"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Inde, 2022.
Le pays s'apprête à commémorer le dixième anniversaire de la disparition de Nirbhaya, une jeune femme victime d'un viol barbare dans un bus de Dehli. Madhu Chandra Dev Singh, jeune avocat de province, constate avec révolte que des crimes similaires sont commis chaque jour.
Il a alors cette idée folle : porter plainte contre le Ramayana. Selon lui, les violences subies par les femmes indiennes s'enracinent dans ce mythe fondateur de l'hindouisme, qui glorifie les actes violents de Ram et rend son épouse Sita coupable des châtiments qui lui sont infligés.
Afin de préparer son réquisitoire, Madhu Chandra fait appel à l'expertise de Zulfiya Wallace, une anthropologue iconoclaste connue pour ses travaux sur les mythes hindous. Ensemble, ils partent à la recherche de Sati, une adolescente douée d'étranges pouvoirs, que la rumeur poursuit. On la dit possédée par la voix de Sita.
La voix de Sita
Formidable roman qui nous emmène en Inde et traite la question de la condition des femmes de manière très originale.
Madhu est un avocat de Province aux conditions de vie moyenne qui décide d’intenter un procès contre une divinité indienne. Le rôle de sa femme Sita aurait été détournée pour être à l’origine des maltraitances faites aux femmes en Inde. Pour l’aider, il fait appel à une professeure d’université, Zulfiya. Tous les deux voudraient retrouver une jeune fille, Sati, qui se dit habiter par Sita, porter sa voix. Cette jeune fille initie un soulèvement parmi les femmes indiennes bien décidées à se rassembler.
On alterne entre les voix des trois personnages intéressants et particuliers à leur manière et l’intervention d’une star des réseaux sociaux qui immisce des données et pourcentages sur les violences faites aux femmes.
C’est une épopée sociale qui alterne entre réel et mythologie, une approche très intéressante. Un premier roman au style très riche. L’autrice crée une histoire avec une superbe dynamique. C’est une lecture très fluide dont l’alternance des points de vue accroche habilement le lecteur.
La maîtrise de la richesse des intrigues est impressionnante. Une belle réussite.
« La Voix de Sita » est une chance éditoriale hors norme,tant ce roman accomplit ce qu’il y a de plus grand en littérature. Puissant, réalisé, ici, toute l’envergure d’un roman de génie.
Sociologique, engagé, politique, empreint des diktats des religions, les mythes et croyances en lames de fond, une histoire criante qui pointe du doigt là où ça fait mal.
Plusieurs lectures assemblent un kaléidoscope de l’Inde contemporaine. Cet immense pays ployé dans ses inégalités entre les hommes et les femmes, les religions musulmanes et hindouistes, les castes et les très riches et les très pauvres. Les convictions sont des tsunamis. L’irrévocable d’un pays dont l’aura des mythes a plus de pouvoir face à la libre-pensée muselée. Les violences faites aux femmes, les viols et les meurtres des petites filles.
L’histoire est le pictural de L’Inde Clea Chakraverty, journaliste côté ville, pour différents médias pour Le Monde diplomatique entre autre, et dont le travail est d’enjeu politique et social, notamment pour la revue en ligne : « The Conversation France ». N’oublions pas que cette autrice est aussi anthropologue.
Ici s’élève, l’architecture géopolitique, humaine d’une société en péril et dont les femmes n’ont que peu de reconnaissance et de visibilité. Vulnérables, elles sont des proies.
Nous sommes en 2022, dans l’ère de la commémoration du 10e anniversaire de la disparition de Nirbhaya, victime (rappelez-vous) d’un viol collectif dans un bus de New Delhi. Madhu Chandra Singh est un avocat qui aime se confronter au conformisme et, a son actif, un panel de jugements quelque peu iconoclastes. Il dépose une plainte, un recours extraordinaire contre Sri Ram d’Ayoddhaya connu sous le nom de Riaghu, fils du Soleil. Il cherche par cette action à réhabiliter « l’image morale et intellectuelle de Nirbhaya », symbole de toutes les femmes violées et tuées. Sa plainte semble ubuesque, sidérante. D’aucuns voient une forme de buzz, d’autres un courage vénérable et enfin le risque de la case prison.
Les religions sont prégnantes et d’un pouvoir sans limite. Sa plainte est un symbole, une confrontation à venir. Pour les juges elle est viscéralement incongrue et dangereuse pour Mahhu qui risque la répudiation. C’est un bras de fer contre les mythes et croyances qui s’enclenche. Son père lui ayant dit un jour, « mais si tu choisis l’une de ces professions, exerce-là avec fracas, mon fils ».
Le récit à tiroirs dont les passages « Story Insta de Miss Fantastic » sont des réalités, « saviez-vous qu’en moyenne, 63 femmes au foyer se suicident chaque jour en Inde ? 90 % des mariages sont arrangés. Chaque année 200 000 petites filles meurent avant l’âge de cinq ans. 400 000 enfants sont kidnappés chaque année, 11 000 ne sont jamais retrouvés et 300 000 réduits à la mendicité…. ».
« La Voix de Sita » est la traversée du miroir de l’Inde. Loin des clichés de cartes postales, l’histoire va chercher la réponse au travers de Sati, petite fille muette qui ne parle et incante dans plusieurs langues, que guidée par la voix de Sita, une victime perpétuelle. Le Ramayana, texte fondateur, dans sa forme la plus intégriste et sexiste va se heurter à Sati une jeune adolescente, fragile et pure. Madhu aidé par Zulfiya, une anthropologue moderne, libre et éclairée vont partir à la recherche de Sati. Afin de rassembler l’épars pour le jugement de Madhu face à la puissance des Dieux et des juges et pour comprendre le pouvoir de cette fillette. Cette déambulation est l’idiosyncrasie de l’Inde. Des habitus, à la canopée des mythologies, le récit est un kaléidoscope éclairant, judicieux, qui démonte un à un les carcans. Un mythe qui heurte une société entière, complètement embrigadée dans des croyances qui font des femmes des bêtes jetées en pâture. Sati, plus qu’un symbole est celle qui collecte la voix nouvelle. Éloge pour Nirbhaya. D’un mythe à bâtir pour changer la donne, « de nouvelles compréhensions du monde ».
Magistral, une urgence de lecture. Un livre vaste comme l’Inde, précieux et dont l’intelligence aiguë est un point d’appui. Clea Chakraverty écrit pour elle (Sati) et elles (femmes de l’Inde et du monde).
L’Inde entre l’ombre et la lumière. Un livre-témoignage qui aiguise notre regard. L’Inde véritable. Publié par les majeures Éditions Globe.
C’est un premier roman-choc ! Clea Chakraverty, journaliste franco-indienne nous embarque à travers La Voix de Sita dans une revisite plurielle du mythe de Sita. Pour info, Sita est une divinité de l'hindouisme, avatar de Lakshmi, la compagne de Vishnu. Dans le Ramayana, elle est l'épouse de Ram avec qui elle connaît une vie sentimentale tourmentée. Parfois en connaître plus sur ce fameux Ramayana aurait peut-être facilité la compréhension et l’appréciation de certains passages fantasmagoriques.
Ceci dit, c’est un tour de force plutôt réussi de l’autrice de nous aider à explorer l’Inde d’aujourd’hui par de multiples changements de ton et styles littéraires (récits contemporains, articles de journaux, rêves mystiques, messages Instagram ou tiktok, poèmes…)
On suit un avocat idéaliste, une universitaire militante, une jeune orpheline défigurée et muette en qui Sita se réincarne, leurs histoires d’abord distinctes vont au fil du récit se croiser pour ne faire qu’une.
C’est ambitieux, foisonnant, puissant, dénonciateur, cru, réaliste, on se sent happé pour connaître l’issue finale.
Femmes et hommes de l’Inde doivent puiser dans leurs propres traditions et l’interprétation qu’elles et eux en font au présent pour inventer des conditions décentes d’une liberté partagée et respectueuse. Vaste défi que cette révolution féministe à l’encontre manifeste et violente de Narendra Modi premier ministre indien depuis 2014 (fréquemment qualifié de national-populiste, farouchement anti-musulman et résolument xénophobe, tout un programme !)
10 ans après le viol-meurtre de Nirbhaya dans un bus de New Dehli, l'auteure, journaliste, fait le point sur la condition féminine en Inde et c'est accablant. Texte audacieux qui met en cause la religion et son impact nocif sur la mentalité et les règles du jeu dans un pays où la femme a peu de place et où chaque jour, la liberté est bafouée au nom d'un quelconque dieu. Un premier roman qui ne craint pas le regard de l'autre et se permet de faire un procès à Ram, héros de la mythologie indienne.
L’idée fondatrice est louable et même nécessaire. Même si à travers des faits divers suffisamment sordides pour parvenir à notre connaissance via la presse internationale, les viols et les conditions de vie au quotidien des femmes indiennes est proprement révoltante.
A l’occasion du dixième anniversaire de la mort d’une jeune femme violée et torturée, l’indifférence des médias conduit un jeune avocat à une démarche hors norme : il dépose une plainte contre Ram, le dieu de la mythologie hindoue, avec la ferme intention de prouver que les interprétations sexistes du Ramayana, le texte qui rapporte l’histoire de Ram et et de son épouse Sita, sont à l’origine du traitement inique des femmes dans ce pays. Une anthropologue qui n’a peur de rien ni de personne est bien décidée à le rejoindre dans ce combat.
Or Sati, une jeune fille muette et défigurée, sauvée in extremis d’une tentative d’infanticide dans ses premiers jours de vie, devient malgré elle l’instrument de Sita qui parle à travers elle dans des épisodes de transe qu’elle ne contrôle pas.
Le combat ne sera pas de tout repos pour cette équipe déterminée mais isolée.
La construction de ce roman, animé par des personnages forts, et qui n’hésite pas à invoquer le surnaturel, est intéressant. On est plongé au coeur du foisonnement humain de ce pays, que l’autrice connaît bien. Malgré l’évolution démographique et l’arrivée d’une classe moyenne aisée et puissante, le sort des femmes et des parias stagne depuis des décennies, aboutissant à une situation de féminicides quasi instituée, en anténatal ou dans les premiers jours de vie (en témoigne la jeune fille médium du roman). Celles qui survivent à ces premiers jours courant le risque de se faire agresser, quel que soit leur âge (une femme est victime de viol en Inde toutes les dix minutes, et en 2022 la plus jeune avait 3 mois et la plus âgée 90 ans!).
Sur la forme, qui alterne les styles, quelques remarques :
On a pris l’habitude de voir s’immiscer les moyens les plus modernes de communication, tels que les storys insta, (c’est dans l’air du temps et ça ne nuit pas au déroulé de l’histoire. Elles sont même ici, une astuce habile pour énoncer des chiffres).
Par contre je suis plus mitigée sur les dialogues, artificiels, avec des infos donnant l’impression de copié collé.
Un sujet de société grave, traité de façon originale, mais une forme décevante.
464 pages Eloge 12 janvier 2023
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