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Années 1930, un homme, la vingtaine, mi vagabond, mi dandy, sillonne les routes poussiéreuses du Mississippi avec pour seuls bagages une guitare acoustique et une bouteille de vin. Malgré son jeune âge, il semble porter sur les épaules tout le poids du monde, traînant derrière lui comme un boulet de forçat un passé déjà trop douloureux : l'abandon d'un père, une enfance passée dans les champs de coton, sous la surveillance un beau-père violent, puis la mort en couches de l'amour de sa vie ... Qui peut douter qu'il s'agit de Robert Johnson, l'auteur de « Sweet Home Chicago», et que, de ses souffrances, il tire un blues à nul autre pareil ? Disséminant sa musique encore méconnue de ville en ville, dans un Sud raciste, Johnson a rendez-vous avec sa gloire en une date et en un lieu : la scène du Carnegie Hall, à New York, où des producteurs qui croient en son talent l'attendent impatiemment. Mais son autodestruction est à la hauteur de son talent : immense. Arrivera-t-il à destination ?
« Chanteur de Blues … » et guitariste, Robert Johnson a fortement influencé le blues du début du XX ème siècle.
Frantz Duchazeau nous offre une balade dans ce blues black avec le parti pris du Noir & Blanc (parfois rugueux) qui nous immerge dans l’époque et l’univers de Robert Johnson, avec ses errances et ses excès (femmes, alcool, …), la misère de tous les jours, mais une recherche de liberté dans ce sud des Etats Unis où la musique occupe une place importante que « les blancs » et le nord découvrent progressivement avec attirance.
Ce pavé (et sa couverture bleue) se laisse avaler / voir / écouter avec (grand) plaisir et intérêt.
Du beau et grand Duchazeau qui nous avait déjà emporté dans s(c)es univers avec « Blackface Banjo », « le rêve de Méteor Slim » ; mais aussi avec « Les vaincus ».
Un ouvrage de grandes qualités
En 1938, Robert Johnson à vingt-sept ans, à mi-chemin entre l'errance du vagabond et l'élégance du dandy, il arpenta en costume rayé les routes poussiéreuses du Mississippi avec sa guitare et une bouteille de Bourbon.
« Ma route est aussi noire que la nuit »
L'histoire nous plonge dans le voyage intérieur d'un homme marqué par la douleur et le tourment, portant en lui les cicatrices d'un passé douloureux, tandis que le musicien est espéré sur la scène du Carnegie Hall à New York. Distillant sa musique un peu partout dans les villes du Sud, les flash-back nous ramènent à une enfance marquée par l'abandon paternel, la violence d'un beau-père, les champs de coton, et plus tard, la perte de sa femme.
« Je suis mort. Ce n'est pas la première fois. Mon pauvre Bob, tu es mort depuis longtemps. Souviens-toi de cette petite lumière. Elle s'est éteinte trop vite. La première fois, c'est lorsque tu m'as abandonné Mama. »
Ce récit, construit comme une course contre la montre, peut parfois nous égarer dans ses détours temporels. Entre les routes poussiéreuses et les lieux où résonne le blues, Robert Johnson s'enivre d'alcool et s'abandonne dans les bras de ses rencontres féminines pour tenter d'éloigner un instant les fantômes de sa vie. La musique, la tristesse, le doute, la poussière, la pauvreté, le racisme, la mélancolie, l'alcool, l'autodestruction et le fatalisme imprègnent les pages de l'album.
Les illustrations, saisissantes en noir et blanc, charbonneuse, captivent par leur détail, leur finesse et leur puissance. Les paysages sont magnifiquement rendus, les visages expriment toute une palette d'émotions, les décors dépeignent une poésie envoûtante, les scènes sont vivantes et les ambiances sublimes.
Août 1938, Robert Johnson meurt. Lui qui a passé sa vie à la saborder, qui a pleuré sa mère, sa femme morte en couches avec leur bébé, lui qui a cherché son vrai paternel, lui qui a vu dans la musique, l'harmonica puis la guitare, le moyen de mettre de la lumière autour de lui...lui qui disait avoir passé un pacte avec le diable arrive au bout de sa route.
Une route bien accidentée, pleine d'alcool, de souffrances et d'errances entre bagarres et aventures féminines. Après "Le rêve de Meteor Slim" paru en 2008, Frantz Duchazeau retrouve le blues et narre le parcours chaotique d'un des meilleurs guitaristes du genre. Un album que l'on savoure d'autant plus que les 222 planches avaient disparu (pour ceux qui se souviennent de l'appel lancé par Frantz Duchazeau sur les réseaux).
Et c'est vrai qu'elles sont magnifiques ces planches en noir et blanc, au trait charbonneux, plantant bien le décor sudiste des Etats-Unis et exprimant fortement la douleur d'un homme perpetuellement en mouvement. Pour New-York et espérer aller en studio, jouer au Carnegie Hall, pour trouver son père, pour éviter la misère...
Ce très beau livre tombe idéalement pour raviver la mémoire et tracer le parcours d'un musicien à la carrière courte mais qui reste une référence pour beaucoup. Il tente également d'éclaircir une mort qui reste mystérieuse... une très belle lecture !
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