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« Parce que la forme est contraignante, l'idée jaillit plus intense », écrit Baudelaire.
De plus en plus, c'est le poète qui se donne ses contraintes, mais, encore de nos jours, la référence au modèle établi par le classicisme reste fondamentale : c'est elle qui donne sens aux innovations.
Prosodie, métrique, rythme, rime, formes fixes... À l'aide de nombreux exemples, cet ouvrage propose une vision complète de la versification, discipline rigoureuse qui s'est sans cesse modifiée au cours des âges.
Le vieux débat, ô combien stérile entre les amoureux du vers libre et les adorateurs du vers classique, m'a toujours paru entaché de ridicule.
Les mauvais poètes, le plus souvent, attachent encore de l'importance dans leur incurie à ces combats d'arrière-garde qui, quel soit le camp choisi, masquent toujours leurs propres insuffisances.
La poésie va où elle veut aller et, comme le dit si bien Verlaine, "L'art, mes enfants, c'est d'être absolument soi-même".
Après ce court préambule en forme de pied de nez à l'esprit de caste, je souhaite ici rappeler le rôle essentiel de la métrique. Le vers régulier, nous le savons, obéit tout entier à ses lois. Si le cas échéant, à la manière de La Fontaine, des mètres divers se côtoient, leur logique interne suppose que chacun d'eux sache d'abord marcher droit.
Or, erreur monumentale à mes yeux, nombre de plumes aujourd'hui semblent animées par une seule exigence : l'emploi de la rime, et tournent résolument le dos au rythme, ce rythme sans lequel la rime justement fait assez piètre figure.
Las ! Qu'on se le dise ! En matière de versification, un poème rythmé dépourvu de toute rime, autrement dit un vers blanc, vaut mille fois mieux qu'un poème rimé boiteux. La claudication en poésie n'a rien, absolument rien d'un titre de noblesse. Que de fois ! au milieu de réels bonheurs d'expression, il est fâcheux et quelquefois pénible de trouver pêle-mêle moult alexandrins de onze ou treize syllabes. Quelle profonde disharmonie ! L'oreille du lecteur est gagnée par le trouble face à ces objets sonores au pas incertain, improbable, hasardeux. L'effet ressenti ne laisse pas d'évoquer une cacophonie soudaine gâchant la beauté d'un concert.
Alors pourquoi tant de poètes négligent-ils ainsi la métrique ? Jusqu'à affaiblir considérablement, voire discréditer leur démarche artistique ?
La raison en est simple. Beaucoup d'entre eux, soit par naïveté, soit par lassitude, soit encore par laxisme, pensent faire l'économie du plus douloureux des pensums : l'initiation. Et qui ne les comprendrait ? Qui n'éprouverait l'envie de jeter aux orties autant de contraintes ? Des termes aussi barbares que "coupe, hémistiche, élision" ont de quoi faire frémir, il est vrai, l'apprenti le moins rebelle.
Malheureusement, à quelque hauteur que s'élève le talent de chacun, combien il paraîtrait saugrenu de composer un concerto sans avoir au préalable fait des gammes et des gammes... C'est la dure leçon de l'art. Nul ne saurait s'y dérober.
Mais n'oublions pas cependant que le technicien, si aguerri qu'il soit, doit toujours s'effacer devant le poète et n'être en dernier examen que le serviteur à la fois humble et zélé du rayonnement de ses mots.
https://www.accents-poetiques-editions.com/produit/la-blessure-des-mots/
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