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De ce côté-ci du monde, c'est l'Union européenne qui a imposé toute cette « économie du savoir ». En France, la loi Pécresse de 2007 a placé les établissements dans la nécessité non seulement de se trouver les capitaux nécessaires à leur fonctionnement, mais aussi de développer, par souci d'économie budgétaire, une gestion managériale de leur main-d'oeuvre. Sous l'insistance d'un patronat qui se mêle d'en définir les contenus, les enseignements sont pensés et professés en fonction de leurs débouchés professionnels.
Quant à la recherche scientifique, elle a cessé d'appartenir d'abord à l'univers de la science. Financée par un système « d'appels à projets », elle suit les priorités qu'on lui donne, et ces priorités obéissent d'abord à la nécessité de soutenir l'activité économique. Recherche publique et débouchés privés ne font plus qu'un.
La dernière partie décrit l'explosion des précaires au sein des universités. Par dizaines de milliers, les enseignantschercheurs de l'université sont à présent contractuels, post-doctorants, autoentrepreneurs, vacataires, chômeurs et parfois même travailleurs au noir. Cette précarité organisée n'est pas la conséquence des réformes libérales de l'université, elle en est la condition. Parce que les universités sont à présent maîtresses de leurs budgets, et parce que les nouveaux financements nationaux de la recherche ne permettent que des contrats courts, ce qui s'est organisé, c'est un véritable système d'exploitation salariale sous couvert de flexibilité. Ce délabrement détruit le métier d'universitaire tout entier et menace la qualité des enseignements et des recherches.
Les luttes, parmi les étudiants et les précaires, se sont multipliées ces dernières années contre la destruction de l'université. Ensemble, elles disent le refus d'en habiter les ruines. Elles disent la nécessité de reconstruire une université.
Non pas celle d'hier, mais une autre, conçue comme une forme de vie collective, capable, depuis l'ordre des savoirs, de faire naître une distance critique à l'endroit du monde actuel et le désir de s'organiser contre lui.L'université française est aujourd'hui la proie d'une destruction sans précédent. Les politiques de « réforme », entreprises au temps de Sarkozy et poursuivies depuis, ont soumis l'ensemble des choses universitaires - recherche, enseignement, études, diplômes - aux intérêts de l'économie de marché. L'université est sommée d'être utile et rentable.
Les établissements, soumis à une compétition généralisée pour les capitaux, sont pensés et administrés désormais comme des entreprises privées. Les présidents d'université sont placés sous la coupe de conseils d'administration où doivent figurer des patrons et des cadres de grandes entreprises.
Les enseignements sont devenus des « offres de formation » dont la valeur tient à leur ajustement aux « besoins du marché du travail ». Quant aux activités de recherche, elles relèvent, non plus des universitaires, mais des débouchés économiques privés. Enfin, sans que les étudiants (ou leurs parents) ne le soupçonnent, près de la moitié des universitaires qui officient aujourd'hui dans les amphithéâtres et les laboratoires du pays sont des précaires.
Ce processus de destruction n'a rien d'un effet de la crise.
Il n'est pas le fruit d'un ajustement nécessaire aux réalités du monde. Il est le produit d'une politique voulue, concertée et appliquée. C'est elle qui est au coeur de ce livre.
La première partie est historique. Elle réinscrit l'actuelle décomposition de l'université dans le temps long des choses universitaires. C'est entre 1870 et 1914 qu'a pris forme l'université moderne. Jusque-là, au moins depuis Napoléon, les universitaires étaient entièrement soumis au pouvoir. La IIIe République, si éprise de science, a donné leur indépendance aux universitaires. Recrutements, cours et avancements relevaient à présent de décisions prises entre pairs. Et l'université devenait un monde unifié, où toutes les positions, des plus grandes aux plus petites, étaient reliées entre elles.
On pouvait dessiner l'organigramme des universités. C'est ce système que les politiques de réforme des années 2000 ont anéanti.
La seconde partie décrit cette destruction. C'est au sein de la Banque mondiale puis de l'OCDE qu'elle a pris racine.
Vers 2000, au gré de rapports et de symposiums internationaux, ces institutions ont imposé une vision néolibérale de l'université et de ses missions. L'enseignement supérieur est désormais là pour adapter les étudiants du monde entier aux compétences que les entreprises attendent d'une maind'oeuvre qualifiée. Quant à la recherche universitaire, elle
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