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"Achetez de la terre, on n'en fabrique plus." Cette stratégie d'investissement, énoncée en son temps par Mark Twain, semble frappée au coin du bon sens. D'autant plus aujourd'hui, où la croissance de la population mondiale renforce les besoins de terres agricoles, et où la croissance encore plus rapide de la population urbaine tire la demande de terrains dans les villes, en particulier dans le coeur des grandes métropoles.
Certes, la boutade de Twain est simplificatrice, car si la terre ne se fabrique pas (hormis le cas très particulier des terrains gagnés sur la mer), le foncier, en tant que bien échangeable, se produit. En effet, ce n'est jamais une pure surface du globe que l'on achète, mais un emplacement caractérisé par les ressources et les droits qu'il procure. Dans le cas du sol agricole, la valeur dépend de la fertilité des terres et de la proximité des marchés de consommation ; dans le cas du sol urbain, elle provient de la qualité de la desserte, des services urbains, du voisinage... et des droits à construire portés par le terrain.
Effets d'éviction La rareté du sol urbain en particulier est donc largement contingente. Elle dépend de ce que les propriétaires font des terrains, leurs décisions étant en grande partie conditionnées par la fiscalité et les choix d'affectation des sols par la puissance publique - le maire étant en France le maître du plan d'occupation des sols1 et de la délivrance du permis de construire. "Mobiliser le foncier", mantra des politiques du logement depuis des années, c'est justement favoriser la mutation des terrains au profit des usages jugés les plus utiles socialement, en particulier le logement, en jouant sur ces paramètres fiscaux et réglementaires.
Mais qu'elle soit une donnée naturelle ou une construction sociale, la rareté de certains types de foncier demeure bien ancrée. Et les rentes qu'ils procurent aiguisent les appétits des investisseurs. Ce sont désormais des capitaux du monde entier qui se déplacent à la surface du globe en quête de placements rentables. La financiarisation n'a pas épargné le foncier, qu'il soit le support d'activités agricoles ou immobilières. Mais le "grand capital" n'est pas le seul en cause. La pierre (et le terrain sous-jacent) reste le placement préféré des Français.
La concurrence pour l'usage des sols produit de multiples effets d'éviction, au détriment des fonctions moins rentables et des populations moins solvables. Sur les terres agricoles, les investisseurs internationaux évincent les petits paysans. Dans les grandes villes, le tertiaire supérieur écarte le logement, l'industrie, la logistique. Et ces derniers évincent à leur tour l'agriculture dans les périphéries. Cette concurrence entre les fonctions se double d'une "lutte des places" entre groupes sociaux. Une forme de "séparatisme social" s'exprime dans la montée des prix des logements de certains quartiers, voire de villes entières, par laquelle les ménages aisés supplantent les plus modestes. L'inflation immobilière est alors essentiellement une inflation foncière : c'est bien l'emplacement du terrain qui est valorisé, parfois presque autant que la construction qu'il porte.
Un enjeu étonnamment négligé A travers l'appropriation du sol se jouent donc des questions majeures : l'accès au logement, la ségrégation urbaine, la croissance des inégalités par la captation de la rente, la perte de biodiversité liée à l'artificialisation des terres... Il est étonnant que cet enjeu où se nouent des problématiques politiques, sociales et écologiques décisives soit si négligé par les économistes. Ce dossier propose d'en déployer quelques aspects.
Denis Clerc s'interroge sur la notion même de propriété privée du sol, en rappelant que nombre d'économistes, et non des moindres, ont plaidé au XIXe siècle pour sortir la terre de la logique du marché et socialiser la rente foncière. La marchandisation des terres est au coeur de la réflexion de Thierry Pouch sur l'accaparement des terres agricoles à l'échelle mondiale. C'est aussi elle qui fait exploser les droits fonciers coutumiers en Afrique, comme le rappelle Jean-François Tribillon, qui plaide pour des réformes légalisant ces droits. Sous nos latitudes, la lutte contre les forces du marché prend d'autres formes : Franck Baltzer fait le point sur les principaux instruments d'une politique foncière en faveur d'une ville plus inclusive en Ile-de-France. Maylis Desrousseaux et Bertrand Schmitt abordent, quant à eux, la difficile question de l'artificialisation des sols, liée à l'étalement urbain, et vient constater combien nous manquons d'une politique cohérente pour en limiter les effets négatifs. Enfin, l'article d'Ingrid Nappi-Choulet et Gisele de Campos Ribeiro sur l'impact urbain des jeux Olympiques rappelle que les effets d'éviction peuvent parfois être provoqués par des décisions publiques.
Le mythe de la propriété absolue du sol Le sol, comme la monnaie et le travail - pour reprendre le triptyque de Karl Polanyi -, n'est décidément pas une marchandise comme les autres. C'est d'ailleurs pourquoi la propriété absolue du sol est un mythe. Comme le rappelle Joseph Comby2, "un terrain sur lequel un propriétaire aurait tous les droits serait par hypothèse un terrain qui n'aurait aucune valeur. Le propriétaire de quelques dunes dans le désert peut sans dommage s'en considérer le maître absolu. [...] Mais le propriétaire d'un terrain à Paris est, lui, bien mal traité : les utilisations qu'il peut faire de son terrain se trouvent enserrées dans un tissu de normes juridiques et techniques. Mais c'est justement parce que les terrains voisins ont les mêmes contraintes que le sien que celui-ci a tant de valeur. La valorisation de l'espace est intimement liée à sa socialisation".
Hors dossier, deux textes, l'un de Dani Rodrik, l'autre de Michel Aglietta, proposent, dans des styles très différents, deux critiques finalement assez convergentes du néolibéralisme ou "fondamentalisme de marché". Même s'ils n'abordent pas la question foncière, celle-ci illustre parfaitement leurs plaidoyers pour une économie encastrée dans l'histoire et le social.
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