Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
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Je me fais sans doute inutilement du mal, mais je ne peux pas m’empêcher de regarder des documentaires tels que « Notre planète » ou « La Terre, la nuit » … Des images à couper le souffle qui nous rappellent toutes les merveilles qu’abrite notre planète et qui, bien souvent, me tirent les larmes aux yeux : tant de beauté, tant de richesse, tant de vie ! Des images percutantes qui nous rappellent que nous devrions protéger à tout prix cette Terre si généreuse et si accueillante mais qu’au contraire nous la décimons sans le moindre remord pour satisfaire nos petites envies égoïstes d’êtres humains se croyant au-dessus de tout. Mais aussi des images porteuses d’espoir, parfois, qui nous rappellent la formidable résilience de la nature, qui est capable de renaitre de ses cendres si seulement nous lui laissons la possibilité de le faire, en cessant de l’exploiter jusqu’à la moelle au nom de la sacro-sainte croissance économique. Il y a quelques années encore, j’avais la naïveté de croire que ces images suffiraient à faire bouger les choses, qu’elles feraient prendre conscience à l’humanité qu’il est encore possible de sauver notre maison commune … Mais désormais, je pense que montrer la beauté de la Terre n’est plus une motivation suffisante pour donner aux hommes l’impulsion nécessaire pour changer d’habitude. Alors peut-être qu’il faut au contraire montrer l’atrocité en approche, pour qu’ils aient envie d’éviter cet enfer imminent …
L’enfer, Sevane, Lake et Awa n’ont connu que cela : d’aussi loin qu’ils se souviennent, le monde n’a jamais été que canicules, tornades, inondations, blizzards, catastrophes naturelles, économiques ou sociales, disparitions incessantes d’espèces animales, émeutes, coupures d’électricité. En Arménie, la jeune Sevane s’efforce coute que coute de chiner quelques boites de conserve pour sa sœur jumelle et elle, tout en protégeant les enfants du quartier des rafles organisées par le cruel Agop. Aux Etats-Unis, le jeune Lake s’efforce coute que coute d’être à la hauteur des exigences démesurées de son père, secrétaire d’état à la Défense, alors que tous ses amis quittent un à un le pays pour rejoindre l’Europe. Au Mali, la toute petite Awa, que tout le monde pense sourde ou idiote, voire les deux, s’efforce coute que coute de suivre la cadence infernale de l’exode auquel les contraint les tempêtes meurtrières à répétition, tandis que gronde dans sa tête des murmures incessants et infernaux dont elle ne comprend pas le moindre mot. Sevane, Lake et Awa ne se connaissent pas, ils sont séparées par des centaines de milliers de kilomètres, mais ils sont pourtant liés par quelque chose qui les dépasse : ce pouvoir qui leur permet de maitriser l’un ou l’autre élément naturel. Don ou malédiction ?
« Nous sommes les enfants du chaos. Du chaos à venir, peut-être. De celui advenu, surtout. Faut pas pleurer : on est juste les gosses de l'enfer. Vous savez bien, celui que vous avez créé » … Des premières phrases rudes, brutes, qui illustrent bien ce qui nous attend dans ce roman. Nous plongeons dans un monde dévasté mais pas encore ravagé : la fin du monde, tant prophétisée, tant proclamée, tant fantasmée, est en passe de basculer dans la réalité. Cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, cela s’est fait lentement, imperceptiblement : année après année, les températures ont augmentées, un degré par ci, un degré par là ; année après année, les ouragans se sont multipliés, une tornade par ici, une tempête par là ; année après année, les inondations ont proliférés, une ville engloutie par ici, une région submergée par là. Jusqu’à ce que, progressivement, aucun pays du monde ne soit épargné. Jusqu’à ce que l’économie, bouleversée par la disparition progressive des ressources naturelles et par les changements démographiques, sombre à son tour. Jusqu’à ce que l’électricité vienne à manquer drastiquement, jusqu’à ce qu’internet lui-même cesse de tisser sa toile invisible tout autour de la planète. Ce n’est qu’à ce moment-là, alors qu’il était déjà trop tard, que l’humanité a pris conscience qu’elle avait complétement merdé … et qu’elle en subissait désormais les conséquences.
Mais les plus à plaindre, dans cette histoire, ce sont bien les enfants : eux n’ont rien fait pour mériter ce triste sort, mais ils payent le prix fort pour les erreurs des générations qui les ont précédés. Ils sont les « héritiers » de cette Terre à bout de souffle qui, après avoir vaillamment supporté toutes les blessures que l’homme lui a infligé pour satisfaire ses « besoins » toujours plus démesurés, se révolte enfin contre ses bourreaux dans l’espoir de pouvoir renaitre de ses cendres. Et tout comme notre planète, Sevane, Lake et Awa brulent d’une colère indicible : ils en veulent à leurs ainés qui, alors qu’ils savaient pertinemment bien ce qu’ils faisaient, ont tout de même continué leurs agissements mortifères sans jamais penser aux générations futures, car il était bien plus important à leurs yeux de continuer à aller tremper les pieds dans un océan à l’autre bout du monde plutôt que de profiter du petit lac près de chez eux, car il était bien plus important à leurs yeux de continuer à jouir de leur petit confort, de leurs petits loisirs, que de songer à préserver la planète qu’ils allaient léguer à leurs enfants. A partir du moment où eux étaient heureux, peu leur importait les conditions de vie des générations à venir : chacun pour soi, ils n’auront qu’à se démerder avec ce qu’ils auront.
Et comme si cela ne suffisait pas, comme s’il n’était déjà pas assez cruel de leur laisser une coquille vide en guise de planète, il faut encore que les adultes exploitent ces enfants nés avec un « don », celui de maitriser les éléments. Plutôt que de faire face à leurs responsabilités face au chaos qu’ils ont généré par leur égoïsme et leur passivité, ils préfèrent envoyer ces gosses sur le front des cataclysmes climatiques : encore une fois, ils se dédouanent de toute responsabilité et font peser sur les frêles épaules de gamins innocents la survie de toute l’humanité … A travers les histoires croisées de Sevane, à la recherche de sa sœur, Lake, en quête de reconnaissance paternelle, et d’Awa, le cœur déchiré par la douleur, ce sont les conséquences de l’avidité et de l’inactivité de notre génération que le lecteur découvre. Ces trois gamins ne cherchent pas à sauver le monde, ils ne souhaitent rien de plus que panser leurs blessures, ce ne sont pas des héros bienveillants, ils sont bien au contraire porteurs « d’une vengeance sans nom et d’une souffrance sans pareille » … Mais parce qu’ils osent se révolter, parce qu’ils osent se dresser contre les ordres des adultes qui reproduisent inlassablement les mêmes erreurs, parce qu’ils ont bien compris qu’ils doivent prendre les choses en main s’ils veulent que les choses changent vu que les adultes sont incapables de prendre les bonnes décisions, ils vont être les pousses à partir desquelles bourgeonnera le monde nouveau. Les petits bourgeons de la Terre qui ne demande qu’à renaitre.
En bref, vous l’aurez bien compris, c’est un roman coup de poing, coup de gueule, qui m’a énormément secouée, mais qui m’a surtout énormément plu. C’est un roman-choral d’une « simplicité » inouïe : pas de sous-intrigues emberlificotées destinées à allonger artificiellement le récit comme aiment le faire tant d’auteurs de nos jours, juste une histoire dans toute sa sobriété et sa puissance. Trois gamins, ordinaires en dépit de leurs capacités extraordinaires, trois gosses plongés au milieu d’un enfer dont nous sommes les créateurs, trois enfants sans avenir qui ne baissent cependant jamais les bras et continuent à avancer au cœur de ce futur incertain, car ils sentent au plus profond de leur être qu’ils doivent avancer, qu’ils doivent faire quelque chose. Trois chemins totalement opposés qui finissent malgré tout par se rejoindre, trois petites mains fragiles qui se tendent pour reconstruire ensemble ce que les hommes ont détruits en se dressant les uns contre les autres. Le jeune homme des milieux favorisés, l’adolescente de la classe moyenne et la gamine des pays les plus pauvres, main dans la main pour bâtir une humanité nouvelle qui ne se battra plus avec la Terre mais qui, au contraire, l’écoutera pour mieux vivre avec elle. Trois cœurs qui battent à l’unisson et qui nous invitent, nous aussi, à oser aller à contre-courant, à cesser cette fuite éperdue vers le progrès illusoire pour renouer avec ce qui est vraiment important et essentiel. Vraiment, c’est un très beau roman, très puissant, que je recommande à cinquante-mille pourcents !
http://lesmotsetaientlivres.blogspot.com/2021/06/les-enfants-du-chaos-ellie-gapr.html
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