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La démence du sage se déroule au printemps 1989 à Shanning, dans le sud de la Chine. L'avenir du narrateur et principal protagoniste Jian Wan semble assuré : il prépare son admission pour un doctorat à l'université de Pékin, sous la houlette du professeur Yang, dont il est l'élève assidu et le futur gendre. Lorsque le professeur est hospitalisé à la suite d'une attaque, l'étudiant est assigné à son chevet par la secrétaire du Parti.
Là, entre des phases de sommeil agité et de veille, Yang évoque pêle mêle la Bible, la Genèse, une société où les hommes seraient égaux, Dante et la Divine Comédie, mais aussi des épisodes érotiques et une cellule où il aurait été enfermé. D'abord consterné devant cet homme qu'il croit devenu fou, Jiang, se met à écouter ses "divagations" d'une autre oreille. Entre les slogans de la Révolution culturelle scandés dans son sommeil et ses gémissements contre les travaux inhumains endurés trois ans dans un camp de redressement, les discours désordonnés sur sa vie privée - une liaison contrariée avec une étudiante - et ses propos lorsqu'il est éveillé, Jian reconstitue le puzzle de sa vie faite d'humiliations, de trahisons, en raison de son choix (contre-révolutionnaire) de la poésie et de ses traductions de Goethe.
Ebranlé par les conseils de Yang, bouleversé de le voir mourir plein de haine, Jian renonce à sa carrière universitaire et part avec une poignée d'étudiants à Pékin où il assiste au massacre de la foule par l'armée sur la place Tienanmen. Rentré à Shanning, recherché par la police, il part précipitamment vers Hong Kong. Nous le perdons de vue au moment où il brûle sa carte d'étudiant et entre chez le barbier pour se faire couper les cheveux et se rendre méconnaissable.
Si La longue attente se déroulait sur deux decennies, l'intrigue de La démence du sage tient en 6 semaines (du 19 avril au 6 juin 1989) riches en évènements. En concentrant la politique des 30 dernières années de la Chine dans l'explosion du passé refoulé du professeur Yang, Ha Jin parvient, de façon magistrale, à tout nous raconter en raccourci, avec des retours en arrière, en choisissant des évènements précis, en évitant le sentimentalisme du récit confidentiel ou l'aveu d'une vie brisée d'un maître à son élève. C'est par des éclats, sur une maîtresse, une épouse, des collègues que Jian apprend que, sous l'apparente sérénité du professeur de poésie, se trouve un être révolté qu'on a contraint au silence. Sa maladie et sa mort sont un révélateur pour le jeune homme, une sorte de rédemption, et l'éloignent d'une vie tracée dans le cadre du régime.
Par touches discrètes, Ha Jin nous brosse un tableau accablant du post maoïsme : déliquescence des services publics, impéritie et passivité des médecins, médiocrité des enseignants, de l'appareil du Parti, les carrières se dessinant en fonction de la soumission. Si la Longue attente avait déjà été une révélation, ce troisième roman confirme la maîtrise de l'auteur dans son sujet, dans son récit. Les pages sur les journées les plus sanglantes des évènements de la place Tienanmen, sont une lecture neuve pour nous. Ce n'est plus un reportage mais un drame vécu, et c'est superbe. Ha Jin est vraiment un auteur qui tient les promesses contenues dans son précédent livre.
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