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Le roman a pour cadre historique la guerre de Laponie, qui oppose la Finlande au Troisième Reich entre septembre 1944 et avril 1945. Le conflit est déclenché par le fait que les Allemands refusent d'évacuer la région après la signature de l'armistice entre la Finlande et l'URSS (fin de la guerre de Continuation, septembre 1944). Les mines de nickel du Petsamo sont en effet convoitées par les Russes et les Allemands.
L'action se déroule essentiellement dans le Nord de la Laponie, au bord de l'océan Arctique. Oeil-Tordu, une sage-femme marginalisée, accompagne les parturientes dans des conditions extrêmes. C'est le dernier épisode de la Seconde Guerre mondiale et dans ce coin reculé du monde, les conditions de vie déjà très rudes et exposées à l'imprévisibilité de la nature sont encore davantage fragilisées par la présence allemande. La mère d'oeil-Tordu est morte en couches et son père communiste a été exécuté lorsqu'elle n'avait que neuf ans. Élevée dans la négligence par des membres de sa famille, elle se réfugie rapidement dans son métier de sage-femme, parcourant la région pour assister les nombreuses femmes ayant besoin de son savoir-faire qui s'avère presque surnaturel. Sans espoir de fonder elle-même une famille, son monde est peuplé de placentas en péril, de périnées distendus et du sang des autres. Jusqu'au jour où elle rencontre Johann Angelhorst, un beau lieutenant SS aux bottes cirées. Il la voit, dégoulinante de liquide amniotique, un cordon ombilical entre les dents, et la regarde comme aucun homme ne l'a jamais fait. Son amour pour lui l'amène à le suivre jusqu'au camp de prisonniers où il est affecté. Un camp où les femmes sont envoyées à l'Étable pour ne plus jamais en ressortir...
Une grande partie du roman tourne autour d'un lieu imaginaire, "le fjord du Mort", un endroit du globe réputé maudit, où les instruments de navigation sont perturbés par des phénomènes magnétiques : cela donne au roman une touche presque fantastique. Le récit assemble trois types de documents : le journal de "la sage-femme" (adressé à Johann), le journal de Johann Angelhorst et des papiers de "Gueule-Brûlée", le père de la sage-femme ("Notes du Mort") constitués de lettres à sa fille et des messages échangés avec les services secrets. Le tout est compilé par une certaine Helena Angelhorst, petite-fille de Johann et de la sage-femme.
La langue de Katja Kettu est à la fois grotesque, magique et authentique. Un lyrisme étrange émane du récit, qui repose sur des associations de mots incongrues, le recours, pêle-mêle, à un registre soutenu et à des expressions très crues ou vulgaires. La personnalité même de la sage-femme est construite sur ce paradoxe : elle joue un rôle de médiatrice, en quelque sorte, entre les réalités matérielles les plus répugnantes et les desseins célestes les plus impénétrables. D'où cette "poésie du trivial", qui peut émerger aussi bien d'une aurore boréale que d'un oiseau mort ou d'un testicule velu. Le beau et le laid, le sublime et le sordide alternent dans la prose de Katja Kettu. Son style, idiomatique et truculent, puise dans la tradition du grotesque nordique, en y ajoutant une note de réalisme magique.
Une voix singulière de la littérature finlandaise, au service d'un roman hors normes et implacable qui lui a valu les louanges des critiques et du public de son pays.
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