Inspirée d’une histoire vraie, cette BD apporte des conseils et des solutions pour sortir de l'isolement
Le personnage principal, Petia, dont le diminutif est Petrouchka en russe, est un artiste marionnettiste au talent unique, qui donne des spectacles un peu partout en Europe de l'Est, lorsqu'il n'est pas chez lui, à Prague. Son nom est celui du guignol russe - Petrouchka, une marionnette populaire, qui se moque de tout et de tout le monde, au dessus des lois.
Petia est accompagné d'une actrice, Liza, une jeune femme magnifique à la chevelure flamboyante, fine et fragile comme une statuette, elle est l'amour de sa vie, rencontrée dans l'enfance.
Leur numéro phare est l'animation de la marionnette : Liza imite une poupée inanimée et c'est seulement à la fin de la représentation que l'on découvre qu'elle est une femme réelle et vivante.
Mais un jour, Liza ne peut plus participer aux spectacles, alors Petia décide de fabriquer une poupée, Ellis, une imitation parfaite de Liza, et monte un numéro avec elle. Le voilà, tel un Pygmalion, devant sa créature idéale, une poupée qu'il peut maitriser d'une manière totale, en tirant les ficelles invisibles.
La souffrance de Liza, la femme réelle, face à son double inanimé est le moteur caché de la narration. Le leitmotiv de la création artistique, du créateur et de la créature, et du caractère singulier de l'être humain, traverse tout le roman, qui se termine d'une manière à laquelle bien sûr on ne s'attend pas.
Car un autre Petrouchka est présent dans le roman : une malédiction génétique, une appellation donnée au « syndrome de la poupée qui rit », un gêne qui se transmet dans la lignée de Liza et atteint tous les garçons nouveaux-nés.
C'est le deuxième roman de Dina Rubina chez Macha, qui entraîne le lecteur dans un monde complètement différent du livre précédent - marque d'une grande écrivaine, capable de proposer des intrigues uniques, et dont le style est inimitable et immédiatement reconnaissable : fluide, dyna- mique, jamais ennuyeux, qui anime le récit par des métaphores et comparaisons poétiques et hors du commun. L'univers de l'écrivaine s'anime, plein de couleurs, de bruits, d'odeurs.
Cette fois, nous voilà plongés au coeur du métier du marionnettiste. Voici l'histoire qui se construit peut à peu devant le lecteur, dans ce roman d'une composition astucieuse, qui ne se révèle qu'au fur et à mesure des pages.
Yves Gauthier, qui a préfacé le roman, écrit : « Là où d'autres parsèmeraient leurs pages de morts pour en intensifier la dramaturgie romanesque, Dina Rubina souffle sur les braises de la vie. »
Liza et Petia s'aiment. Mais cet amour n'a rien de classique : il a débuté alors qu'ils n'étaient que des enfants mais surtout, cet amour se confronte à un monde étrange, inquiétant : celui des marionnettes.
Car Petia est un passionné. Il donne vie à des êtres désincarnés. Mais il a commis une faute : celle d'avoir créée une marionnette à l'image de sa femme. Une représentation parfaite qui prend une place trop importante dans leur vie.
Ce récit est véritablement très étrange. On navigue dans un univers onirique, dérangeant où des hommes pensent que des êtres de bois peuvent être doués de vies.
Un monde où des malédictions prennent corps. Un récit qui alterne avec les époques, tendant des fils avant que tout prenne sens dans les derniers chapitres.
Après un début déroutant, la magie a opéré et les pages ont défilés devant mes yeux. Rien n'est simple dans cette histoire et surtout pas l'amour.
L'autrice nous entraîne avec un grand talent et une belle plume de Jérusalem à Prague, du présent au passé.
Le monde des marionnettistes s'ouvre à nous et dévoile ses secrets, levant les ombres sur les mystères qui ont jalonné les spectacles de notre enfance.
Ce roman est véritablement inclassable mais j'ai été conquise par sa musique, par sa poésie, ce mélange d'ombre et de lumière.
Un héros de roman marionnettiste qui a pour prénom une marionnette, qui dit mieux ? Petia voue sa vie au théâtre de marionnettes. Il vit pour ses poupées, pour le jeu qu’il va inventer, les scènes qu’il va créer. Depuis son enfance il s’occupe de Liza, un bout de femme, toute petite, irrésistible, une chevelure à l’image de la flamboyance du personnage. Enfant, puis adolescent il l’a promenée sur son dos, a pris soin de cette jeune enfant dont la mère s’est jetée par la fenêtre sous les yeux de Petia. En grandissant, Liza est devenue son épouse et l’amour entre les deux est étrange et tout devient encore plus singulier lorsque Petia fabrique une poupée à l’effigie de sa femme de plus en plus happée par les tourments de la folie. Pourtant, dans le couple qui est le plus explosif ?
Sur cette grande scène livresque, il fallait un autre personnage pour tirer les fils : ce sera un médecin. Psychiatre de son état. Tout est parfaitement orchestré – de Mozart à Django Reinhardt – pour une histoire aux limites abracadabrantesques mais d’un foisonnement folâtre irrésistible. S’ensuit un défilé de personnages fantasques, tous plus ou moins liés les uns les autres et qui offrent une chorégraphie à la fois absurde, mystérieuse, imprévisible, sombre mais terriblement vivante.
Ce roman pourrait être le pendant du fameux ballet d’Igor Stravinski qui a pour nom cette figurine russe, ce pantin éternellement en souffrance qui fait frémir et sursauter de joie. D’une narration abstraite on se rapproche continuellement de la musique et surtout de la peinture, telle une polychromie posée sur cet art populaire du théâtre des marionnettes. C’est l’énergie du verbe pour colorer les âmes, ce sont des luttes en couleurs, une profusion de mots, de métaphores. C’est un crayon transformé en pinceau, une page aux allures de partition, un Tchaikovsky posant pour un André Lanskoy.
L’écriture de Dina Rubina rassemble toute la grandeur de la Russie et de ses alentours. Si Petia nous fait voyager de Samara, à Jérusalem, c’est pourtant Prague qui reste le socle de cette épopée entre le réel et l’imaginaire ; depuis le Pont Charles s’envolent des sonorités incandescentes, la luxuriance de la créativité, l’exubérance des passions, le tragique des destins. Et quelques baisers d’amour d’une Russie captivante et imprévisible. A l’image de ces éclairs bleus lors d’un orage d’hiver sous les averses de neige.
Follement théâtral, théâtralement fou.
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