"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Transmission, devoir de mémoire, patrimoine : cette BD jeunesse intergénérationnelle nous plonge dans l'histoire du Struthof, le seul camp de concentration nazi existant sur le territoire français actuel.
Le collège de Simon, élève de 3ème, propose d'organiser une sortie scolaire au Struthof, ancien camp de concentration nazi. En manque d'accompagnateurs, Simon sollice sa grand-mère maternelle, Rose. C'est l'occasion pour cette dernière de se plonger dans cette sombre partie de l'Histoire à laquelle ses parents et ses grands-parents ont été durement confrontés. Et c'est au travers de vieux albums d'archives et d'épais carnets rédigés par sa mère que Rose prépare la visite du camp pour accompagner au mieux Simon.
La BD alternera d'une part les extraits du journal de Mathilda, la mère de Rose, et d'autre part la préparation de cette visite par Simon et son amie Nadia.
Une BD historique pour les enfants dès 8 ans.
Simon demande à sa grand-mère, Rose, de l’accompagner à une sortie scolaire. Cette sortie a lieu au Struthof, un camp de concentration nazi en Alsace. Avant de se rendre à cette visite, Rose retrouve le journal intime de sa mère, Mathilde, dévoilant ainsi l’histoire familiale.
J’ai beaucoup aimé cette bande dessinée qui met en lumière le seul camp de concentration qui était sur le sol français et qui pourtant n’est pas connu. C’est une bande dessinée parfaitement adaptée à un public d’adolescents mais qui fera aussi écho à toutes les générations. En effet, la force de cette bande dessinée est d’appréhender ce sujet sur plusieurs générations : celle de Mathilde et son frère Jean sur la base de documents d’époque, celle de Rose qui retrouve les souvenirs laissés par sa mère, celle des parents de Simon qui se demandent quel peut être l’impact de telles découvertes sur leur fils et celle de Simon et ses amis qui plongent dans un monde et un drame qui jusqu’à présent leur était méconnu.
La vision de Simon et de ses amis collégiens est très intéressante. Que doivent-ils faire de ces témoignages poignants et effroyables ? Quel est le rôle des nouvelles générations dans ce devoir de mémoire ?
J’ai aussi beaucoup aimé le jeu des couleurs utilisé pour représenter les différentes périodes.
Une très jolie découverte, à mettre entre toutes les mains pour ne jamais oublier et donner aux nouvelles générations toutes les clés pour que cela ne se reproduise pas !
La première page de cette BD historique rappelle qu’à une époque, le mont Louise était réputé pour son bon air, prisé des amateurs de ski l’hiver, et des randonneurs l’été…
Les mots de Léon Boutbien, Déporté politique français NN – Matricule 4463 sont terribles :
« Ceux qui admireront la beauté naturelle de ce sommet ne pourront croire que cette montage est maudite parce qu’elle a abrité l’enfer des hommes libres ».
En effet, c’est ici, à 800 m d’altitude, sur le versant nord du mont Louise de la commune de Natzweller, au lieu-dit du Struthof, qu’a été érigé un camp de concentration nazi, site choisi en raison de la présence de granite rose que les nazis voulaient exploiter.
Un professeur profite d’une déambulation dans les rues de Strasbourg pour évoquer avec ses élèves de troisième, « La Main noire », ce réseau de jeunes adolescents résistants créé en septembre 1940 dans cette ville par Marcel Weinum. Il leur demande ensuite de faire des recherches, pour leur prochaine visite au camp du Struthof et rappelle qu’il manque un accompagnateur.
Simon va alors solliciter sa mamie Rose. Elle le surprend en lui disant qu’elle connaît le camp et encore plus, en lui apprenant que sa famille a été durement confrontée à cette sombre période de l’Histoire. Pour lui expliquer, elle va ressortir les écrits, souvenirs de Mathilde, mère de Rose et arrière-grand-mère de Simon sur cette période 1939 - 1945. C’est donc en prenant connaissance de ce journal, aidé de son amie Nadia que Simon prépare sa visite.
Tout est en place pour nous plonger dans l’histoire du Struthof, seul camp de concentration nazi existant sur le territoire français actuel, car en 1940, l’Alsace avait été annexée par l’Allemagne nazie ...
Vont alterner dans ce roman graphique, deux temps, le présent et le passé, avec d’une part, la préparation et la visite du camp, et d’autre part les extraits du journal de Mathilde, le tout perpétuant ainsi le devoir de mémoire, excellent moyen de développer l'apprentissage de la citoyenneté et l'esprit de solidarité et de tolérance comme rempart au racisme, à l'antisémitisme et à toutes formes de discriminations.
Deux tonalités bien tranchées permettent une compréhension optimale de cette tragédie du passé au travers de ce camp méconnu : le bleu pour donner la parole à nos acteurs d’aujourd’hui et le marron parfois très foncé, très en rapport avec le récit de cette période plus que sombre de l’Histoire, le texte ressortant bien alors, car écrit sur un fond ocre jaune.
On apprend que les déportés du Struthof provenaient de toute l’Europe occupée, que se trouvaient parmi eux des condamnés de droit commun, des prisonniers de guerre, des résistants, des réfractaires au service militaire obligatoire, des homosexuels, des Tziganes, des Juifs, mais aussi des N.N, les « Nacht und Nebel », cette dernière information permettant à Yaël Hassan de faire référence à cette si poignante chanson de Jean Ferrat « Nuit et Brouillard ».
Ce sont les abominables conditions de vie de ces déportés, le froid, la faim, l’épuisement, la torture, qui sont aussi évoquées…
Une phrase prononcée par la grand-mère m’a vraiment émue et devrait, il me semble, être plus souvent rappelée pour éviter de rendre anonymes tous ces morts : « C’étaient des hommes souvent jeunes, des pères, des frères, des fiancés. Pensez à eux en tant qu’individus et pas comme une masse de gens. Chacun des détenus qui a trouvé la mort en ces lieux avait une vie, une histoire, une famille, des rêves. »
J’ai trouvé très réussie et parfaitement adaptée à un lectorat adolescent mais aussi adulte, la manière dont a été réalisée cet ouvrage graphique. En mettant en scène des collégiens et ce drame familial, dans cette aventure intergénérationnelle, la scénariste Yaël Hassan, superbement accompagnée par Marc Lizano, le dessinateur, explore avec talent le devoir de mémoire, le patrimoine, la transmission de génération en génération, mais aussi le rôle de l’éducation.
Les personnages sont dessinés très simplement mais leurs expressions expriment de façon convaincante leurs sentiments.
Que ce soit l’attention que manifestent les jeunes à l’écoute de ce qu’ils découvrent ou la violence et la cruauté employées vis-à-vis des déportés, tout est rendu avec une extrême justesse, aussi bien par le verbe que par l’image.
En fin d’ouvrage, un petit arbre généalogique permettra aux plus jeunes, à mon avis, pas avant 10 ans, de bien visualiser la famille.
Enfin, un dossier spécial d’une petite vingtaine de pages « Pour aller plus loin », propose une chronologie très intéressante de ces années noires avec les évènements généraux, un lexique des termes utilisés dans ce contexte précis et les biographies des détenus cités dans la BD...
Lire la suite et ma chronique illustrée ici : https://notre-jardin-des-livres.over-blog.com/2024/07/yael-hassan-et-marc-lizano-la-visite-au-struthof-camp-meconnu.html
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