"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Dans cette peinture en creux d'une trahison amoureuse, le mensonge par omission biaise les contacts et un théorème de physique fondamental annonce l'infidélité qui rôde.
Pour son premier roman, Catherine Quilliet nous plonge dans un thriller implacable sans cadavre ni policier, où l'arme du crime est un roman de Michel Butor.
Vincent a tout pour être heureux : une femme sublime, un métier qui le passionne dans la recherche de pointe sur la reconnaissance vocale, pourtant tout va changer pour lui le jour où il replonge dans le journal intime qu’il tenait jusqu’à ses années de fac. Il y découvre un pan entier de son passé dont il ne se souvient absolument pas. Une histoire d’amour avec une certaine Marianne. Pourtant ce n’était pas une relation d’un soir. Comment peut on oublier une histoire d’amour aussi intense.
« Il relut, interloqué, les phrases qu’il avait commencé à parcourir distraitement, et dont il réalisait soudain qu’elles ne réveillaient aucun écho en lui. Son écriture n’avait pas vraiment changé, pas de doute, c’était bien lui qui avait écrit ces lignes. Mais quand ? Et la fille, c’était qui ?.
Les réponses lui reviendraient forcément quand il lirait la suite.
Mais plus il avançait dans sa lecture et moins le récit s’ajustait à ses souvenirs de jeunesse. Chaque anecdote l’éloignait davantage de lui-même. Il n’avait aucun visage à mettre sur les obsessions déroulées page après page. »
Petit à petit ce pan de son passé oublié va obnubiler Vincent, il va s’insinuer dans les moindres recoins de sa vie. Il faut qu’il sache, qu’il retrouve cette Marianne, qu’il découvre pourquoi, comment il a pu oublier cette histoire. Cette quête va perturber son travail et surtout sa vie de couple, il va peu à peu délaisser Claire.
Il va faire appel à un écrivain qui, dans une interview, révélait que quand il terminait un livre il ne se souvenait plus de tout de ce qu’il avait écrit. Il va partir à la recherche de cette Marianne pour l’interroger. Il va faire appel à des logiciels de reconnaissance lexicales pour comparer ce pan de son journal avec le reste de ses écrits dont il se souvient. Ce qu’il va découvrir, je ne vous en parlerai pas, il vous faudra lire le livre pour le savoir.
Ce roman est un véritable thriller. Un thriller sans meurtre, sans assassin, sans policier. Un roman dans lequel le héros va se mettre à enquêter sur son passé, d’ailleurs son nom n’est pas innocent : Vincent Estière (est hier) . Une enquête pleine de rebondissements et de surprises. C’est un roman dont le centre est la trahison dans la relation amoureuse, le mensonge qui fausse la donne.
Venons-en au titre. Le problème à N corps. C’est un problème physique qui consiste à résoudre les équations du mouvement de Newton de N corps interagissant gravitationnellement, connaissant leurs masses ainsi que leurs positions et vitesses initiales (merci Wikipédia). Mais rassurez-vous nul besoin d’êre un expert en physique pour comprendre et apprécier ce roman. Je suis nul en physique et ce titre a bien failli me dissuader de lire ce livre ; grossière erreur. Ici il peut être résumé par le fait qu’en amour, quand il y a plus de deux corps en présence, c’est le chaos.
Je vous invite à découvrir ce véritable thriller mené de main de maître par Catherine Quilliet. Un roman dont la construction et le style vous prennent dès la première ligne, vous happent et ne vous lâchent plus.
« -Votre journal, Vincent. Le vôtre, pas le fascicule supplémentaire. Vous le relisez à quelle fréquence, à peu près ?
-C'est difficile de parler de fréquence. Je ne le relis pour ainsi dire jamais" Vincent hésita. " Enfin quand je dis jamais ..."
Son vis-à-vis s'enfonça davantage dans son moelleux fauteuil de cuir brun, croisa les jambes, attendit. Vincent mordilla l'une de ses phalanges, puis se fit violence pour parler.
"En fait, ça m'est arrivé une fois, il y a assez longtemps. Pendant ma thèse. Au début, il me semble. C'était... comment dire... surprenant. Presque désagréable. J'ai reconnu les événements, tout au moins les plus marquants, mais quasiment rien des détails. Comme s'il ne s'agissait pas de moi, mais du roman de la vie d'un autre que j'aurais fréquenté autrefois. Quelqu'un qui avait finalement très peu de points communs avec moi, mon moi de maintenant. C'est déstabilisant de de pas se retrouver là où on croyait s'être laissé. Ça m'a suffisamment déplu pour que je n'aie pas envie de recommencer l'expérience. Il est plus confortable d'entretenir l'illusion qu'on est soi de toute éternité, et que ce qu'on vit à un instant donné restera ancré dans notre mémoire jusqu'à la fin ... »
Une histoire mystérieuse très réussie et originale dont l'arme du crime se révèle être des plus insolites…
Ma chronique complète sur http://www.arthemiss.com/le-probleme-a-n-corps-de-catherine-quillet/
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