"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
J. a passé toutes ses vacances d'enfance dans une île. À la mort de sa mère, alors que la maison de vacances revient à son frère, elle décide de ne pas se battre et de faire construire sur cette île SA maison, il s'agit pour elle de s'installer dans l'île, d'en faire partie, d'être acceptée par le paysage comme par ses habitants, de devenir insulaire. Elle veut réinventer un ancrage, des souvenirs, un refuge sûr et tranquille sur la falaise toute proche du phare. Mais quand il s'agit de travaux rien n'est simple en ces lieux comme ailleurs, J. se heurte à toutes les difficultés possibles et imaginables, jusqu'à défaillir et avoir le sentiment de mourir. Alors pourquoi se mettre dans de telles situations ? Que symbolisent les maisons ? Quels sont ces attachements, ces fausses filiations, ces véritables entraves qui nous comblent de joies et nous donnent des sueurs froides ? Ce livre est celui de nos bonheurs inventés, reconstruits, envolés.
Suivre cette femme dans ses péripéties invite à méditer sur le sens profond de notre vie, sur le courage et la persévérance, sur l'espérance.
❝Je dis : ma Mère. Et c’est à vous que je pense, ô Maison !
Maison des beaux étés obscurs de mon enfance, à vous
Qui n’avez jamais grondé ma mélancolie, à vous
Qui saviez si bien me cacher aux regards cruels, ô
Complice, douce complice !❞
O. V. de Lubicz-Milosz, Insomnie
Robert Colonna d’Istria est auteur d’essais ; La Maison est son premier roman. Un titre simple pour un sujet qui, en apparence du moins, l’est tout autant. L'argument tient en quelques mots : J souhaitant s’ancrer sur une île y achète une maison à retaper de fond en comble ; rien n’ira comme espéré.
❝Pour J, la traversée était toujours une joie. Une promesse. Elle l’espérait, pendant des mois, l’attendait pendant les jours qui la précédaient. Elle y pensait, en prévoyait les détails, l’imaginait. Après l’attente, le trajet lui-même, ritualisé, paraissait léger. J était amoureuse de sa maison. De l’idée de sa maison. De ce qui serait l’illustration de son idéal de maison et de vie. Elle était amoureuse du terrain où elle serait construite. De la vue. De l’île qu’elle avait élue. Tous ses efforts pour atteindre cet endroit, ce rêve, la rendaient heureuse.❞
L'île est un microcosme isolé, un monde clos souvent à double tranchant, tantôt refuge, tantôt cellule. Quel sera-t-il pour J ?
❝Les psychanalystes faisaient remarquer qu’en anglais le mot qui désignait les îles, island se prononçait "I land", littéralement "terre du moi".❞
Le rêve de J est d'acquérir une maison sur une île et, îlienne parmi les îliens, de se fondre parmi la population des insulaires. Cette maison rêvée est, on le sent, un succédané de la maison d’enfance à laquelle restent accrochés les souvenirs de vacances que J passait sur l’île ; cette maison porte aussi la trace mémorielle de la vaste demeure familiale que son frère a hérité à la mort de leur mère et dans laquelle J n’est plus jamais revenue depuis.
Dans cette maison en équilibre au bord de la falaise, J pourrait y trouver le sien d’équilibre, et l’habiter le cœur libéré de tous les tracas du monde laissés à quai sur le continent. Une possibilité de bonheur retrouvé. La promesse de surprises insouciantes. Une maison comme le prolongement de soi, même incomplète, même imparfaite. Un lieu qui l’habite autant qu'elle l’habite. Un havre contre les vents contraires de la vie — et Dieu sait si J en a connu. Voilà ce qu'aimerait J.
❝Pour décider de la construction de sa maison — et de l’entreprendre —, J avait tout à la fois mobilisé ses souvenirs, sa volonté, la raison, ses désirs.❞
Robert Colonna d’Istria s’intéresse à l’immense charge affective, aux liens souterrains qui unissent une maison à sa propriétaire et aux souvenirs impérissables — idéalisés — qu’elle a gardés de la maison d’enfance.
❝Pour elle, tout en s’engageant dans une entreprise qui l’obligeait à garder les pieds sur terre, l’idée de construire une maison était une manière de rester au niveau du monde idéal, de l’absolu qu’elle chérissait.❞
La maison est le lieu de l’intime. Pour conquérir ce lieu à soi cher à V. Woolf, J, attaquée sur tous les fronts, aura à livrer de nombreuses batailles avec une opiniâtreté qui force l’admiration.
Simon, bien que passablement dérouté par sa décision, investit son temps et son argent dans le projet ; Anna, Betty, Carla, Denise, Éloïse, Flora, ses amies viennent le temps d’une journée goûter aux joies de l’hospitalité insulaire. Bérénice, l'amie d'enfance l'accueille à bras ouverts. De tous les personnages, J est la seule à n’avoir pas de prénom. Elle est réduite à une initiale à la portée spéculative forte. Ce J est énigmatique ; l’île connaît d'ailleurs un sort identique en n’étant jamais nommée. Ce J, initiale investie d’un potentiel romanesque qui déploie un imaginaire puissant, a une portée universelle qui dépasse le personnage pour faire de cette femme le symbole de nous tous, sur ce qu’il nous faut de persévérance pour surmonter les échecs et les déceptions, et parvenir à forger notre destin.
Aussi extravagant que cela puisse paraître, pour J, tout le plaisir est dans les travaux qui façonnent la maison qu’elle a baptisée du prénom de sa mère défunte, dans leur inachèvement qui autorise encore de poursuivre la rêverie. Parce que ❝Toujours, imaginer sera plus grand que vivre❞ (Bachelard), J n’est pas pressée de voir la maison finie. Elle s’accommode du chantier en cours au contraire du pragmatique Simon qui peste contre les lenteurs de Robert et les retards. Et de fait, quand la maison est enfin habitable…
Quête d’un toit, quête de soi. La Maison est un conte philosophique qui raconte l’expérience cathartique d’une femme qui avait le désir de bâtir sa maison sur une île et devenir une îlienne acceptée de tous. Maison il y aura, îlienne elle sera, même si en ennemie de la ligne droite, la vie aura emprunté les chemins buissonniers d'un parcours initiatique bien mené.
https://www.calliope-petrichor.fr/2023/01/16/la-maison-robert-colonna-d-istria-actes-sud/
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