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« Les doigts battent parfaitement la mesure, cabriolent à merveille sur le carton, mi, ré, mi, ré, mi, sol, ré, do, la. Le doigté d’un pianiste de génie ». Le concerto de Rachmaninov prend place.
La pierre angulaire d’une littérature spéculative.
« Le Phénix » l’empathie exaltante. Un roman, canevas d’êtres qui vont s’enlacer fabuleusement.
D’une envergure philosophique, ésotérique, sociale, ici, vous allez pénétrer dans le summum de l’art.
Deux amies d’enfance se retrouvent, pavlovienne rencontre, entre confidences, retrouvailles et l’harmonie d’une amitié fidèle. Entre cigarettes, café et connivence, Sarah Dutoit, femme de terrain, à Montréal en juin 2016, conte à son amie neuropsychologue, un cas, celui d’un homme emblématique et original, qui fréquente le centre d’accueil Bonneau pour les Sans-abris.
« J’ai un cas qui va confondre ta science… Un gars d’âge mûr, je dirais la cinquantaine avancée ».
Il est étrange, ne formule pas ses phrases correctement, parle aux oiseaux, cite de grands poètes. Répète les horreurs endurées pendant la Première Guerre, dans les tranchées de Gallipodi. Un siècle le sépare de cette guerre. Il joue de la musique, en virtuose. Il semble habité par une force obscure. Il cuisine à merveille, le don inné.
« L’animatrice lui tend des pastels, lui dit : Mon loup dessine-moi ton kalahari ».
Prodigieuse, métaphorique, la toile est rémanence. « L’impression d’une scène grandiose ».
Il est énigmatique. L’aura sublimée par l’extraordinaire. Il va et vient, tel Diogène, pénètre l’antre social et humaniste, la faim aux abois. Sarah veut comprendre et interpelle la neuropsychologue.
« Lorsqu’il partage sa soupe avec les anglophones, il se met à soliloquer dans la langue de Shakespeare ». Il maîtrise toutes les langues, Babel en lumière. L’inconnu est surnommé : Le Phénix. Tout un symbole. Le récit est tremblant d’humanité, les sciences en apogée. L’attachement pour cet être imprévisible est une source nouvelle pour les amies.
La trame est un puzzle dont les ramures vont s’assembler. Il disparaît, revient, tel un funambule sur le fil de l’essentialisme. Elles vont mener une enquête. Une filature, un jeu du chat et de la souris. Il est de mimétisme, l’ombre de l’ombre, le mystère opaque.
Il se terre dans les endroits insolites. Sa matrice enterrée, couverture mitée, antre bouleversé par un spartiate assumé. Trace sur les murs des symboles de couleur.
Il va croiser Àngel, un jeune garçon artiste qui fait des tags la nuit. Ce dernier comprend que Le Phénix est quasi surnaturel. Le fondement même d’une science exacerbée. « S’il te plaît, dit le jeune, apprends-moi ».
« Va-t-en, j’ai dit ! Ne tente pas el diablo ! Lorsqu’ Àngel passe la fenêtre de sa chambre, le hurlement s’est transformé en un bourdonnement d’oreilles lancinant. Le souvenir d’un cri qui le hantera longtemps, tournera dans sa tête comme un disque, comme ce chant ensorcelant mû par l’énergie du soleil qu’i associera à jamais à cette image obsédante du Phénix, le parfait calque d’un tableau de Munch ».
Le Phénix devient le point-d’appui d’un mystère à percer. Dans un même tempo Sarah et Régine rassemble l’épars. « Seul le poète reste figé, empêtré dans son brouillard où se fondent tour à tour Naci, Dickinson et Baudelaire. J’ai allumé mille brasiers avec une seule étincelle. Peut-on mourir d’éblouissement ? Oui. La beauté m’étreint jusqu’à la mort ».
Le Phénix est tourmenté, se pressent traqué. Ses démons ressurgissent. Son passé parle en son nom. Manteau gorgé de pluie sur ses épaules, les souvenirs floutés par ses pouvoirs, surdoué, invincible et mystique. Il connaît tous les rouages de la folie, de cette somme du mal qui résonne en lui. Les graffitis sont des paraboles. Les génies du monde sont en lui. Les liens comme des étoiles dans les yeux. Que peuvent absoudre une neuropsychologue et une travailleuse de rue ? Les siamoises métaphoriques, l’emblème d’un Phénix où tous vont se fondre dans une alchimie de rectitude. Pas à pas, de caches en caches, de grottes en abîmes, rejoindre coûte que coûte le périple créateur d’une initiation.
Ce serait un vagabond céleste, « dans cette brume, il n’arrive pas à voir son visage, mais il sait, c’est elle ! Rien que son chant suffit à lui embraser le cœur ».
Un homme de quête et de signaux, un artiste macrocosme, le génie jusqu’au bord de ses regards. « Aydin » l’éclairé et l’élégance du Phénix. Ce livre est stupéfiant. La généalogie de la vie et des grandes importantes. L’art au summum dont Le Phénix sait les conjugaisons mentales et magnétiques. Marie-Anne Legault dévoile une leçon d’humanité, de grâce et de révélation. « la beauté doit vous frapper ».
Un périple de renaissance et de virtuosité. Vibrant, essentiel, on s’approche du secret, et c’est bien.
Publié par les majeures Éditions Québec Amérique.
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