"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
En vingt-cinq ans, la révolution numérique a entraîné une profonde remise en cause des mécanismes fragiles de la démocratie, l'information étant un domaine particulièrement menacé. Cet essai propose une analyse inédite et extrêmement poussée d'un sujet souvent abordé, mais sur lequel, en France, la réflexion est encore balbutiante.
Alors que les nouvelles circulaient commodément par des moyens éprouvés par le temps, le papier d'abord puis, au cours du XX e siècle, la radio et la télévision, on a assisté en deux décennies à une infinie multiplication de canaux charriant sous forme de textes ou de vidéos le meilleur comme le pire, messages issus d'initiatives individuelles ou d'organismes de taille planétaire, voix d'opinions alternatives ou objets de manipulations étatiques.
Les publics, jeunes et moins jeunes, se sont adaptés plus ou moins rapidement à cette nouvelle organisation. Celle-ci, au nom de la gratuité et d'une liberté totale en apparence, séduit aisément les consommateurs, tout en dissimulant soigneusement les immenses intérêts financiers qui se mobilisent autour de la collecte massive des données personnelles. Cette collecte, qui contourne tous les circuits traditionnels et menace notamment la survie économique des médias en drainant les recettes publicitaires, s'est opérée dans un vide juridique sidérant, qui contraste avec l'appareil réglementaire et judiciaire qui s'est bâti au fil des décennies et s'impose aux autres systèmes de communication. La vie privée est devenue une marchandise, objet de myriades de transactions par les géants du Web, et exploitées à des fins commerciales, mais aussi politiques, comme on l'a vu lors des élections américaines ou du référendum sur le Brexit, et comme on risque de le voir encore à l'avenir, notamment pendant les élections européennes.
Cet essai a pour objet de mieux cerner la question de la désintégration des mécanismes de l'information qui étaient jusqu'alors en usage dans les sociétés démocratiques dont ils constituaient le ciment et qui sont remplacés par un brouhaha aux structures invisibles mais bien réelles. Ses analyses vont beaucoup plus loin que celles qu'on a coutume de lire en France, parce qu'il s'appuie sur des études et publications américaines, les États-Unis ayant une longueur d'avance sur le sujet. Il propose aussi d'engager une réflexion sur les solutions possibles. Car, sans la mise en place de solutions efficaces pour stopper les abus de tous ordres et aider l'expression d'une information responsable, c'est toute l'organisation démocratique et pluraliste de nos sociétés qui se désintégrera à son tour. Des tentatives de réglementation sont en cours des deux côtés de l'Atlantique mais elles ne sont pas suffisantes pour rétablir de nécessaires équilibres. Or le temps presse.
J'ai reçu ce court essai dans le cadre d'une Masse Critique de Babelio. J'avais été attirée par le titre sans avoir été plus loin, c'était donc la surprise sur le contenu. L'auteur, Antoine de Tarlé, sait de quoi il parle. Ancien dirigeant de grands médias, c'est un spécialiste en la matière et il a participé à de nombreux ouvrages sur l'économie des médias. On sent d'ailleurs qu'il s'est documenté. Il s'est appuyé sur des résultats de recherches américaines pour une nouvelle analyse de la crise journalistique et apporter un regard nouveau l'avenir de la presse tel qu'on l'a connaît aujourd'hui.
L'essai est très court, l'auteur y aborde d'abord la commercialisation de nos données avant d'analyser la crise de l'information et les « fake news » puis sa destruction et enfin, il propose des pistes de solutions. le journaliste pointe évidemment du doigt l'arrivée d'internet pour expliquer la crise de journalisme. Aujourd'hui, l'information n'est plus uniquement véhiculée par la presse mais les réseaux sociaux ont pris le pas sur les journaux. Elle est partagée par les amis et nos cercles dont nous sommes proches et donc nous recevons des informations souvent biaisées qui nous confortent dans nos convictions. C'est encore plus vrai dans le cas des extrémismes divers malheureusement. Les politiques ont eux aussi bien compris ce virage numérique et les manipulations via les « fake news » ont fait leur apparition depuis quelques années. L'auteur nous explique le cas des élections américaines.
Il dresse un portrait très critique de la façon de s'informer aujourd'hui. Il y a d'un côté les « sous-informés » qui « scrollent » leur mur facebook et sont abreuvés de brèves informations souvent orientés puis il y a les « sur-informés » qui n'hésitent pas à payer pour avoir accès à la presse écrite sur internet. L'auteur met en évidence ce clivage qui se creuse de plus en plus. le tout est très bien documenté, l'auteur se base sur de nombreuses études et références. C'est clair et concis, cela se lit très facilement même pour les publics non-initiés.
Dans la dernière partie, il tente d'ébaucher des pistes de solutions pour éviter de se précipiter dans cette voie qui signe la fin du journalisme dans quelques années. J'ai été un peu frustrée par cette partie assez superficielle. Les pistes sont intéressantes mais l'auteur ne creuse pas vraiment la question. Je dirais que c'est un bon début de réflexion mais ce sera au lecteur d'aller plus loin s'il le désire avec d'autres lectures pour creuser ce sujet très intéressant et terriblement actuel !
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