Empire dérisoire que se sont constitué ceux qui l'ont toujours habité comme ceux qui sont revenus y vivre, un petit village corse se voit ébranlé par les prémices de sa chute à travers quelques personnages qui, au prix de l'aveuglement ou de la corruption de leur âme, ont, dans l'oubli de leur finitude, tout sacrifié à la tyrannique tentation du réel sous toutes ses formes, et qui, assujettis aux appétits de leurs corps ou à leurs rêves indigents de bonheur ou d'héroïsme, souffrent - ou meurent - de vouloir croire qu'il n'est qu'un seul monde possible.
Deux générations se partagent ce roman, Marcel, le grand-père qui malgré sa maladie fait tout pour quitter son village corse et s’engager dans l’armée durant la seconde guerre mondiale, et Matthieu et Aurélie, ses petits-enfants, qui choisissent un chemin bien loin de celui que leur destinait leur vie d’universitaires parisiens.
Chacun a tenté, à son époque, de sortir de l’inertie d’un destin dont ils ne voulaient pas et tous se sont bercés d’illusions. Rien de ce qu’ils ont construit ne leur a survécu et telle Rome qui fut détruite par les Barbares, l’incompréhension et la déception furent à la mesure de leurs espoirs.
Mais n’est-ce pas pour mieux rebondir et pour voir s’ouvrir un nouvel avenir ? Pour Rome, ce fut le christianisme, pour cette famille, c’est certainement le retour à leur sol natal. Comme si rien ne pouvait se construire ailleurs que là d’où on vient.
Au-delà du récit des vies de ces personnages que j’ai trouvé original et intéressant, j’ai été assez hermétique aux conclusions de l’auteur et à la morale chrétienne de ce roman, dictée par la parole de Saint-Augustin, sous forme de ce Sermon qu’il fit en l’an 410.
Malgré la superbe écriture de Jérôme Ferrari, avec ses phrases belles et interminables, je suis certainement passée à côté de la profondeur de ce roman que je n’ai su prendre, même si c’était avec plaisir, qu’au premier degré.
Quand le bar de leur village d'enfance se retrouve sans gérant, Matthieu et Libero y voient une magistrale opportunité de revenir sur leur terre et d'aborder la vie autrement. Seulement, peut-on réellement échapper à l'inexorable chute de l'Homme ?
J'ai d'abord eu peur. Sortant de plusieurs lectures d'ouvrages de littérature jeunesse, je craignais que le retour à la littérature adulte soit un peu rude et que le livre me tombe rapidement des mains. D'autant plus qu'il s'agissait du dernier Prix Goncourt...
Une fois la première partie terminée, mes craintes se sont rapidement envolées et je me suis laissée happer par ce récit à l'écriture maîtrisée, sans être engoncée.
Les personnages sont truculents et, finalement peu évoqués, hormis la figure de Marcel, le grand-père.
J'ai surtout apprécié les passages sur la vie du bar ; en particulier les premières tentatives malheureuses de gérance qui m'ont vraiment faite rire. J'ai aimé ce regard distant, cet humour noir, que l'auteur porte.
Je n'ai pas cherché le message du récit. Je me suis simplement laissée aller à l'atmosphère tantôt légère tantôt pesante et aux péripéties de ces deux copains d'enfance, de leur famille et de leur entourage. Et, ça a plutôt bien réussi.
Je n'ai pas aimé la noirceur de ce roman, mais j'ai aimé le talent d'écriture de l'écrivain.
Contrairement à ce que son (très beau) titre pourrait laisser croire, il n’est question dans « le sermon sur la chute de Rome » que d’une famille Corse, d’un jeune idéaliste et d’un bar perdu dans les hauteurs de Propriano. Il n’y a que dans son ultime chapitre qu’il est vraiment question du sermon de Saint Augustin et de la faiblesse des Empires qu’on croit éternel. Matthieu et Libero, deux jeunes amis corses, laissent tomber leurs prometteuses études de philosophie pour reprendre la gérance d’un bar dans le maquis corse. De ce petit troquet sans envergure, ils veulent faire un vrai petit paradis de joie de vivre et de convivialité. Et le succès arrive vite, leur petit bar devient lucratif, assez prisé par les touristes comme pas les locaux et ils semblent tenir leur affaire d’une main de maitre. Mais comme la glorieuse Rome en son temps, tout les empires, immenses comme minuscules, portent leurs déchéances en leur sein et finissent par mourir de leurs propres faiblesses. Ce roman, prix Goncourt 2012, est assez court mais pas franchement facile d’accès. Le récit s’alterne entre les aventures de Matthieu et Libéro dans leur bar corse avec la vie de Marcel, le grand père de Matthieu. Contrairement à son petit fils, il n’aura de cesse de chercher à s’éloigner de ses origines, de son île, de sa famille. Eternel insatisfait, il porte sa vie comme un fardeau dont il ne sait que faire, presque l’antithèse de son petit fils. On pense pendant longtemps que c’est dans le destin de Marcel que se trouve en germe l’échec (quasi inévitable) de l’entreprise de Matthieu, mais non… Les deux destins semblent être racontés de façon parallèle, comme les deux faces d’un miroir mais ne se heurtent finalement pas. Le parallèle le plus intéressant, mais pas le plus évident à cerner (c’est le moins qu’on puisse dire), c’est entre le bar de Libéro et Matthieu (construit sur des ambitions nobles, démocratiques, efficaces) et la République Romaine, et puis sa longue dérive vers les excès, les facilités, les outrances (comme l’Empire) pour finir par succomber à la violence (les invasions barbares). C’est en tout cas comme ça que je l’ai compris mais il n’est pas exclu que je fasse complètement fausse route ! Sans être passionnante, l’intrigue fonctionne si on prend le recul nécessaire. Ce qui, en revanche, ne fonctionne pas, c’est le style. Je m’explique : la quatrième de couverture (on dirait qu’elle a été écrite pour ne pas donner envie de lire le livre tellement elle est absconde !) promet « une écriture somptueuse d’exigence », carrément… Et bien, visiblement, avoir une écriture somptueuse c’est faire des phrases interminables (30 lignes, parfois plus, j’ai compté) et faire lire son lecteur en apnée ! Quand je pense qu’on apprend à l’école aux élèves à faire des phrases courtes dans leurs dissertations, il faut croire que s’ils veulent un Goncourt, il faut leur laisser faire des phrases à n’en plus finir, avec 40 virgules et autant de digressions ! Sans être rédhibitoire, ce défaut laisse une impression désagréable sur la lectrice lambda que je suis.
« Le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt… Dans sa vieillesse, l’homme est donc rempli de misères, et le monde dans sa vieillesse est aussi rempli de calamités. »Saint-Augustin écrivait cela en l’an 410… Jérôme Ferrari, ce professeur de philosophie qui enseignait au lycée français d’Abou Dabi, note cet extrait du sermon de ce grand homme avant de nous présenter d’abord Marcel Antonetti observant une photo de sa famille prise en 1918, dans la cour de l’école de son village. Il est là, avec sa mère et ses cinq frères et sœurs, pendant que son père est prisonnier en Allemagne dont il ne rentrera qu’en février 1919. Marcel revoit son enfance, ses maladies, l’école qu’il adore et son frère Jean-Baptiste, parti sur les océans. Avec de longues phrases, sans paragraphe, l’auteur emmène le lecteur au rythme de son style fluide et prenant.
Dans ce village de moyenne montagne, pas très loin de Propriano, comme celui dont est originaire Jérôme Ferrari, le bar n’a pas ouvert ce matin-là. La gérante est partie au milieu de la nuit et la propriétaire décide de le mettre en gérance. Libero, fils d’immigrés sardes, a grandi ici et rêve du continent. Mathieu, petit-fils de Marcel Antonetti, est né à Paris mais rêve de revenir en Corse. Ils ont fait tous les deux des études de philosophie et ont partagé ensemble toutes leurs vacances.ils décident de tout plaquer pour diriger ce bar où ils espèrent créer un monde idéal.
Rapidement, ils mettent tout en place, grâce à Marcel qui accepte de payer les deux premières années de gérance. Annie, serveuse expérimentée, fidélise la clientèle masculine et quatre étudiantes en vacances sont recrutées pour le service. Un bachelier tout frais émoulu de terminale se charge de l’animation musicale, à la guitare, et Annie sait bien le récompenser… Malgré l’arrivée brutale de l’hiver, le bar poursuit son activité et ne désemplit pas. Hélas, Mathieu boit de plus en plus et passe ses nuits avec les serveuses. Sa sœur, Aurélie, voit juste lorsqu’elle revient du chantier de fouilles qu’elle mène en Algérie…
Ainsi, se développe toute une histoire qui est émaillée de retours en arrière pour découvrir la vie de Marcel au Mont-Cassin, en Afrique et à Paris, ainsi que l’histoire d’amour des parents de Mathieu. Au final, Jérôme Ferrari délaisse un peu la Corse pour nous ramener à Hippone, à l’époque où Saint-Augustin pense que « ce monde est mauvais et ne mérite pas que l’on verse des larmes sur sa fin » mais que « les mondes passent l’un après l’autre, des ténèbres aux ténèbres et que leur succession ne signifie peut-être rien. »
Finalement, ce Sermon sur la chute de Rome, livre peu impressionnant par sa taille, foisonne d’évènements et d’épisodes toujours décrits avec justesse et humour, une histoire empreinte d’une juste philosophie de la vie.
Chronique à retrouver sur : http://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/
Dans un village corse, deux jeunes hommes, amis d’enfance, abandonnent leurs études de philosophie pour reprendre le bar local.
Emplis de fougue et d’idéaux, ils rêvent de construire un monde à part.
Malheureusement, comme le professe Saint Augustin dans son sermon sur la chute de Rome, «Le monde est comme un homme : il naît, il grandit, il meurt. ».
Leur monde idéal ne vivra pas longtemps avant de se trouver confronter à la réalité de l’âme humaine et de mourir.
La narration se construit autour de Marcel et de ses places, au fil du siècle, de fils blessé, de mari et père absent et de grand père haineux. Son histoire laisse apparaître celle de ses enfants et, surtout, de son petit fils, Mathieu, gérant du bar.
J’ai beaucoup aimé la noirceur de ce roman, la description presque parfaite de ces instants où le rêve bascule dans le vide sans que tout soit perdu pour autant.
Un très beau roman.
https://metoile.wordpress.com
Ne prenez pas peur en lisant le titre de ce roman ! Ce livre se déroule non sous l'Empire romain mais aujourd'hui en Corse. Deux jeunes gens décident de reprendre la gérance d'un bar dans un village isolé de l'île. Cette histoire banale est mise en parallèle avec le sermon prononcé par saint Augustin lors de la chute de Rome. Par ce rapprochement, Jérôme Ferrari propose une réflexion universelle et c'est là où réside toute la force de ce roman.
Le livre s’ouvre sur un monde noir et désespéré, un monde de peines et de contrariétés.
De Marcel, le grand-père, à Matthieu, le petit-fils, on assiste aux difficultés de choisir sa vie, d’assumer ou pas les lignes de conduite prises.
Avec des phrases interminables, mais nullement pesantes, l’auteur dépeint une famille corse sur trois générations.
Une écriture puissante et belle au service d’un roman fort et original
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