"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Charly est une ancienne voleuse qui, en sévissant dans les appartements parisiens, rencontre Serge, un vieil homme qui lui conseille de travailler à l'Hôtel La Louisiane et d'y voler des histoires de vie, puis de lui narrer les récits des voyageurs.
À l'Hôtel La Louisiane où elle travaille, Charly découvre l'amitié, mais aussi le sentiment amoureux et la vie charnelle.
Grâce à l'écriture, elle ressuscite les étoiles qui ont fréquenté cet hôtel, de Rimbaud à Verlaine, en passant par Lucien Freud, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Juliette Gréco, Albert Cossery, Keith Haring, Jim Morrison et Quentin Tarantino.
Le sujet de ce roman est attirant et intriguant. Il y est question des étoiles qui brillent à jamais dans les chambres et les couloirs de l’hôtel La Louisiane situé à Saint-Germain-des-Prés à Paris, de ces femmes et de ces hommes qui y ont séjourné, célèbres ou non, pour un court instant ou pour longtemps. Alors bien sûr nous sommes à l’affut des anecdotes à propos de celles et ceux que l’on pense connaître, mais dans ce livre, vous y trouverez de petites et grandes vérités autant que de petits et grands mensonges. Le mystère plane constamment et nous évoluons toujours sur ce fil de la vérité sans savoir quand nous dérapons dans l’imaginaire. Les secrets sont saufs et à bien y réfléchir, c’est mieux ainsi.
Charlotte Saliou est réceptionniste dans cet hôtel et le personnage de son roman, Charly, le devient, elle aussi. L’ambiguïté est par conséquente forte et assumée dès le départ, autant par la profession que par le prénom. Puisque cet hôtel semble garder au fond de lui l’atmosphère feutrée, romantique, délurée, libertine, sauvage des grands artistes qui ont foulé sa moquette, je comprends aisément que l’imagination foisonne en ces lieux. De l’ordinaire à l’extraordinaire, il n’y a qu’un pas. Alors, rêvons. Laissons-nous bercer par les chants de Juliette Gréco, d’Étienne Daho… par la trompette de Miles Davis, par les mots et la philosophie de Simone de Beauvoir, de Jean-Paul Sartre… par les coups de pinceau et de crayon de Keith Haring, Lucian Freud… Laissons notre esprit imaginer les fêtes, les soupirs, les joies, les amitiés, les amours, les névroses.
L’écriture de l’autrice est une poésie avant toute chose. Elle exacerbe les pensées et l’imaginaire. Elle enjolive et fait voyager dans l’onirisme. Elle accentue les rêveries et nous fait perdre un peu plus la possibilité de débusquer le vrai du faux. Peut-être même un peu trop ? Je me suis parfois un peu perdue, tout court, il est vrai. Mais la beauté de certains chapitres mérite que l’on s’y attarde. Je veux vous partager un peu de celui qui a ravi mon cœur, intitulé « Serge, enfin, tu es là ! » (Serge étant un vieil homme devenu le confident de Charly) :
« — Je pense que tu devrais t’amuser encore plus, d’autant plus que La Louisiane s’y prête, ton refuge a connu quelques heures de gloire et de croissance dans les années 1970, une décennie qui dévorait la liberté, et l’inhalait aussi. Ta jeunesse me semble bien sérieuse ou semblable à celle des troubadours ! Les chansonniers du cœur se maintiennent dans l’oisiveté à l’ombre de leur dame, cloîtrés dans des refrains, soumis aux canevas des sentiments et de la rime. Ils marchent dans les pas des autres, de leurs frères, de leurs pères. La tradition d’aimer, de déclarer sa flamme ou de faire l’éloge des grâces d’une dame, cela revient à se marier. À se détourner des cavales et des vagabondages. Toi, tu voles des moments de vie, des tronçons d’espoirs, et pourtant jamais tu ne m’as explicitement demandé de te raconter ma jeunesse. Celle que j’ai vécue à une époque où les voitures roulaient à l’essence et polluaient les brumes, où l’on fumait partout, y compris dans les trains, où l’insécurité planait sur nous, avec une forme de tendresse indescriptible. Chaque jour, en omettant d’attacher notre ceinture, alors que l’engin roulait vite sur des routes jonchées de platanes, nous revivions avec innocence les premiers pas des plus jeunes. Ils apprennent à tomber, une main plus responsable et aimante les aide à se relever. Si demain je meurs, l’être imaginaire, plus fort que tous les feux, viendra me chercher, et nous embarquerons pour des terres éternelles, sur les eaux des lacs quand ses vapeurs s’unissent au ciel, et que les bleus se fondent les uns aux autres. »
Le Refuge des étoiles est pour ainsi dire un roman poétique. Il ravira les amoureux du langage, les adorateurs des mots et les doux rêveurs. Son ambiance a quelque chose de suranné, autant que le sont les murs de l’hôtel La Louisiane. C’est un voyage dans le Paris des artistes, un peu nostalgique, toujours idolâtré.
Sur mon blog : https://ducalmelucette.wordpress.com/2024/01/03/lecture-le-refuge-des-etoiles-de-charlotte-saliou/
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