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Pendant de longues années, d'étranges pèlerins hantaient les murs de la petite église de Saint-Dizier-l'Evêque, bâtie sur le tombeau de Desiderius, inhumé ici à la fin du VIIe ou au début du VIIIe siècle. La vie et la prospérité du village ont longtemps reposé sur le culte fait à saint Dizier, cet évêque dont certains disent qu'il fut tué par le diable. La tradition populaire et les légendes se sont emparées de Desiderius. Dès les premières années qui suivirent la mort du saint, son culte s'est mué en pèlerinage thérapeutique. Les pouvoirs miraculeux du saint s'exprimaient essentiellement sur les maladies mentales. La thérapie mélangeait exorcismes et contact avec les reliques, prise en charge morale, hydrothérapie, saignées et régime alimentaire. Ce mélange des genres a perduré pendant plusieurs siècles. De nos jours, le pèlerinage n'existe plus mais les croyants viennent toujours se recueillir sur le sarcophage de Desiderius. L'église romane a été remaniée mais elle attire encore les amateurs d'architecture. Les visiteurs sont intéressés par les reliques exposées et surpris par la pierre des Fous, symbole et mémoire de cet étonnant pèlerinage. Mais qui était donc ce Desiderius et quelles étaient vraiment les pratiques locales ? Sur quoi reposaient-elles ? Pourquoi et comment ont-elles disparu ? C'est l'enquête passionnante que mène Laurent Tatu dans cet ouvrage dont la portée dépasse largement le cadre de Saint-Dizier-l'Evêque.
«La légende de Dizier place l'intervention du diable quand l'évêque Desiderius et ses compagnons, arrivant au village suisse de Bure, traversèrent le territoire de Villars-le-Sec pour se diriger vers l'actuel village de Saint-Dizier-l'Evêque. Alors qu'il marchait un peu en retrait de ses compagnons, l'évêque fut attaqué par le diable qui le souleva avec ses griffes et le posa sur un rocher plat à proximité. Un miracle s'accomplit alors, les pieds fourchus du Malin s'enfoncèrent dans la pierre devenue souple comme de la cire. Le diable était prisonnier. Sur un ordre de Dieu, Dizier libéra son agresseur, à condition qu'il ne cherche plus à l'importuner. Le diable partit penaud. Les empreintes du diable et de Desiderius sont restées gravées dans la roche.
«Des récits populaires, fort répandus dans les siècles passés, font également intervenir le diable comme ennemi de Dizier. L'un d'entre eux raconte qu'à proximité du village de Villars-le-Sec l'évêque Dizier rencontra le diable qui se mit à le poursuivre, animé d'intentions malveillantes. Dizier se réfugia dans un chêne, mais fut finalement rejoint par le diable. Ils sautèrent alors tous deux de l'arbre en laissant leurs empreintes sur une pierre située au pied de l'arbre. L'évêque poursuivit sa course, s'arrêta sur le territoire du village actuel de Croix, où il se reposa un instant, et érigea une croix avec de simples branches d'arbre. Rejoint à nouveau par le diable, il se réfugia alors dans l'église du village de Croix où il laissa tomber quelques gouttes de son sang. L'évêque, toujours poursuivi par le diable, s'enfuit alors par une fenêtre de l'église en direction du hameau du val du village qui ne s'appelait pas encore Saint-Dizier. Il tomba dans une fontaine d'où l'on retira mort, noyé, pour l'ensevelir dans l'oratoire qui porte désormais son nom.»
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