"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Automne 2017, Un adolescent filme le lynchage d'un jeune, torturé, dénudé et jeté dans un canal. Les auteurs ont été arrêtés quelques jours plus tard. Le corps a été retrouvé à deux-cents kilomètre du lieu du tournage. Sofiane, dix-sept ans n'a pas porté de coups mais a tout filmé, a laissé ses complices tuer pour cinq-cents euros... Il a été arrêté et incarcéré.
Rachid Santaki part de ce fait divers pour plonger au coeur de la violence qui anime la jeunesse dans les quartiers et essaie de répondre à cette question : comment en est-on arrivé là ? A travers des ateliers d'écriture dans des centres de détention pour mineurs, le procès des acteurs du lynchage et ses échanges avec les familles, il se heurte à cette violence, à la misère sociale et à l'implacable loi de la cité.
Un texte protéïforme où se mélangent la voix de l’écrivain et celles des personnages, les voies de la fiction et des faits divers. Un petit goût en madeleine de Proust de l’excellent travail de journalisme narratif d’Emmanuel Carrère dans l’Adversaire il y a déjà plus de vingt ans. « Sans m’en rendre compte, je me glissais dans l’univers de Sofiane, un gamin écorché, et je me posais encore plus de questions. » p 83 Points. On se glisse nous aussi avec lui dans cet univers que l’auteur réussit à toucher puis dessiner du doigt à petites touches de réalisme et de scènes reconstituées au plus près des mots (les leurs) et des maux (ceux de la société toute entière). La fréquentation des personnages de Rachid Santaki comme en 2000 celle du personnage de l’Adversaire fait s’ouvrir béant le questionnement sur le pourquoi et le comment du Mal. Sur cette indifférence parfois devant la souffrance d’autrui, que l’on soit spectateur, complice ou bourreau. Ce texte, pas mieux que celui d’Emmanuel Carrère, n’apportera de réponse(s) mais il pose un contexte, dessine les contours de la vie de ces gosses qui ont effacé les frontières entre le virtuel et le réel, entre les réseaux sociaux et la société. On en ressort un peu sonné(e)s, toujours inquiet(e)s, mais sans doute aussi, et c’est le plus précieux, plus concerné(e)s.
Chez Alibi on parle pour ce texte d’un « romanquête », ce terme convient mieux que celui de polar, catégorie dans laquelle il semble un peu en marge.
Première lecture dans le cadre du prix du Meilleur Polar Points 2023. Ce livre est présenté comme un « puissant romanquête qui interroge les nouveaux codes de la violence des quartiers ».
En effet, Rachid Santaki, qui connait bien les quartiers, réalise ici un travail proche du journalisme. Il se met en scène lui-même comme reporter-enquêteur. Il part d’un fait-divers sordide et affreux et tente à partir de cet évènement et du procès qui a suivi, de trouver les racines de la violence. Il tente aussi d’en trouver les nouveaux rites. Entre rap et réseaux sociaux, l’auteur cherche à nous montrer l’impact de l’image dans ces escalades de violence.
Je n’avais jamais lu cet auteur qui a plusieurs romans à son actif. Ici on ne sait pas très bien ce qui relève de la fiction ou de l’essai, du reportage ou de l’enquête. C’est d’abord l’effroi qui guette le lecteur à la lecture du récit du lynchage de Mathieu. Rachid Santaki s’empare de l’évènement pour tenter de l’analyser et de le décrypter.
Ce court récit de 180 pages n’est pas inintéressant. Il nous laisse avec autant de questions qu’au début de la lecture mais a le mérite de les poser avec humanité et empathie.
Mathieu, un adolescent sans histoire de Saint-Denis est torturé puis assassiné par un groupe de trois jeunes de sa cité. A l’extrême violence des deux leaders, se rajoute le détachement du troisième jeune qui filme la scène pour la poster sur les réseaux sociaux.
Rachid Santaki, originaire de cette même ville, raconte et analyse ce terrible fait divers qui se produit régulièrement dans les quartiers de banlieue.
Issu de la première génération d’amateurs de rap que le groupe NTM a beaucoup influencés, notamment avec la chanson « Laisse pas traîner ton fils », il constate que les mentalités ont changé avec la nouvelle génération de 20 ans plus jeune.
Les groupes de rap ne sont plus appréciés pour le contenu de leurs chansons mais pour leur visuel et, dénués de dimension sociale, des titres comme « La vraie vie » du groupe Da Uzi, semblent générer une violence larvée.
Trois parties alimentent son propos, le récit de l’agression, l’analyse sociétale des comportements de chaque protagoniste puis le déroulement du procès au Tribunal de Bobigny.
Très engagé dans la réinsertion des délinquants avec ses ateliers d’écriture en milieu carcéral, l’auteur conclut son analyse presqu’ethnologique en dénonçant un contexte déshumanisé d’influence des quartiers ainsi qu’un problème mondial lié à la toute puissance du numérique, qui vont bien au-delà d’un simple fait divers de banlieue.
Plus reportage que polar, cette enquête vraiment glaçante m’a permis de m’intéresser à un phénomène qui me semblait jusque là bien loin de mon univers.
Grâce à ce roman, Rachid Santaki soulève un sujet très inquiétant dont notre société devrait mieux tenir compte, sous peine de le voir prendre une dimension irréversible et je le conseille vivement pour son intérêt sociétal.
Ce livre témoignage est romancé comme le dit à plusieurs reprises l'auteur.
Pourtant, il n'en reste pas moins détaillé et suivi à la façon d'un reportage.
D'abord on entre dans l'horreur d'un lynchage.
Trois garçons ont séquestré un jeune homme de 17 ans.
Sous le regard acéré de la caméra du portable du plus jeune, il est battu encore et encore.
Son calvaire n'en finit pas et c'est le réseau social Snapchat qui s'en délecte.
Comment en vient-on à une telle horreur, un tel manque d'humanité et une telle perte d'ancrage dans la réalité ?
C'est là la mission de l'auteur : comprendre l'incompréhensible !
Les premières pages ont été particulièrement douloureuses pour moi.
Je me transfert souvent dans le roman pour mieux le vivre et l'apprécier.
Dans l'histoire de Sofiane et Mathieu, j'ai lu une des pires craintes de tout parent.
J'ai lu ce que le manque de repères, de conscience peuvent engendré de pire.
J'ai lu la crise sociétale, le malaise des banlieues, le manque de perspectives et le calvaire de milliers de jeunes.
J'ai lu comme il est facile pour un être fragile, ou fragilisé, de sombrer dans un monde parallèle où la vie, la mort, l'amour et le désespoir n'ont pas la même signification.
J'ai lu le manque de moyens et d'espoir.
« ESPOIR »
Un mot qui pour beaucoup n'as pas de résonnance.
Et puis à un moment j'ai cru lire la résilience.
Peut-être une autre conclusion était possible pour toutes celles et ceux qui sont embourbés dans ce monde ?
J'ai lu aussi l'ambivalence et parfois même la manipulation.
A trop vivre dans la fosse on peut devenir la lie de la société.
Dans ma banlieue « favorisé » on ne rencontre pas les mêmes manques.
Nous avons la chance d'avoir accès à l'éducation encadré par des moyens humains et matériel de qualité, la culture est à portée de main pour tous ceux qui le souhaite et l'espoir n'est pas un vain mot.
Les mots de l'auteur m'ont donné à réfléchir sur ma chance et me l'on fait apprécier d'autant plus que j'espère un avenir, si ce n'est glorieux, au moins sain et apaisé à mes enfants.
Les mots de Rachid Santaki m'ont conforté dans l'idée que je ne laisserai pas mes enfants sans surveillance car même dans ces conditions nous ne sommes pas à l'abri de voir nos enfants prendre un chemin sombre et tortueux.
J'ai hâte de rencontrer l'auteur pour en savoir plus sur ce quotidien que l'on ne voit que 2 à 5 minutes au journal télévisé.
Merci aux Editions Filature(s) et à Babelio pour cette découverte.
Sans eux je serai passé à côté d'un texte puissant.
Merci à Rachid Santaki pour son implication auprès des jeunes et son roman/témoignage
« On lynche un adolescent. Et on envoie ces actes atroces sur les réseaux sociaux. Je n’imagine pas la cruauté des auteurs, je n’imagine pas la douleur de la victime. Je ne vais donc pas évoquer la souffrance de sa famille. La victime n’était pas un énième trafiquant de stupéfiants, c’était un jeune homme qui avait toujours refusé cette voie. Pourtant, les accusés n’en ont pas tenu compte. Ils l’ont lynché et mis en spectacle ces actes de barbaries sur les réseaux ».
Voici comment l’avocat général a entamé son réquisitoire. Rachid Santaki s’intéresse à un fait divers et s’interroge sur l’origine de la violence. Cette enquête va le pousser dans ses retranchements. Même s’il se sent envahi d’empathie pour celui qui a publié cette macabre vidéo (page 77), il s’aperçoit que ce sentiment n’est qu’une manifestation de son instinct de survie. Ce qui le hante, c’est un sentiment d’injustice (page 89). « J’avais décidé de regarder la violence dans ses tripes et elle agitait bien des choses. Je n’étais pas à l’aise. »
Au delà de cette banalisation de la violence, le problème n’est pas cantonné aux banlieues. Il y a une surenchère dans la mise en ligne d’images ou de vidéos abjectes. « C’est un problème mondial lié au numérique ». « L’image a pris une place essentielle et elle est l’enjeu de notre époque ». (Page 140)
Sous ses airs d’enquête journalistique, ce roman au style cinématographique soulève des questions essentielles sur notre société. Comment préserver notre humanité quand les frontières entre le bien et le mal ne sont plus définies ? Jusqu’où peut-on aller dans la violence pour faire le buzz? Comment mieux réguler les réseaux sociaux sans tomber dans la censure ?
Si la violence est aujourd’hui partout, certains humanistes œuvrent encore et @rachidsantaki en fait partie .
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