"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Matthieu Mégevand est éditeur et écrivain. Né à Genève en 1983, diplômé en philosophie et en Histoire des religions, il a travaillé comme journaliste pour le bimestriel Le Monde des Religions.
Il a publié un premier recueil de nouvelles en 2007 (Jardin secret, l'Âge d'Homme), puis un roman (Les deux aveugles de Jéricho, l'Âge d'Homme) en 2011.
En septembre 2013 paraît Ce qu'il reste des mots aux éditions Fayard, une réflexion littéraire et philosophique sur le drame de Sierre. Depuis 2015, il dirige la maison d'édition Labor et Fides.
Comment revenir sur ce qui, dix ans plus tôt, aurait pu vous tuer ? Les mots peuvent-ils capturer le souvenir, recomposer ce qui, dans la mémoire, s'est éparpillé, désagrégé, fixé ou perdu au fil du temps ? Dans ce récit, Matthieu Mégevand revient sur la maladie qui l'a atteint en 2004 et retrace, selon les caprices de la mémoire, la succession des événements : des prémisses de l'affection aux traitements et jusqu'à la guérison, une agrégation de souvenirs tragiques, émouvants, anodins ou burlesques couchés sur le papier. Par le mélange de précision technique parfois insoutenable et l'évanescence de certains souvenirs, l'écriture entraîne un rapport au réel modifié, avec un effet de loupe sur certains aspects, et une occultation pour d'autres. La maladie est presque ici un prétexte : ce dont il s'agit d'abord c'est une réflexion entre langue et réminiscence, une mise en mots du souvenir.
Le texte est sobre, simple, distant. Comme si l'auteur met à distance les événements pour mieux en parler, pour donner de la substance à ce qui s'est passé, pour se dire : "oui, c'est bien arrivé". C'est l'impression que j'ai eu tout le long de la lecture de ce livre : une mise à distance. Inutile de sombrer dans le pathos comme l'a si bien exprimé Matthieu Mégevand dans "Les lueurs", chaque jour il y a des choses horribles qui se passent. Mais ramener à notre propre monde, à notre cercle intime, ce qui nous arrive change notre rapport à l'autre, à soi, au monde.
L'écriture de l'auteur est agréable, sans être dure ni même larmoyante, il égraine ses souvenirs dix ans auparavant, depuis ces vacances avec ses deux amis Villy et Delvy. Il n'hésite pas à exprimer ses doutes quant au fil exact de certains événements, mais en mettant ses souvenirs loin de lui.
J'ai été touchée justement par cette forme d'écriture : sans être froid, il évite d'entrer dans le dramatique, nous accompagne dans son histoire comme s'il nous montrait des polaroïds de sa vie en nous expliquant ce à quoi cela lui fait penser. Les premiers rendez-vous à l’hôpital, l'annonce du diagnostic, et également cette prise de parole en "tu" qui m'a désarçonnée.
Dans son livre, il parle moins de ses six mois de traitements, ce qui m'a d'ailleurs surprise : une bonne partie du récit explique la descente dans l'enfer de la maladie. J'ai apprécié ne pas retrouver uniquement le monde médical, ses côtés positifs et négatifs, les attentes, les perfusions, les hématomes, les prises de sang... Étant infirmière, je ne connais que trop bien cet univers qui dépersonnalise l'humain au profit du patient. J'ai apprécié suivre l'humain dans ce livre, ce qu'il ressent, cette attente, et comment la maladie s'installe lentement, les prémices, jusqu'à sa découverte.
Quelle douceur à l’évocation de sa famille, à ses moments que sa mère essayent de rendre le plus supportables possibles, en ayant les attentions douces et agréables d'une maman. Des petits pincements en voyant sa maman lui apporter cet amour indicible et silencieux, respectant son fils, mais lui assurant de sa présence. J'ai souri à certaines phrase, étant moi même maman, mon fils s'appelant Mathieu.... Une émotion que l'on ressent lorsque Matthieu Mégevand nous parle de ses proches, de ces silences respectés, pas de discours interminables, mais une présence chaleureuse, à chaque rendez vous. Être entouré pour faire face.
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