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Le titre de ce livre rend d'abord hommage aux Mères de la place de Mai, ces femmes qui commencèrent, au coeur de Buenos Aires, au temps sombre de la dictature militaire, leur ronde autour des disparus : elles se firent connaître dans le monde entier, elles devinrent un emblème du courage, un symbole de «l'apparition en vie». Elles incarnèrent cette force que les mythes, les religions et les poètes ont appelé Les Mères. Ce «motif» parcourt cet ouvrage. Le lecteur le reconnaîtra chez les Furies devenues les Euménides qui hantent le bosquet où se repose Oedipe, chez Célestine, symbole de la passion qui réunit et perd les amants. Les Mères se masquent derrière les Heures, les Fileuses, qui rythment les saisons et trament le destin. Elles n'ont pas une place précise : elles sont les langues mères, qui enfantent les mots ; elles animent la génération des formes des oeuvres et de Psyché. Elles sont la métaphore de ce qui naît, de ce qui vient au jour, de ce qui apparaît. Pour rester proche de l'étrangeté de l'expérience de l'analyse, il n'est pas mauvais de s'exiler dans ce royaume des Mères, des Inconnues, qui hantent l'inquiétude de la littérature. L'analyse, c'est aussi une forme d'exil. Comme les Mères de la place de Mai, la pensée de la psychanalyse vouée au disparu exige que le disparu ait un corps. De cette exigence naît parfois pour l'analyste le besoin d'écrire.
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