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Un très beau témoignage sans artifices sur la maladie bien écrit par Tahar Ben Jelloun qui a pris la plume pour retranscrire l'ablation de la prostate vécue par un de ses amis.Un petit livre de 130 pages qui nous montre le parcours de son ami face à la maladie qui isole et éloigne les proches.A lire sans scrupules.
L’ablation de la prostate, c’est synonyme de cancer. Encore un livre sur le cancer et ce n’est pas très gai, c’est vrai, mais c’est un témoignage utile, à défaut d’être pimpant et joyeux, sur les tabous liés à la maladie et la sexualité.
Ce livre est un récit ; c’est donc un témoignage direct. Pas celui de Tahar Ben Jelloun lui-même, non. Lui a eu de la chance si l’on peut dire, son cancer a été décelé à temps et il n’a pas eu à subir l’ablation de la prostate, la curiethérapie a suffit.
En revanche, pour son ami proche, qu’il a accompagné de près, le cancer était déjà bien trop présent lorsque la nouvelle lui a été annoncée, et l’ablation a été obligatoire, pour rester en vie.
Mais rester en vie comment ? Sans sexualité ou avec une sexualité diminuée ? La question, il se la pose. Fait-il vraiment le bon choix ? Sans parler de toutes les conséquences liées à la maladie, à l’incontinence, à la honte. Et puis, est-ce que l’on en parle à ses proches ou est-ce que l’on se tait ?
Ce sont toutes ces questions qu’explore Tahar Ben Jelloun, de manière directe et assez trash. Il n’enrobe pas les faits dans de jolis mots pour faire plaisir. Il raconte la vérité, l’obsession du désir, de l’érection, de l’acte d’amour. On a l’impression parfois qu’il existe en réalité une maladie plus difficile à vivre que le cancer, c’est l’impuissance, cette perte de dignité, cette perte de masculinité.
A partir d’un moment, il semble d’ailleurs changer de sujet, et passe du cancer de la prostate à une obsession sur la sexualité. Mais il est peut-être là, justement, le vrai sujet.
Ce petit récit est bien écrit ; il se lit vite et facilement. Cependant, il faut avouer qu’en tant que livre, il m'a manqué quelque chose.
C’est parfois un peu trop documentaire et factuel. Le regard objectif de l’écrivain rend le témoignage criant de vérité certes, mais paradoxalement, le côté assez froid m'a un peu dérangé, et ne m'a pas permis d’entrer pleinement dans ce récit.
"Témoins vigilants, observateurs attentifs, il arrive parfois que les romanciers se voient confier des vies pour qu'ils les racontent dans leurs livres. Ils font alors fonction d'écrivains publics. C'est ce qui m'est arrivé il y a deux ans lorsqu'un ami, chercheur en mathématiques, m'a demandé d'écrire son histoire. J'ai hésité au début, j'ai proposé de l'aider, mais il disait que seul il ne saurait jamais faire.
Je l'ai écouté des heures, je l'ai accompagné dans ses pérégrinations hospitalière et j'ai découvert un monde passionnant, empli d'une matière riche et féconde pour l'écriture. Je suis devenu ami avec le professeur d'urologie qui le suivait, qui m'a, à son tour, encouragé à raconter l'histoire de ce patient. Selon lui, elle rendrait service à beaucoup de gens, et pas uniquement aux hommes qui subissent l'ablation de la prostate, mais aussi à leur entourage, leur femme, leurs enfants, leurs amis, qui ne savent comment réagir.
Je me suis vite trouvé dans une situation délicate : fallait-il, comme me le demandait mon ami, tout raconter, tout décrire, tout révéler ? Après réflexion, j'ai choisi de ne rien laisser de côté, d'entrer dans sa tête et de me mettre dans sa peau. Un jour, relisant avec lui les premières pages que j'avais écrites, il m'a confié soudain l'étendue de sa douleur physique et psychologique, sa détresse et ses doutes. Là non plus, je n'ai pas voulu biaiser.
Durant ces mois passés avec lui, j'ai été bouleversé, j'ai eu des moments de peur et même de panique. Je me suis mis à consulter à mon tour et à encourager mes amis à le faire eux aussi.
Tout en imaginant certaines scènes, en les réinventant ou en les adaptant au rythme du récit, par moments, je ne savais plus si je traduisais ses fantasmes ou les miens. Je me suis pris au jeu et j'ai trahi la mission de l'écrivain public qui doit s'en tenir à la plus stricte objectivité. Nous en avons parlé et il m'a dit que c'était bien ce qu'il voulait."
Dans l'espace des quelques 130 pages resserrées, denses, implacables de ce récit, Tahar Ben Jelloun s'attaque de façon frontale et incisive à ce qui reste encore un tabou dans notre société : le cancer, et plus précisément un cancer qui porte atteinte à la virilité masculine, celui de la prostate.
Ayant lui-même (comme il l'a confié dans une interview) été atteint par ce cancer, sans pour autant avoir subi d'ablation, l'écrivain se glisse dans la peau, dans la tête, dans le corps d'un ami (réel ou imaginaire...?) pour détailler, étape par étape, ce combat contre la maladie dont on ne ressort ni totalement vaincu ni véritablement vainqueur.
Pour décrire cette réalité difficile et douloureuse, l'auteur ne prend pas de pincettes et ne s'encombre pas d'euphémismes inutiles. L'écriture est franche, crue, directe, brutale parfois – comme le cancer. Rien de ce que le malade subit n'est épargné au lecteur, ni les piqûres, ni les examens, ni les douleurs, ni l'humiliante incontinence, ni l'impuissance et les éjaculations disparues... "Mon corps est à présent une pauvre chose tombée à terre et que l'esprit peine à relever. […] Ma chair n'est plus à moi. Mon corps non plus."
Il faut du courage et du talent, pour exprimer ainsi l'indicible, pour mettre en mots l'expérience vécue chaque jour par tant de malades. Dire l'isolement, parce que "même quand elle ne s'affiche pas, la maladie isole, impose la solitude et le silence". La vérité nue et niée de ce que l'on continue à appeler une "longue maladie", tout simplement parce que le mot « cancer » fait peur, fait fuir, provoque un réflexe de panique. Le seul énoncé de la maladie fait s'éloigner les gens, s'alourdir les regards, se tarir les conversations. "Face à la maladie, les réactions sont souvent surprenantes. Tout est possible, c'est rarement rationnel. […] Il n'y a pas de règle. Chacun réagit selon son histoire, sa force ou sa fragilité". Mais peu, si peu de personnes savent être simplement présentes, disponibles, ouvertes et sans jugement. Et les malades, qu'ils soient dans le creux de la dépression ou en rémission, sont confrontés à la même réalité : ils se retrouvent "seuls face à l'irréversible"...
Comme il l'avoue lui-même en prologue, Tahar Ben Jelloun a outrepassé son rôle de passeur d'histoires pour devenir un narrateur intimement impliqué dans le récit. "J'ai besoin d'écrire la vie pour surmonter les épreuves de la vie. Je crois en la littérature ; elle touche les gens. Ils ont besoin d'avoir un miroir, dans lequel ils se voient, tout en restant à l'extérieur. Je n'aurais jamais pu écrire un tel livre si je n'étais pas aussi passé par là..." déclare-t-il.
C'est pour cela, sans aucun doute, que ce récit sonne vrai, du début à la fin, c'est pour cela qu'il est si fort, si incisif, si prenant. C'est pour cela aussi que c'est un petit livre rare et important, de ceux qui disent les réalités et les faiblesses de notre condition humaine, trop humaine. Et bien loin d'être sinistre ou désespérant, ce récit est aussi un chemin de philosophie et de sagesse, et par là-même, une leçon de vie : "J'accepte. C'est la grande leçon que je tire de cette épreuve : accepter ce qui arrive. Avoir la force de recevoir le présent comme il est et ne pas protester. Ce n'est pas du fatalisme ou de la passivité imbécile. Non, c'est la sagesse profonde, au sens où l'on dit que vivre, c'est apprendre à mourir. […] Je dois continuer à vivre et parvenir à ne plus penser à ce qui me manque. Le temps sera mon ami, mon compagnon."
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