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Sarcastique, désespéré, violent, fragile et froid, Franck Venaille fait entendre depuis son premier recueil des années 60, une voix singulière, solitaire jusque dans l'expression de la fraternité. D'abord poète du « vivre-révolté », du cri en forme d'exorcisme, Venaille devient ensuite un écrivain en conscience. Le spontané, l'éruptif, passent derrière plusieurs écrans et l'écriture accède au labyrinthe, restitue le processus intérieur qui creuse, dénude et tout à la fois obscurcit. Chaque poème, chaque récit se voient investis de hantises scrupuleuses, de phrases brutalement timbrées, et qui mettent le sens à vif et les sens en alarme. Mais, chez Venaille, le ressassement tragique se défie des parures de la tragédie ; il s'oriente plutôt vers l'ironie sauvage, soudaine comme un coup de couteau, et les bouffonneries teintées de sperme et de sang. Surtout, l'agencement des phrases, la scansion des vers, le métier d'écrivain qu'il ritualise presque, lui permettent de choisir ses territoires et d'inventer son langage. Avec La Descente de l'Escaut, Franck Venaille se tient au plus près des terres, des rives, du pays dont il fait son emblème. Il marche, entre France et Belgique, se rêvant, se voulant, se révélant « Flamand ». De la source à l'embouchure, il suit le fleuve, il suit son fleuve, son poème. Littéralement et pas à pas, il compose un « poème-fleuve » qui garde toujours à l'oreille cet écho de Maurice Maeterlinck : « Il se peut que les maladies, le sommeil et la mort soient des fêtes profondes, mystérieuses et incomprises de la chair ».
La voix de Venaille, pressante, coupante, par saccades, remous ou lentes dérives, change insensiblement une expérience douloureuse, une destinée meurtrie, en un vaste chant maîtrisé. Polyphonie qui accueille tous les rythmes pour mener la plus digne et la plus implacable quête, La Descente de l'Escaut s'impose comme une oeuvre majeure. Il y a là, creusant l'effroi au plus intime, une parole toute de noblesse qui, d'un seul cri, sait créer défi et tendresse.
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