de famille et les non-dits, tout cela est l'idée de Louise. Libérer la parole sans jugement en toute bienveillance, on en rêve toutes non ? Instaurer un nouveau rituel libérateur, une entraide entre femmes, une écoute de qualité pour être une femme bien dans sa peau. De peau, de corps, il est beaucoup question, un roman intimiste qui se confronte à des sujets douloureux comme la perte d'un bébé qu'elle soit voulu où pas, elle laisse derrière elle une empreinte à jamais gravée. Un premier roman qui a su me toucher, avec ses mots justes, sa délicatesse et tout le respect que l'on sent pour la gente féminine. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2022/06/16/39520502.html
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