"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Meurtres et intrigues pendant la guerre des Deux-Roses.
Le premier volet d'une nouvelle série de romans historiques mettant en vedette Margaret Beaufort, mère du roi Henri VII et matriarche de la dynastie des Tudor.
Mai 1471. La guerre des Deux Roses atteint sa sanglante apogée. Edward d'York revendique le trône d'Angleterre, et ses partisans s'en prennent à tous ceux qui soutiennent la cause des Lancastre. Margaret Beaufort, comtesse de Richmond et mère d'Henry Tudor, dernier espoir de la maison de Lancastre, est entourée d'ennemis mortels, et sa position est pour le moins précaire.
Déterminée à protéger son fils à tout prix, et, si possible à l'assoir sur le trône, elle ne peut compter que sur Christopher Urswicke, un clerc qui réfléchit aussi brillamment qu'il manie la dague. Et Urswicke devra mobiliser toutes ses ressources pour enquêter sur des meurtres qui pourraient bien compromettre sa maîtresse, et pour intriguer dans un monde dangereux et violent où tout le monde joue double-jeu, et dont le pouvoir, et la mort, semblent les seules issues...
La Reine de l'Ombre, Dark Queen Rising dans la version originale parue en 2018, a été publié en 2019 par les éditions 10/18, dans la collection Grands Détectives. Le style de l'auteur est soigné, employant des termes choisis, des tournures de phrases recherchées sans être alambiquées: "Les frères s'étaient réunis dans la grande salle à manger lambrissée. Ils se prélassaient au bout de la table commune. Edouard, le roi, encadré par ses frères, était avachi dans une chaire qui avait tout d'un trône. Plus loi, des clercs de la chancellerie royale copiaient et scellaient des missives, des proclamations, des actes juridiques." (Page 50)...
Sens de la description: très précis propre à reconstituer les lieux et les personnages jusque dans les moindres détails, comme si l'auteur avait activé une machine à remonter le temps en emmenant le lecteur avec lui: "Bien que la nuit tombât, une activité frénétique régnait dans cette sinistre forteresse. Des hommes en armes grouillaient partout. On préparait des catapultes, des mangonneaux, des trébuchets et tous les autres terribles engins de guerre. Le crissement des cordages, le cliquetis des armures et les cris des officiers fendaient l'air, à quoi s'ajoutaient des grognements stridents montant des porcheries, où l'on abattait les cochons dont la chair serait accommodée et fumée pour servir en cas de siège. Les femmes de la garnison, autour des puits, remplissaient des brocs d'eau." (Page 108).
Cinq mois avant les événements racontés dans Le Complot des Ombres. Tewkesbury. Le combat fait rage dans les champs entourant l'abbaye où s'est réfugiée Margaret Beaufort, accordant la victoire aux Yorks. Désormais, Margaret et son jeune fils Henri Tudor sont les seuls représentants de la maison de Beaufort, liée par le sang aux Lancastre. Edouard IV retrouve son trône qu'il avait provisoirement perdu d'octobre 1470 à avril 1471.
La jeune comtesse et son fils incarnent les derniers espoirs de la famille Lancastre de monter un jour sur le trône d'Angleterre. Entourés d'ennemis mortels prêts à tout, épouse d'un Stafford, elle ne craint rien pour sa propre vie tant que son mari est en vie. Il n'en va pas de même pour son fils Henri qu'elle entend bien protéger à tout prix, même au péril de sa vie. D'autant que le roi Edouard IV et ses frères sont décidés à capturer Marguerite d'Anjou et son fils Edouard ainsi qu'à occire tous les Lancastre qui pourraient prétendre à la couronne.
Dans cette atmosphère de défiance et de délation, la comtesse sait ne pouvoir se fier à personne, car la rumeur selon laquelle le duc de Clarence aurait un espion dans sa propre maison enfle chaque jour un peu plus. Son seul allié n'est autre que Christopher Urswicke, un clerc qui a mis sa dague et sa brillante intelligence au service de la comtesse qu'il sert fidèlement.
Lorsque quatre partisans des York sont retrouvés assassinés dans une taverne, les soupçons du roi se portent aussitôt sur Margaret. Qui possède un atout dans sa manche: le point faible de la défense du roi résidant dans l'ambition dévorante de son frère Clarence, la comtesse a un plan...
Les personnages :
Richard Neville: comte de Warwick, tué à la bataille de Barnet; grand ami des York avant de rallier le camp des Lancastre; sans héritier mâle, laisse deux filles: Isobel épouse de Clarence et Anne.
Anne Neville: fille du comte de Warwick convoitée par Richard de Gloucester, jeune frère du roi.
Humphrey Stafford: troisième époux de Margaret si l'on tient compte de son union éphémère avec le fils du duc de Suffolk alors qu'elle n'a pas six an;, second fils du puissant duc de Buckingham; fervent partisan des Lancastre mais pardonné par Edouard quand ce dernier devient roi en avril 1461.
Cuthbert de Saint Vedast: moine barnabite.
John Strensham: abbé de Tewkesbury.
Reginald Bray: intendant principal et économe de la maison de Margaret très compétent malgré son mauvais caractère; ancien soldat de l'armée royale et maître archer, homme de main très efficace.
Christopher Urswicke: clerc personnel et homme de confiance de Margaret; intelligent malgré sa jeunesse qui constitue parfois un obstacle plus qu'un avantage; déteste son père.
Edmond Beaufort: duc de Somerset, chef de l'ost des Lancastre; homme d'une ambition démesurée et d'un tempérament fougueux.
Margaret Beaufort: comtesse de Richmond par son second mariage, fille du duc de Somerset Jean Beaufort, fils du comte de Somerset; épouse d'Humphrey Stafford; mère du futur Henri VII, femme très pieuse, courageuse et déterminée.
Owain Mortimer: premier écuyer de Margaret.
Oswina: soeur jumelle d'Owain; orphelins élevés par le noble gallois Jasper Tudor, comte de Pembroke et duc de Bedford.
Mise en scène soignée, décors esquissés avec de nombreux détails, habilement intégrés dans le déroulement de l'action, comme la description du manoir de Margaret =>Indispensable pour bien suivre l'histoire:
Le champ de bataille: "Margaret distingua aussi les oriflammes déployées d'Edouard d'York et celles de ses deux frères, Gloucester et Clarence, les nombreux insignes des York, le soleil en gloire, l'ours de Warwick ou le sanglier de Gloucester. Ils flottaient autour de la bannière royale, qui ondoyait en une splendide mer de couleurs...La fraîche herbe verte de la vaste prairie était maintenant ornée des couleurs de ceux qui étaient tombés: celles de leurs tabards, pennons, écus, fanions et drapeaux." (Page 31)
Abbaye: "Ce manque d'éclairage constituerait un véritable obstacle pour les soldats d'York, qui ne connaissaient pas l'abbaye avec ses venelles sinueuses, ses sentiers tortueux, ses multiples jardins, ses carrés d'herbes aromatiques et ses massifs de fleurs. Ils devaient se faufiler dans un vrai labyrinthe de pierre où l'on s'égarait facilement...Ils traversèrent le choeur assombri, passèrent sous le jubé, descendirent dans la nef par des marches raides et gagnèrent la chapelle de la Sainte-Foi. Margaret avait l'impression de se trouver dans le monde des enfers, où se rassemblaient les fantômes, où des plaintes et des gémissements pitoyables se mêlaient aux chuchotements d'hommes désespérés." (Pages 37-38).
Manoir de Woking: "Elle aimait son domaine de Woking. Elle l'avait hérité de sa grand-mère, la redoutable Lady Holland, avec une riche collection de manuscrits, de psautiers à la graphie soignée et autres ouvrages de dévotion. Pour se calmer, Margaret essaya de se représenter le manoir en détail: les bosquets de vieux chênes, de fayards et de hêtres pourpres plantés dans le riche terrain qui entourait la propriété. La résidence elle-même est protégée par deux fossés; entre eux, se trouvaient les poulaillers, les étables, les garennes, les granges et un petit parc aux cerfs. Derrière le fossé intérieur, que l'on franchissait par un pont-levis menant à une porte fortifiée, se dressait le manoir avec sa grand-salle, ses vastes offices et sa dépense." (Page 60).
Londres: "Ils quittèrent St Katherine un peu plus tard. La nuit commençait à tomber quand ils se dirigèrent vers Thames Street. Margaret se dissimulait sous sa mante et son capuchon et Bray, l'épée au clair, marchait à ses côtés. Les rues étaient étroites, un labyrinthe de venelles où les étages des maisons en surplomb de chaque côté s'inclinaient les uns vers les autres et formaient une sorte de tunnel qui empêchait à la fois la lumière et l'air de pénétrer. Les enseignes grinçaient et se balançaient dangereusement au-dessus de leur tête et ils devaient éviter les eaux sales jetées sans cesse par les fenêtres." (Page 102)
Contexte historique :
La bataille de Tewkesbury: La bataille de Tewkesbury s'est déroulée le 4 mai 1471, au confluent de l'Avon et de la Severn, dans le Gloucesterchire. Elle marque la fin d'une phase de la guerre civile des Deux-Roses, opposant l'armée royale légitime, comprenant 6 000 hommes de guerre, commandée par Marguerite d'Anjou, épouse d'Henri VI, fils du roi Henri V, roi de 1422 à 1461 puis de 1470 à 1471, à celle, inférieure en nombre, de l'ancien roi Edouard IV , chef de la maison d'York à la rose blanche, qui fut roi de 1461 à 1483, récemment déposé par la maison de Lancastre à la rose rouge. Le 21 mai, Edouard est accueilli triomphalement par le peuple de Londres, officialisant ainsi son retour sur le trône.
Retour qui rend la position de Marguerite Beaufort, mère du dernier héritier de la maison de Lancastre, fort périlleuse, "car la maison d'York, qui descend aussi d'Edouard III, pense qu'elle a des droits au trône qui l'emportent sur ceux des autres. Richard d'York a été tué à Wakefield, mais les trois fils qui restent, Edouard, Richard et George, n'ont pas abandonné le combat...C'en est fini des Beaufort et de la maison de Lancastre...Beaucoup de ceux qui les soutenaient, des hommes comme Richard Neville, comte de Warwick -le prétendu faiseur de rois- ont été occis à Barnet avec maints de nos compagnons." (Page 40).
Conclusion :
Le +: un habile équilibre entre passages narratifs, dialogues explicatifs et descriptions constitue l'un des atouts de La Reine de l'Ombre. Le fait de résumer dans le prologue les bases de l'intrigue sous la forme d'un dialogue entre trois moines barnabites de l'abbaye de Tewkesbury rend le récit plus vivant, plus accessible aussi; car les tenants et les aboutissants politique de l'époque ne sont pas toujours faciles à appréhender pour un public non initié.
Intrigues politiques, trahisons, amour filial, mystérieux manuscrit , alliances et désalliances, vengeance sont les composantes principales de ce roman historique captivant, riche en rebondissements, admirablement mis en scène, qui séduira les plus exigeants aficionados du genre. Du grand art...
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