"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
Paris, décembre 1924. Un crime est commis rue Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie dont la mise en scène intrigue les enquêteurs. Il est suivi d'un autre puis d'un troisième, tout aussi étranges. Les victimes n'ont pas de rapport apparent entre elles et la police ne dispose d'aucun indice si ce n'est que le meurtrier s'inspire manifestement du tableau de Max Ernst, Au rendez-vous des amis. La toile est un portrait de groupe des principaux animateurs du courant surréaliste, lesquels sont évidemment les premiers suspectés, individuellement ou en association.
Tandis que la police piétine, Camille Baulay, dite Oxy, reporter au Petit Journal, mène ses investigations qui la conduisent à fréquenter de près Breton, Éluard, Aragon, Desnos, Prévert. et le très énigmatique Dédé Sunbeam. Difficile, parmi ceux qui assurent que « le véritable surréalisme consiste à descendre dans la rue armé d'un revolver pour tirer sur les passants », de démêler le vrai du faux, la pose littéraire de la menace réelle. Et l'affaire se corse quand Blanche, épouse d'un député ambitieux et sensuelle amie de Camille, est elle-même assassinée selon le rituel « surréaliste » ; c'est alors au tour de Camille d'être désignée en suspect n° 1. Traquée par le Quai des Orfèvres, elle va pourtant devoir continuer son enquête et mettre la main sur le criminel. Sa vie en dépend.
Surréalisme ? Vous avez dit « Surréalisme » ? Vous n’y connaissez rien, me dites-vous ? Bien, alors ce livre est fait pour vous. Le groupe surréaliste parisien est ici au centre d’une enquête policière. Et l’auteur se fait le plaisir d’utiliser toutes les figures de rhétorique : oxymore, tautologie, anaphore, allusion et autre litote, célèbre pour sa tête. Sans parler de tous ces jeux de langages auxquels s’adonnaient les surréalistes : anagrammes, allitérations, rébus, calembours, contrepèteries, cadavres exquis. Vous voulez un exemple d’anagramme ? Avec les lettres composant Salvador Dali, Pablo Picasso avait trouvé l’anagramme : Avida Dollars.
Au fil des pages sont abordées quelques-unes des personnes importantes du groupe et de l’époque (les Années folles). Paul Eluard qui se débat dans une histoire d’amour à trois, avec le peintre Max Ernst et sa muse Gala. Oui, oui, Gala, le futur tiroir-caisse de Salvador Dali. André Breton, omnipotent, omniscient, omnivore et obnibulé par le pouvoir et la magie du hasard. Robert Desnos, poète transi d’amour et de peur. Louis Aragon que Breton déteste mais supporte parce qu’il a du talent et surtout de l’entregent.
Les influences (Sigmund Freud, Arthur Rimbaud, Karl Marx, dada), les reproches des détracteurs, les peintres liés aux écrivains sont également évoqués. Sans oublier les marginaux de l’époque : les drogués, les alcooliques, les apaches, les féministes, les gays et lesbiennes. Bref, nous sommes également devant un portrait du Paris de 1925.
Du coup, le quadruple assassinat, moteur de l’intrigue, passe un peu à l’arrière-plan, ce que certains amateurs de romans policiers regretteront. Mais pour la simple raison que le fil rouge de l’histoire est « Au rendez-vous des Amis », un tableau de Max Ernst (aujourd’hui conservé à Cologne), ce livre m’a séduit. Je le conseillerais à tous les étudiants que leur anthologie de littérature assomme. Rien n’est plus porteur que d’apprendre en s’amusant.
Il n'y a pas encore de discussion sur ce livre
Soyez le premier à en lancer une !
"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
L'auteur se glisse en reporter discret au sein de sa propre famille pour en dresser un portrait d'une humanité forte et fragile
Au Rwanda, l'itinéraire d'une femme entre rêve d'idéal et souvenirs destructeurs
Participez et tentez votre chance pour gagner des livres !