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Aéroport de Toronto, début novembre 2016. Mourad Benchellali tend son passeport. Un bip. On lui demande d'attendre à l'écart. Puis un policier arrive, qui lui pose quelques questions. Mourad explique : invité par des écoles et le Sénat de Montréal, il vient participer à des rencontres destinées à comprendre et prévenir les dérives vers la violence d'inspiration islamiste de certains jeunes Canadiens. Pendant qu'il patiente dans un couloir, frustré, inquiet, la machine à remonter le temps se met en branle...
Comment tout cela a-t-il commencé ? C'était à l'été 2001, quand, âgé de dix-neuf ans, il s'est laissé entraîner vers des " vacances " en Afghanistan... Le djihad ? Non : une aventure, qui avait un vague parfum de clandestinité, un côté cinéma - une rupture dans la routine de la vie en banlieue de Lyon. Quand le policier revient, un interrogatoire s'engage, qui durera la nuit entière. L'histoire que Mourad tente d'expliquer à cet homme, c'est celle que raconte ce livre : le voyage d'un jeune inconscient qui met les pieds là où il ne faut pas au moment où il ne faut pas (quelques semaines avant les attentats du 11 Septembre) et en paie le prix dans le camp de Guantànamo où il échoue. À la différence de beaucoup de détenus, Mourad a trouvé en lui-même la capacité de ne pas sombrer dans la haine et a choisi de transformer ce lieu d'enfer sur terre en l'université où il n'avait pas été - une école de la compréhension et de la tolérance...
Revenu en France, Mourad s'est peu à peu reconstruit une vie ; aujourd'hui, il saisit toutes les occasions pour partager son expérience en espérant qu'elle puisse être utile aux jeunes Européens ou Nord-Américains tentés de tomber dans le même piège que lui - car si les étiquettes ont changé, les circonstances internationales évolué, les mécanismes sont les mêmes et cette " vieille histoire " qui se lit comme un thriller a des accents terriblement actuels.
Récit autobiographique.
Eté 2001. Mourad a 20 ans. Sur l'insistance de son grand frère, de huit ans son aîné, il décide de partir à l'aventure en Afghanistan avec un de ses amis. "Tu verras, là-bas c'est le paradis, les musulmans appliquent vraiment le Coran" lui martèle-t-il. Puis suit une description idyllique des paysages, de la nature et de la gentillesse des habitants. Alors Mourad se laisse tenter. Son frère organise tout, même la fourniture de faux papiers, ce qui surprend d'ailleurs Mourad. Mais il ne dit rien. Et il tombe dans le piège...
En Afghanistan, il atterrit dans un camp d'entrainement d'Al-Quaeda, où il rencontrera le leader Ben Laden. Il doit y rester 60 jours, après il sera "libre". Libre, il pense l'être à la fin des 60 jours, puisqu'on lui permet de rentrer. Sauf qu'on est le 11 septembre 2001 et que les évènements de ce jour ne lui permettront pas de repasser la frontière afghane. Traqué comme beaucoup d'autres, soupçonné d’extrémisme religieux, il passera plusieurs mois en fuite dans les montagnes afghanes, jusqu'à sa capture par l'armée américaine. Direction Guantánamo et ses horreurs pendant plus de deux ans. Puis en France, c'est le retour à la case "prison" pour 16 mois. Jusqu'à sa remise en liberté qu'il n'espérait plus.
Mourad raconte : sa naïveté, ses mauvaises décisions, les souffrances physiques endurées, les souffrances psychologiques et affectives, les conséquences sur sa famille. Tout ça pour aller vivre une aventure qu'il pensait anodine. Son but aujourd'hui est clair : alerter sur la radicalisation et montrer aux jeunes tentés de suivre cette voie la face cachée.
Avant de lire ce récit autobiographique, j'ai eu le grand privilège d'écouter Mourad Benchellali relater son vécu. Mon établissement scolaire l'a invité en décembre à s'exprimer devant des élèves et des adultes. Dans la salle, pendant une heure, on aurait entendu une mouche voler. Pas de ressentiment dans ses propos, pas de haine. Juste l'envie de faire passer un message : certains chemins peuvent sembler attirants, mais c'est à la souffrance qu'ils conduisent réellement.
Depuis plus de 10 ans, l'auteur participe à des programmes organisés contre la radicalisation. Surtout au sein des établissements scolaires. Je recommande vivement et le livre, et la rencontre avec l'auteur.
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