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« Il n'y a plus que la cuisine et le mari, le ciel gris derrière la mousseline des rideaux, et ce présent dont il faut bien se contenter. Ce présent est sa prison. Plus jeune, elle l'a supporté parce que, concevant l'avenir comme un espace vierge, un monde à lui tout seul, elle a cru que celui-ci prendrait un jour la place de celui-là et changerait le goût de sa vie. Mais le temps n'a fait que traverser son corps. Il est passé, la laissant là, inchangée avec sa façon d'appréhender les choses et les gens. L'avenir s'est rétréci tellement qu'il s'est confondu avec le présent et empêche désormais toute espérance de se déployer.» Chaque soir, Marie commence sa ronde : il faut être certain que tout est bien fermé, chaque volet, chaque fenêtre, que l'on n'a surtout pas oublié d'éteindre la lumière. Marie est une vieille femme : elle ne veut pas être dérangée. Elle veut que chaque chose soit à sa place, que chaque jour s'écoule comme la veille, sans imprévu, sans douleur, qu'elle puisse contempler tout ce que la vie lui a permis de rassembler et d'accumuler : les objets, les photos, les souvenirs.
Aujourd'hui cette vie sans histoires lui convient. Mais, avant, elle voulait vivre, elle cherchait la passion et les drames, la souffrance, la sienne et celle des autres, de tous ceux qui l'entouraient.
Elle s'est mariée, a eu deux enfants, elle a hérité de la maison de ses parents, mais a-t-elle vécu ? Et comment a-t-elle vécu ?
Un roman à nouveau original dans son écriture et son mode narratif comme dans le fil du récit...
On ressort de ce livre de 360 pages avec un sentiment de grande tristesse tant les mots y sont crus, à l'image des rapports qu'entretient Marie, la narratrice, avec sa famille et son récit familial. Issue d'une famille de militaires coloniaux indochinoise prestigieuse, une certaine haute société, Marie s'éprend très jeune du charmant André Seudécourt, pour lequel elle nourrit les rêves d'un destin idéal de grandeur, même si simultanément la rencontre du brillant militaire de carrière Hervé Perrot la trouble au point de douter de son projet initial...
Un orgueil démesuré, une fierté mal placée, une éducation et l'habitude d'un milieu social assez élevé, Marie ne veut voir dans cette union qu'un destin hors pair.... un mari forcément promis à un poste de directeur d'école, au coeur d'une communauté de membres triés sur le volet, la volonté de retrouver les habitudes de la haute société militaire et coloniale, un petit monde select qu'elle s'imagine recréer....tout tombe à l'eau.... André s'avère être falot, aimant certes mais de peu d'ambitions, assez lâche en fait à l'opposé du père de Marie qu'elle idolâtre. Il va rester simple instituteur ..... bref le cauchemar pour Marie, pire un obstacle à la reconnaissance sociale tant espérée.
De cette union naîtront deux enfants, deux garçons ; Pierre et Michel.... décue de son quotidien, Marie reporte tout son amour assez exclusif et castrateur tout d'abord sur Pierre, une enfant brillant, Saint Cyrien, bien sûr, dont elle attend l'exclusivité de tout sentiment mais qui là aussi va se révéler indépendant dans sa vie privée et dans son choix de carrière. A la mort de celui-ci tué en Algérie et même pas en héros, c'est sur Michel le cadet qu'elle veut nourrir les plus hautes ambitions, même si Pierre reste l'enfant idolâtré de Marie.... là encore il va se construire une vie beaucoup moins prestigieuse, épouser une femme de peu aux yeux de sa mère....très vite la rupture sera consommée et bien entendu pour Marie, elle l'est par l'influence forcément nuisible de sa belle - fille. C'est la déception de trop et Marie va nourrir ses rancoeurs et ses propres échecs, la faute aux autres, à ses fils et à André.... bien sûr. Refusant tout confort, accumulant en avare tout l'argent du couple comme de ses parents, s'installer et obliger son pauvre mari à vivre dans la crasse la plus insupportable et la plus solitaire possible... Personne ne trouve grâce à ses yeux, tout le monde est coupable de l'avoir plongé dans une vie de médiocres.....responsable de son mauvais choix originel.
Un personnage particulièrement abject et ingrate, cette Marie Seudécourt, castratrice, bourreau de son mari et d'elle -même. Hervé Bel est particulièrement inspiré dans ce roman, les traits, les personnages, les débats intérieurs, la haine distillé par Marie tout sonne juste et nourrit le sentiment d'un malaise croissant chez son lecteur.
Très beau roman qui lui ne vous laissera pas indifférent. Le personnage de Marie m’a accompagné longtemps.
Hervé Bel : « Les choix secrets ».
Marie est une vieille femme vivotant avec son mari malade et très affaibli, dans un petit village isolé de Bourgogne.Chaque jour monotone s’écoule doucement et lui permet de se replonger dans sa vie passée, pleine de rêves brisés et de drames .
Choyée par son père, diplomate, durant sa jeunesse dorée en Indochine, elle tombe amoureuse d’Andre, jeune instituteur de village pendant ses vacances. Malgré la cour pressante d’un jeune officier plein d’avenir, elle préfère rentrer en France et se marier avec André contre l’avis de sa mère, peu aimante. Elle devient mère au foyer dans une petite ville triste , son mari ayant peu d’ambition. Elle se sent constamment insatisfaite et envieuse, menant une vie monotone, fade. Elle aura deux fils mais ils ne répondront pas à ses attentes de gloire et reconnaissance. Ainsi elle finit sa vie seule avec André, qu’elle n’a peut-être jamais réellement aimé.
C’est un livre terrible sur la vieillesse, sa tristesse, son délabrement physique et intellectuel ; certaines pages sont difficiles , la déchéance de ce vieux couple m’a bouleversé.
Le portrait de Marie est ciselé, sans complaisance ; celle-ci est orgueilleuse, soucieuse plus du paraître que de sa famille, pingre au possible, odieuse avec ses proches , aigrie toute sa vie. Pourtant, l’auteur réussit à nous la rendre fragile, sensible malgré sa monstruosité.
Quelle audace de dérouler un personnage aussi repoussant et méchant , avec une écriture classique et élégante , relevant chaque détail de cette petite vie étriquée.
J’ai eu beaucoup de peine pour André, ce mari mal aimé, peu causant , mais aimant avec ses enfants et si maltraité par sa femme ; le dernier chapitre est saisissant de tristesse et de misère affective.
Même si très dérangeant, ce récit est saisissant et intense.
Merci aux 68premieresfois pour cette découverte.
"La vraie vie est absente." - Arthur Rimbaud, Une saison en enfer
"L'âge, c'est l'impossibilité de goûter à la nostalgie. À peine née, elle se recroqueville, se dissout, et c'est la mort que l'on voit au bout. Elle seule. À côté, toutes les simagrées sentimentales ne signifient plus rien. La tristesse, c'est encore la vie, l'espérance. le désespoir, c'est autre chose, une plainte aride où le pleur est dérisoire."
Autant le dire tout de suite, je suis abasourdie de la finesse avec laquelle Hervé Bel donne corps à ses personnages féminins. Depuis Marie Seudécourt de ces Choix secrets paru en 2012, il y a eu Sophie Megnier de la Femme qui ment (2017) et vient de paraître cet été Erika Sattler et c'est chaque fois l'admiration devant ces portraits singuliers de femmes d'une justesse rare.
Pour le moment, nous voilà condamnés, condamnés oui, à passer non pas une saison en enfer, Dieu merci ! mais une seule journée avec Marie, 80 ans, recluse dans sa maison de province auprès d'André son mari depuis 50 ans affaibli par la vieillesse et la maladie au point qu'il peine à se nourrir et se mouvoir. Une unité de temps, de lieu, d'action qui rappellerait la tragédie classique, sauf qu'à l'occasion de chapitres rétrospectifs, l'action se dilate alors que le temps se déploie comme on visite les lieux que fréquentait la jeune Marie Cavignaux au gré des affectations de son père, comme on revient sur sa vie de femme mariée en France.
En Indochine, l'exotisme d'une contrée lointaine le disputait alors à l'oisiveté d'une vie dorée, à l'étourdissement des bals et aux traditions qui accordaient la vie des familles aisées et de leurs enfants bien nés.
"Marie sut bien vite prendre goût à cette vie, à ces journées où on ne faisait rien, mais qui passaient si vite en compagnie de jeunes filles de son âge et d'officiers."
S'intercalent les chapitres du présent où Marie se lamente "jamais ne s'arrête… ratiocine, dissèque, déchire, pique, insulte, pleure, hurle, proteste, décime, tue, dans une ronde sans fin, chaque mot en appelant un autre, dans un apparent désordre" remâchant ses espoirs déçus.
Quant au futur… peut-il y avoir un futur quand il n'y a pas d'horizon ?
La vie de Marie est désaccordée. L'amertume tord sa bouche, assèche son coeur et aigrit chacune de ses journées. Marie monte au calvaire portant ses choix comme une croix de plomb.
"J'ai raté ma vie, j'ai raté ma vie, il me manquait un homme. […] André a toutes les qualités nécessaires au bonheur d'une institutrice, mais pas du mien."
Épouser André Seudécourt était son choix, "souffrant presque de ne pouvoir lui faire comprendre davantage combien elle l'aimait", un choix qui a infléchi toute sa vie avant de la gangréner.
Pourquoi avoir choisi André ? Il faut dire que sur le bateau qui la menait en Indochine, Marie avait fait la connaissance de Hervé Perrot. Ce fils de colonel était promis à un bel avenir dans la Marine. de bals en réception, les deux jeunes gens ne manquaient pas d'occasions de se voir et, à l'évidence, se plaisaient. Mais la très jeune Marie s'était fiancée à André avant d'embarquer et, dans la France de l'entre-deux-guerres, on ne revenait pas sur un tel engagement, surtout quand comme Marie on était née dans une famille respectable.
"D'un côté, le ténébreux et bel André, une vie dont elle n'avait aucune idée ; de l'autre, Hervé, la quiétude, le confort, cette lettre romantique, et cette espèce de sentiment qu'elle ressentait maintenant, si proche, si semblable à l'amour."
Hervé partira en Chine et Marie rentrera en France pour épouser André, un instituteur fade auquel, très vite, elle reproche son manque d'ambition. Il est vrai que Hervé Perrot aurait fait un meilleur parti que ce fils de paysans, il lui aurait offert une vie autrement moins étriquée, celle "des gens naturellement à l'aise, d'une simplicité luxueuse, pas comme celle de Marie qui économisait sou par sou pour s'acheter des copies de vêtements chics, et passait son temps à mimer la simplicité pour ne pas avouer la vérité de sa condition de femme de petit fonctionnaire. C'est si simple d'être simple lorsque la vie n'est pas compliquée."
Dans la maison de cette petite ville, à longueur de journée, Marie laisse macérer ses humeurs rances et couve ses frustrations avariées. La naissance de ses deux fils aurait pu lui apporter une once de contentement, elle aurait pu s'épanouir en devenant mère. Elle avait placé toutes ses ambitions déçues dans leur réussite. Las, seul son aîné a réussi à trouver grâce à ses yeux. Quant à Michel le cadet, il n'est qu'un imbécile, un faible qui s'est fait mettre le grappin dessus par une garce doublée d'une intruse, forcément, dans le cercle très fermé de sa belle-mère.
À travers le personnage de Marie dans un récit que gouverne son unique point de vue, Hervé Bel fait le portrait d'une femme repliée sur son passé et confite dans son amertume, qui s'ingénie à gâcher la vie de ses proches au prétexte qu'elle a raté la sienne.
"Tout n'est qu'habitudes dans sa vie ; elles sont, à ses yeux, ce qui peut la perpétuer. Les rompre, c'est ouvrir le torrent du temps. Or c'est ce qu'elle ne veut pas. Elle se plaint depuis des années de son enfermement progressif, mais c'est elle qui l'a voulu, elle l'a voulu, elle l'a voulu à la façon des empires qui, pour durer, ne cessent de se rétrécir. de moins en moins de monde à voir, une réticence instinctive à voyager, la prégnance croissante de codes compliqués pour entreprendre les actes nécessaires de l'existence, une solitude peu à peu bâtie tout en s'en plaignant… Sans se rendre compte qu'en voulant se préserver de la mort elle s'en est approchée doucement, pour devenir une non-morte."
Et André ? Ah ! Elle avait bien raison Tante Jeanne de dire qu'il était "très obéissant ce garçon, presque trop. [qu'il faudrait] qu'il se dégourdisse un peu". La Seconde Guerre mondiale dont il est revenu en héros s'est chargée de dégourdir le jeune homme et je ne comprends pas qu'il ait pu par la suite se plier à la volonté inflexible de son épouse sans regimber. Des choix, André en a fait aussi. Pensait-il que jouer l'apaisement aplanirait les difficultés alors que cette attitude, dont la passivité confine à l'indifférence, n'a fait qu'exacerber la rancoeur de Marie à son égard ? Comment leur couple bâti peu à peu sur une aversion silencieuse qui, chez Marie, a pris toute la place, n'a-t-il pas volé en éclats ?
"Le grand drame de la vie de Marie, c'est de n'avoir jamais eu le sentiment de comprendre cet homme. Toujours, elle a eu cette impression qu'il était une matière molle qu'on peut enfoncer sans jamais rien trouver de dur."
Pourtant elle n'a eu de cesse de chercher ce "dur", rabrouant méchamment ce "petit instituteur" qui de toute évidence n'a jamais été à la hauteur des aspirations de sa "petite poule".
Une tuile (terme dont on appréciera au passage la polysémie) va sonner la fin de la partie car il faut bien se résoudre à faire appel au "petit cousin" Roger pour réparer la toiture avant qu'une averse ne fasse prendre l'eau à la maison et à tout le reste. Cette intrusion dans le quotidien étréci des époux Seudécourt va livrer aux yeux de tous, dans les dernières pages de ce roman glaçant à la tension croissante habilement maîtrisée, la crasse noire d'une maison à l'abandon et la décrépitude d'un mari humilié et maltraité. le fils sauvera son père sans un regard pour sa mère qui a vécu
"[…] dans cette illusion que le monde était un parterre et qu'elle était sur la scène, aimée de son public et elle, la vedette, tantôt indifférente, tantôt gentille, tantôt méchante, mais toujours pardonnée."
Toujours pardonnée ? Grand Dieu, non ! Impossible d'accorder un quelconque pardon à cette femme qui a creusé le sillon de son propre malheur et celui de ses proches, et pour laquelle je suis incapable d'avoir la moindre empathie. L'enfant trop gâtée a fait place à un monstre d'égoïsme et de méchanceté, une manipulatrice odieuse : un être abject.
Je ressors chamboulée de cette lecture dure où tout n'est que petitesse, insatisfaction, noirceur (celle de la crasse, celle des sentiments). Hervé Bel examine sans juger les comportements humains les plus vils dans ce récit dérangeant où il installe la tension patiemment et avec une rare intelligence.
Ce 2e roman, après La Nuit du Vojd, a reçu le Prix Horizon du 2e roman en 2014 et est le choix de Caroline Laurent pour cette sélection anniversaire 5 ans des #68premieresfois.
https://www.calliope-petrichor.fr/2020/09/25/les-choix-secrets-hervé-bel-le-livre-de-poche/
« Elle vit avec quelqu'un qui ne la comprend pas et ne lui reconnaît aucun mérite. Elle vit comme ça depuis cinquante ans, et ce sont ces années qui parlent à travers elle, gorgées de souvenirs et de rancœurs. » Avant de mourir, Marie fait le bilan de sa vie. Un mari, deux enfants et beaucoup des regrets. Entre une passion possible et un sage mari, entre les fastes de l’Indochine et l’humidité des logements de fonction en Bourgogne, entre la liberté créatrice et le respect des conventions, elle aura toujours fait le mauvais choix.
Marie est aujourd'hui bien âgée et vit avec la peur. Une peur qu'elle essaie de conjurer en ayant mis un rituel en place avant d'essayer de trouver le sommeil : elle fait une inspection systématique, suivie par André, son mari. Mais durant ses vérifications, la difficile respiration de son mari la gêne plus qu'elle ne l'aide. Mais elle fait avec. Elle a toujours fait avec, comme avec les injonctions de ses parents dont l'étroitesse d'esprit la révoltait. Comme avec André, qui était le premier garçon qu'elle a croisé, qu'elle a choisi pour mari et qu'elle a épousé pour respecter son serment.
Pourtant l'officier de marine Hervé Perrot, avec lequel elle avait voyagé sur le paquebot reliant Marseille à l'Indochine, était bien séduisant et plus passionné. Il lui avait même déclaré sa flamme dans une lettre brulante d’amour.
Alors, elle avait voulu croire que la raison l’emporterait. Cependant, une fois passée la fièvre des noces, leur cohabitation ne laissera plus guère au doute. Entre eux il n'était pas question de passion, tout juste d'affection, et encore...
Le couple s'était d'abord installé à Santus où André avait été affecté, dans un appartement froid et humide au-dessus de l'école, puis à Linteuil, la nouvelle affectation d’André obtenue grâce à l'intervention de son père. Très vite s'était installé une routine qui avait pour but d'effacer toutes les aspérités, de mener une existence des plus ordinaires, à mille lieues des fastes de sa jeunesse. «La mémoire de Marie est à l’image de l’univers: une surface plane, déformée par quelques souvenirs cruciaux dont la gravité attire et change la représentation de tous les autres. Ce sont des points innervés, névralgiques, qui ne cessent jamais d‘irradier, altérant ses sens et ses pensées. L’Indochine est son âge d’or et son tourment (...) si brillant qu’elle en a fait un trou noir d’où la lumière ne s’échappe plus. Une tumeur qu’elle oublie parfois, jamais longtemps.»
Dans un style épuré et une langue classique, Hervé Bel construit alors son roman en jouant de cette dualité, des rêves d’alors et de la triste vie d’aujourd’hui, déroulant les épisodes marquants d’une vie subie bien plus que choisie. Les retours en arrière lui permettent de revenir sur la naissance de leur fils Pierre pour souligner qu'elle ne changera pas vraiment leur existence, laissant tout juste Marie un peu plus aigrie. Ou encore la mobilisation d'André et l’expérience de la guerre qui aurait pu en faire un autre homme, lui qui était quasiment rentré en héros à l’issue de cette Seconde guerre mondiale. Car après avoir été pris par les Allemands, il avait réussi à s’enfuir. Mais l'image du héros a vite disparu, remplacée par un quotidien difficile fait de privations. Le décès de son père sera un autre épisode qui laissera à Marie un goût amer, et creusera le fossé avec André. «Elle vit avec quelqu'un qui ne la comprend pas et ne lui reconnaît aucun mérite. Elle vit comme ça depuis cinquante ans, et ce sont ces années qui parlent à travers elle, gorgées de souvenirs et de rancœurs.»
Avec ce roman sur le poids des conventions et de l’héritage familial, Hervé Bel réussit le tour de force de dresser le portrait d’une femme qui, par fidélité, aura raté sa vie, qui par obéissance sera passée à côté d’une histoire sans doute plus exaltante et qui pourtant nous émeut. C’est que sans doute, sa petite voix fait aussi résonner en nous le souvenir de décisions tout aussi «raisonnables» qu’il nous est ensuite arrivé de regretter. Marie ne serait-elle pas cette mauvaise conscience qu’il nous arrive d’éprouver lorsque les regrets prennent le pas sur les rêves, les ambitions, les désirs.
https://urlz.fr/dzCi
Suite de la sélection des 68premièresfois. Ce texte est impitoyable et sans concession pour le personnage principal et pour les lecteurs. Marie est à la fin de sa vie et va nous raconter sa vie et surtout les choix qu'elle a fait ou pas fait dans le cheminement de son existence. A t elle des regrets ou des remords, pas sûre mais elle est tout de même aigrie car même si elle a eu l'impression de faire de bons choix, certains choix restés secrets auraient peut être changer et améliorer sa vie. Ce portrait de femme est impitoyable car il nous parle très bien de la vie des femmes : elle a été une petite fille, choyée et vécue la vie facile d'une expatrié (en Indochine avec son père diplomate) mais à la retraite de son père elle est revenu en métropole. Elle a imposé à sa famille son mariage avec André, un jeune garçon qu'elle fréquentait pendant les vacances. Il est un simple instituteur, sans ambition et elle va mener une vie tranquille de femme au foyer mais aura toujours l'impression d'être sous classée. Elle va avoir deux garçons et va mettre ses ambitions, dans l'aîné, qui va faire Saint Cyr d'ailleurs, mais la guerre d'Algérie va le faucher. Son second ne lui apportera pas les ambitions qu'elle souhaite. Son petit fils va lui apporter des satisfactions mais lui aussi va vivre sa vie et oublier un peu ses grands parents. Des pages terribles sur la fin de vie de Marie et André, deux vieillards dans une vieille maison à la campagne. La lecture est quelquefois terrible mais si vraie, une écriture plaisante qui nous incite à continuer à lire cette histoire et à ne pas savoir s'il faut s'apitoyer sur cette femme, ou si on peut la comprendre, ou si on a envie de lui dire de se prendre plus en main et d'enfin dire et faire ce qu'elle a envie mais les choix ou non choix de la vie ne sont pas si faciles. Certains choix sont restés secrets mais aurait elle eu une vie plus facile si elle avait choisi un autre amour. Merci encore aux fées par cette sélection même si certains livre sont terribles mais ne laissent jamais indifférents.
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"Il n'y a plus que la cuisine et le mari, le ciel gris derrière la mousseline des rideaux et ce présent dont il faut bien se contenter. Ce présent est sa prison.
Le temps n'a fait que traverser son corps. Il est passé, la laissant inchangée dans sa façon d'appréhender les choses et les gens."
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Marie aurait pu avoir une vie heureuse, simple mais heureuse. Mais c'était compter sans son insatisfaction chronique qui de l'enfance à la vieillesse a lentement mais sûrement empoisonné son quotidien. Sans son orgueil démesuré, sa jalousie. Manipulatrice, mesquine, incapable de donner sans reprendre aussitôt, soufflant le froid et le chaud, rendant malheureux tous ceux qu'elle prétendait aimer. Choyée par un père qu'elle adorait, vilipendée par une mère froide et peu aimante à laquelle elle voudra ne jamais ressembler, son besoin éperdu de reconnaissance l'a conduite à vouloir tout contrôler dans sa vie et celle de ses proches. Tout entière à son obsession du paraître, elle en a oublié de vivre tout simplement et pourtant aussi étrange que cela paraisse, elle a toujours été responsable de ses choix, quitte à s'en plaindre amèrement ensuite...
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C'est un huis-clos étouffant, un portrait de femme terriblement dérangeant, une peinture de la vieillesse dans ce qu'elle peut avoir de plus sordide, de plus triste. Une écriture aiguisée comme un scalpel pour l'autopsie d'une vie.
L'écriture d'Hervé Bel est d'une grande finesse et nous offre un portrait sans concession ni jugement terriblement réaliste avec une héroïne monstrueuse et fascinante, si insupportable, si forte et si fragile à la fois...
Rien dans le personnage principal n'est attirant et ne suscite la compassion, pourtant l'auteur réussit le tour de force de captiver le lecteur jusqu'au dernier chapitre, apothéose du naufrage de son héroïne...
A une époque où les filles écoutaient leurs parents pour le choix d’un époux Marie a décidé seule qu’elle convolerait en justes noces avec André. Ce bel homme qu’elle observait de loin lui semblait porteur de promesses. Marie, fille du commandant Cavignaux, expatrié en Indochine puis revenu au pays auréolé d’une gloire locale. Marie consciente de sa valeur, bien supérieure à celle des autres filles du village. A quatre-vingt ans passés, André son mari depuis soixante ans est toujours à ses côtés, fade, insignifiant, effacé, malade.
Une tuile du toit est tombée dans la nuit, il faut appeler le petit cousin Roger à la rescousse. Mais il va entrer dans la grande maison de famille, froide, à l’abandon, comme tout dans la vie de Marie, comme elle-même. Ce matin-là André souffre, il a passé une nuit horrible mais elle ne veut pas de médecin chez elle. Certaine qu’il veut lui faire honte, qu’il fait forcément semblant, Marie se mure dans son mépris pour cet époux malade, sa rancœur d’une vie qu’il ne lui a pas offerte, sa jalousie du bonheur des autres. Elle s’obstine à ne rien voir, n’accepte pas la vérité.
Et avec le jour s’égrènent les souvenirs de 80 ans de vie. La jeunesse au village, le choix d’épouser André envers et contre tous, l’Indochine et le séduisant Hervé Perrot, qui lui fait la cour, un soupirant à sa mesure, promesse d’une vie meilleure. Elle hésite longtemps mais finalement ce sera le retour au pays, seule, pour épouser celui qu’elle s’est choisi. Marie est séduisante. C’est une belle femme qui aime s’habiller, sortir, recevoir pour le thé. Son instituteur de mari s’avérera sans ambition, puisqu’il n’aura même pas celle de devenir directeur d’école. Il lui aura tout fait subir cet homme qui n’a aucune envergure. Ils auront deux fils, l’un brillant qui disparait si jeune, l’autre qu’elle peine à aimer. Puis ce sont les années de solitude, le chagrin de la perte et du deuil, d’un père, d’un fils. La vie est dure, en tout cas elle se complaît à le penser. Marie est exigeante, austère, méchante, égoïste, et pourtant elle a vécu tant d’années aux côtés d’André.
Lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/05/25/les-choix-secrets-herve-bel/
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