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Fusang n’est encore qu’une adolescente naïve lorsqu’elle est arrachée à sa belle-famille par des hommes qui l’envoient à San Francisco où elle rejoint les centaines de prostituées chinoises dans un bordel de Chinatown. Passant de mains en mains, vendue aux enchères, la jeune fille, belle et silencieuse, accepte son sort sans jamais se rebeller. Le sourire toujours vissé aux lèvres, elle fascine le jeune Chris, un Américain d’origine allemande. Fou d’amour, il entre en concurrence avec Da Yong, un bandit chinois, dangereux et craint de tous, mais qui parfois baisse les armes en présence de la mystérieuse prostituée.
Curieuse expérience littéraire que ce roman dans lequel Geling Yan s’adresse parfois à son héroïne en la tutoyant, en la prenant à partie, en la rudoyant parfois. Il faut s’habituer à son écriture froide et distanciée qui raconte les pires violences sans émotions. Car la vie n’est pas facile pour ces chinois qui ont participé à la ruée vers l’or. Confrontés au racisme de la société américaine, ils sont exploités, moqués, violentés, accusés de tous les maux. Et que dire des femmes ? Les moins chanceuses se retrouvent dans des maisons closes où elles reçoivent aussi bien des clients chinois qu’américains.
Fusang, qui fut la plus célèbre prostituée de San Francisco, n’est pas un personnage facile à appréhender, encore moins à aimer. Elle accepte son sort et dissimule ses sentiments sous son éternel sourire. Les coups, les viols ont autant d’effets sur elle que les mots d’amour. Elle reste imperturbable et on ne saura jamais ce qu’elle éprouve pour Chris, amoureux transi qui aimerait faire d’elle sa femme mais ne réussit pas à s’affranchir des conventions sociales.
Si la jeune femme conserve son mystère jusqu’au bout, l’autrice se sert de son sujet pour se mettre elle-même en scène, chinoise de la septième génération, en butte aux mêmes préjugés racistes que ses compatriotes du XIXè siècle. Fusang lui a laissé un héritage fait d’oppression et d’abnégation, d’humiliation et de résilience.
La jeune fille perdue du bonheur n’est pas un conte de fée, ce n’est pas la belle histoire d’une prostituée chinoise sauvée par un Américain amoureux, ni même la romance passionnée entre une fille de joie et un caïd fou d’amour. Non, c’est l’histoire d’une femme, parmi tant d’autres, qui reste droite dans l’adversité, qui cache souffrances et sentiments derrière un sourire de façade, par pudeur ou par orgueil, nul ne le sait.
Un roman difficile d’accès de prime abord mais qui finit par séduire pour peu qu’on se laisse faire. A découvrir.
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