"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Une série de décès inexpliqués lors d'un concert de musique classique, le meurtre d'une étudiante vingt ans plus tôt, un acrobate maudit, Willy Wolf, qui disparaît dans le fleuve... Stéphane Pajot nous plonge dans un roman très noir au coeur de sa ville, Nantes et de la presse quotidienne qu'il connaît bien pour y baigner depuis trois décennies. Les trajectoires de ce polar historique se télescopent, se répondent et se complètent pour n?en faire qu?une. Elles lèvent un pan d?intrigues vécues sur un univers méconnu, enfumé, amical et parfois tragique. Mêlant fiction et autobiographie, l'auteur prend un malin plaisir à décortiquer certaines facettes de la comédie humaine. Noirceur, douceur, mystère des âmes et filiations au menu.
Qu'est-ce qui peut lier une série de décès inexpliqués lors d'un concert de La Folle Journée de Nantes en 2016, le meurtre d'une jeune femme vingt ans plus tôt, la disparition d'un acrobate, Willy Wolf, qui, en 1925 sauta du pont transbordeur de Nantes et ne remonta pas à la surface et la naissance des premiers transports en commun au début du 19° siècle ?
Vous le saurez en lisant le dernier-né du journaliste de Presse Océan, Stéphane Pajot, par ailleurs collectionneur averti de cartes postales et de photos anciennes (par exemple celle qui illustre ce roman et qui représente le fameux Willy Wolf lui appartient) et spécialiste émérite de Nantes, de ses coins et recoins oubliés, des faits divers qui s'y sont déroulés, des personnages emblématiques, typiques, artistes de rue, clochards, ... et auteur de nombreux livres sur la ville et de polars divers (allez voir à la lettre P de mon index, vous verrez une toute petite partie de sa production).
Dans Le rêve armoricain, Stéphane Pajot nous promène dans Nantes, remonte le temps avec un fil rouge ou même plusieurs, au moins deux personnages réels, Willy Wolf et William Turner. On passe, en plusieurs étapes de 2016 à 1826, apprend plein de choses sur les personnalités nantaises, sur la ville et ses évolutions.
La part belle est faite au journaliste Mathieu Leduc, qui en 2016, vingt ans après avoir été innocenté dans l'affaire du meurtre d'une jeune femme, couvre les décès tragiques et inexpliqués au concert de musique classique. L'auteur s'amuse à nous perdre, à nous faire douter. Il joue aussi avec les mots, avec des citations cachées dans son texte, telles : "marcha tel un robot dans les couloirs du métro" (Trust) et "par hasard et pas rasé" (S. Gainsbourg) et sûrement d'autres que je n'ai pas notées par méconnaissance ou tout simplement parce qu'elles sont si bien intégrées dans le texte qui m'a absorbé que je ne les ai pas vues.
Tout cela concourt à faire de ce court polar un roman original et ce qui définitivement le classe comme tel, c'est sa construction, un peu comme le très bon Selon les premiers éléments de l'enquête, qui s'appuie sur le travail de la presse quotidienne régionale, qui remonte le temps, je le disais plus haut, par un ou des fils rouges qui peuvent un moment perturber le lecteur qui ne verra les liens qu'en avançant. On pourrait, si l'on s'arrêtait à la structure, parler de nouvelles, ce qui ne serait pas une injure, mais l'auteur assez subtilement glisse des liens de continuité dans tous ses chapitres.
Tout coule extrêmement bien, dans un texte qui emprunte à beaucoup de styles, tour à tour très dialogué et oralisé, puis descriptif, puis un poil poétique, décalé avec ces fameuses citations. Le genre de livre qui fait du bien -même si l'on ne connaît pas Nantes- dont on ressort en se disant qu'on a lu un truc différent loin des productions courantes. Tout ce que j'aime. En plus, D'Orbestier -l'éditeur- a la bonne idée de faire sa collection Bleu cobalt en format poche pas chère. Plus rien ne vous retient.
Stéphane Pajot est un journaliste et écrivain nantais et son amour pour sa ville se ressent très fort dans son roman. Je me suis rendue personnellement une seule fois à Nantes à l'occasion d'un déplacement professionnel et, de ce fait, je n'ai pas pu y faire beaucoup de tourisme mais la ville m'avait laissé un bonne impression. Avec ce roman, j'ai une furieuse envie d'y retourner pour découvrir la ville et son histoire. En effet, l'auteur nous raconte de nombreuses anecdotes savoureuses qui donnent envie de creuser, je me suis ainsi renseignée plusieurs fois sur internet pour en savoir plus.
Le roman commence avec un journaliste local, Mathieu Leduc, qui couvre un événement tragique ayant eu lieu lors d'un festival de musique classique : une trentaine de personnes sont mortes de façon inexpliqués pendant un concert. Je n'en dis pas plus ici mais l'hypothèse évoquée pour expliquer ces morts est très originale et renvoie à un événement récent dont j'ignorais l'existence et qui m'a fasciné, je me demande encore si c'est possible. Ce point de départ m'a enthousiasmé et j'ai lu la suite du roman d'une traite, il faut dire aussi qu'il est assez court. On se laisse alors embarquer dans un procès pour meurtre, sur les traces du pionnier des transports en commun français ou encore de William Turner lors de son passage à Nantes. Mais le passage le plus passionnant est sans nulle doute celui sur Willy Wolf, le plongeur Trompe-la-mort, qui disparut en 1925 dans la Loire. Il illustre d'ailleurs la couverture du roman avec son pull noir à tête de mort blanche. J'ai trouvé son histoire fascinante et je vous laisse la découvrir.
On apprend donc beaucoup de choses dans ce roman et c'est ce que j'ai aimé. Les différents destins des nombreux personnages se télescopent au fil du roman et l'intrigue du début laisse place à des pérégrinations à travers Nantes et ses différentes époques. Pour ne rien gâcher, c'est plutôt bien écrit avec un style très journalistique qui colle bien à l'esprit du roman.
Bref, les éditions d'Orbestier m'ont ici offert une belle découverte et je ne manquerai pas de me pencher sur les autres polars de Stéphane Pajot et de faire un petit tour à Nantes très bientôt !
À lire aussi sur : https://thetwinbooks.wordpress.com/2018/05/02/le-reve-armoricain-stephane-pajot/
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