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S'ouvrir les portes de l'univers en prose de Jean-Claude Tardif, c'est comme pencher ses mains jointes vers la fontaine pour les remplir de l'eau qui étanchera la soif. On s'est procuré ce livre, volontairement, on se prépare donc à en goûter les nouvelles qui le composent. Ce faiseur d'histoires est un poète, un poète réputé, qui plus est. Choisissez ce qui vous arrange. Jean-Claude Tardif est un humain qui écrit, un raconteur d'histoires, oui, quelqu'un qui met les mots à la tâche, en fait une langue, sa langue, qu'il travaille, jusque dans les recoins, où saute le silence, où attend le sens, où gémit l'émotion. C'est quelqu'un que le Verbe a choisi, tout autant que lui a choisi le Verbe comme mode de vie, quelqu'un qui a choisi de dire la vie, qui traque cette vie, là où d'autres aux yeux moins voyants l'ignorent, là où pourtant elle source, du bas de la terre au ballet des étoiles. Là où elle secoue le cours du sang, ou du «sans», et, partant, les histoires chaotiques que provoque ce courant. Ces nouvelles sont utiles, nécessaires, parce qu'elles parlent de l'humain à d'autres humains. Un lecteur trop pressé passera à côté de cette profusion d'impressions. Une lecture n'est pas un sprint, sinon on n'aperçoit que l'emballage et on manque le cadeau. Un conteur avec une voix particulière, reconnaissable, amie...ils ne sont pas si nombreux dans ce monde de clones. Qui ose un objet d'écriture qui n'est pas sans risque. On ne cause pas du sang sans se tacher un peu les manchettes. Quant à la filiation, courir après, en chercher les traces, ressemble à partir sur le sentier vers Compostelle, sauf qu'il s'agit de faire la route à l'envers. Les liens du sang demeurent à jamais enfouis dans la cale d'une embarcation sans amarre, hormis leur souvenir que l'on cajole. L'amarre, on s'en est débarrassé trop tôt, tellement assuré dès l'enfance, dans son rêve, que le petit bateau sur lequel on s'éloigne affrontera sans difficulté les Quatrièmes Dérivants et qu'il ne se perdra pas dans le Triangle des Bermudes. Attrapez ce rêve échoué sur les rochers, vieille bouteille que les vagues ont talée de messages. Avec patience, déchiffrez en les mots. Une voix vous y parle, oui, celle que j'évoquais plus haut, attentive et particulière, qui augmente le plaisir, et pourquoi pas le bonheur, que seule peut offrir au lecteur la véritable littérature, celle qui a la politesse des grands. Celle qui sent l'humain, parmi ces humains ballotés par des destins tumultueux. Car ainsi vont la vie et les couleurs du sang, qui nous distinguent et nous rapprochent.
Une série de nouvelles intéressantes qui traitent principalement de la filiation, fiction ou imagination, tout semble réel, et c'est sans doute là l'exploit de l'auteur dont je découvre l'oeuvre.
"Les enfants commencent par aimer leurs parents ; quand ils sont grands, ils les jugent ; parfois ils leur pardonnent" (Oscar Wilde - Le portrait de Dorian Gray) Cette citation en préambule de ce recueil peut à elle seule résumer l'atmosphère particulière ressentie tout au long de ma lecture.
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