"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Corey Goltz, quinze ans, grandit dans la banlieue ouvrière de Boston. Il vit seul avec sa mère Gloria. Cette dernière a connu beaucoup de désillusions, mais elle a toujours été là pour son fils unique. Tout change quand un médecin lui apprend qu'elle est atteinte de la maladie de Charcot.
Car à mesure que Gloria perd son autonomie et son énergie vitale, Corey doit s'organiser pour faire face. Son amitié avec Adrian, un étrange garçon fasciné par Nietzsche et la musculation, l'aide pendant un temps. Les arts martiaux lui permettent de sculpter son corps, comme un miroir inversé de celui de Gloria. Mais Corey doit aussi trouver des petits boulots, payer les factures, aider sa mère à s'orienter dans un système de santé sans pitié pour les gens modestes et, surtout, affronter le comportement toxique de son père Leonard.
Seul ou presque, dans une Amérique violente et gangrenée par le complotisme, Corey aura fort à faire pour trouver son chemin et devenir l'homme qu'il a envie d'être...
Porté par une puissance narrative rare, le deuxième roman d'Atticus Lish, empruntant autant au roman de formation qu'à la chronique sociale, est simplement bouleversant.
Émouvant, pétri d’humanité, « Le monde de la berge fleurie » est une fresque sociétale et filmique.
Nous sommes en plongée dans la banlieue ouvrière de Boston. On ressent l’atmosphère d’une époque à peine passée. Tant l’évènementiel est le papier calque d’un présent pour beaucoup. L’élément majeur est une maladie, en l’occurrence : la maladie de Charcot.
Corey Goltz est un jeune adolescent de quinze ans, grandissant au fil des pages. Il vit avec sa mère Gloria. En tête à tête, avec des rites et des habitus, des attentions et des bouquets d’altruisme. Gloria est une femme encore jeune, qui travaille. Le yoga est une éthique pour elle. Elle est unique, mère solo, intègre, battante et libre.
Le quotidien est affûté aux veilles sentimentales. Jusqu’au jour où Gloria tombe malade. Elle combat. Altière et vigoureuse dans ses batailles. Mais la maladie de Charcot assomme la maisonnée. L’apparence ne change pas. Il y a la dignité du silence d’une mère qui continue de travailler. Ne pas faillir, pas encore.
« Elle avait pris ce boulot pour payer le loyer. Ils étaient là pour les écoles qui avaient un meilleur niveau qu’à Dorchester. Elle l’avait fait pour son fils ».
« À présent il était au lycée, mais n’avait pas cessé d’être l’ami qu’il avait toujours été pour sa mère. À son retour, quand il montait les marches à pas lourds et rentrait en trombe en balançant les bras, elle avait l’impression qu’il allait abattre la maison et lui en construire une plus belle ».
Léonard, le père de Corey vient de temps à autre dans l’antre de Gloria. Anti-héros, arrogant, voire violent, il a une emprise sur Corey. Les discussions sont toujours intimes et toxiques. Léonard est un loup dans la bergerie. Il va agir. Troubler Corey. Le faire vaciller, le droguer, le forcer aux dangers que Corey réfute. C’est un homme vil et dangereux, machiavélique.
Corey est brillant au lycée. Néanmoins, il travaille en fin de semaine et de plus en plus. Subvenir aux besoins. Les rôles inversés dans cette fragilité qui attise la vulnérabilité. Gloria est de plus en plus diminuée. Elle meurt peu à peu. Son corps cède. Elle est emprisonnée dans cette maladie de Charcot. Corey se pressent responsable et devient le mur porteur. Il va arrêter ses études. Le radeau de Géricault pour sa mère. Il y a dans ce grand texte, toute la tendresse pudique et malgré tout, la trame est mature, sans pathos et élève toute l’idiosyncrasie d’une Amérique bousculée par les diktats de pauvreté et d’ère post-industrielle.
Que va-t-il se passer dans cette saga formidablement dressée par Atticus Lish.
Corey est l’albatros qui étend ses ailes et somme la vie, pour un peu de lumière encore. Les endurances qui forgent ce jeune adulte en advenir. Léonard que l’on déteste et qui recevra le revers de son cynisme et sadisme. Lui, le paria de cette fratrie qui s’impose malgré le fait que Gloria l’ait rejeté depuis longtemps. Le roman est sombre et triste. L’emblème et porte-voix de l’amour et de l’hymne pour la mère. C’est une toile de maître sociologique et psychologique, d’une douceur infinie.
Ce roman d’apprentissage est d’une beauté inouïe. Il n’y a aucun arrêt sur image. Une constance affective comme les battements de cœur de Gloria pour un temps encore.
« C’était désorganisé, un brouillon fou avec des longues digressions sur des questions secondaires qu’elle faisait enfler jusqu’à les rendre essentielles – une expansion nietzschéenne … Il déposa ses écrits dans un bac en plastique étanche qu’il étiqueta : « La vraie Gloria ».
Les tragédies humaines traversent « Le monde de la berge fleurie ». Le triomphe d’une initiation à la vie. Bouleversant, un livre qui fait grandir. La destinée comme viatique.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Céline Leroy. Publié par les majeures Éditions Christian Bourgeois éditeur.
Gloria et Leonard se sont rencontrés dans les années 90. Tous deux déjà bien cabossés par une enfance difficile de gamins laissés pour compte. Si ils ont eu un fils (Corey) ils ne se sont pas mariés pour autant, même si ils sont restés (épisodiquement) en contact durant les quinze dernières années …
Fusionnels, la mère et le fils le sont depuis toujours. Unis dans une sorte de misère morale et financière. Jusqu’à ce jour funeste où Gloria a appris qu’elle était atteinte de la maladie de Charcot … Et qu’elle allait probablement mourir dans un délai de trois à cinq ans … Cette annonce va alors renforcer leurs liens et sortir brusquement Corey du monde de l’enfance. Pour lui, terminées les longues études ! Finis les beaux rêves de navigation qui adoucissaient son quotidien … Il va devoir travailler et prendre soin de sa mère …
Corey va faire la connaissance d’Adrian, un garçon de son âge (complexé par son aspect de mastodonte) dont la mère a également une tumeur au cerveau … Une rencontre qui va le sortir de sa solitude, mais s’agit-il réellement d’une amitié ?…
L’adolescent fragile va également découvrir la (sombre) face cachée de Leonard, son père. Un homme sans la moindre empathie, terriblement toxique pour les siens … Dès lors, la colère, l’impulsivité (voire la haine) vont remplacer sa timidité enfantine. Corey n’aura plus qu’un désir : imposer une discipline de fer à son corps, en lui imposant un régime sportif extrême. Pour ne plus jamais être une victime …
Un roman social brutal et sans concession qui se déroule à Boston. Une écriture percutante pour une intrigue bien cruelle ! Avec une toute petite lueur d’espoir en son épilogue … En tout cas le lecteur a très envie d’y croire … Afin que le jeune Corey, maintenant âgé de dix-neuf ans puisse enfin sortir la tête de l’eau …
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