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Gand, 10 mai 1940. Koenraad a six ans quand l'armée allemande envahit la Belgique. Sa famille pronazie collabore très activement avec l'occupant. Le débarquement en Normandie incite la famille à s'enfuir en Allemagne. Un voyage à travers les horreurs de la guerre qui la mènera jusqu'à un petit village non loin de la frontière tchèque. Quand les Russes arrivent, la famille reprend la fuite, en sens inverse, avec presque pour seul bagage un seau hygiénique. Ce « seau à merde » servira de moule pour donner forme à une histoire qui était restée profondément enfouie sous l'épiderme de Koenraad Tinel pendant plus de soixante ans et qu'il parviendra à évacuer de son organisme une première fois en 2009.
Le Seau (sous son titre original Scheisseimer) est devenu une pièce de théâtre et un récit graphique poignant. Dans un seul jet furieux de 240 dessins à la puissance rare, l'artiste évoque son enfance dans une famille amatrice d'art, ses moments assis sur la balançoire et ses exercices au piano avec sa professeure juive, Betty Galinsky. Mais aussi sa fuite, sa course à travers les bois, la faim, les bombes qu'il voit tomber, les villes et les personnes qu'il voit brûler.
Le Seau est un livre d'une ampleur et d'une profondeur évidentes, plein de noirceur et de compassion, d'expériences déchirantes, de désillusions dévastatrices, mais aussi de vieilles amitiés et de souvenirs retrouvés. Koenraad Tinel approche au plus près le noyau brûlant, irréductible, qui l'habite et continue d'être présent, quoique peu traité, au sein de la société.
"Voici mes souvenirs d'enfance"
1940, Il grandit à Gand en Belgique avec ses parents, ses deux frères aînés et sa sœur cadette. Le 10 mai de cette même année, les Allemands envahissent le pays. Son père est au septième ciel, il est devenu nazi depuis quelques années déjà. Ses frères aussi se sont laissés séduire mais lui a dix ans de moins, six ans seulement... Il s'appelle Koenraad Tinel et il raconte ses souvenirs de guerre.
"Scheisseimer", paru en 2009 en Belgique, est enfin traduit en français. C'est l'occasion de partager l'album de famille du sculpteur et peintre belge Koenraad Tinel. Il raconte la guerre vue par ses yeux d'enfants: l'exil pour fuir les bombardements alliés jusqu'au bord de la frontière tchèque, la vie en Allemagne, le retour vers la Belgique avec ce seau, trouvé dans la forêt de Thuringe. Un seau à merde, comme le fardeau de l'idéologie de son père, qui pèse sur ses jeunes épaules insouciantes.
Un album où les photos sont des peintures. Koenraad Tinel a trempé son pinceau dans l'encre sale, il peint les nazis sans visage, les paysages sans lumière, les combats et la peur. Ses dessins bruts sont accompagnés par des phrases simples, de simples légendes qu'on écrit en regardant les photos d'un passé douloureux.
L'ensemble est puissant et déchirant. Koenraad Tinel, 90 ans aujourd'hui, dit avoir vomi ce livre, comme pour évacuer un traumatisme. Cela donne 240 dessins et une histoire dont on ne sort pas indemne. Une claque, comme on dit ! Un sacré coup de cœur que je n'avais pas vu venir.
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