Adrien est blessé gravement au visage dés les premiers jours de la Guerre, en 1914. Avant même d’avoir vu un allemand, il a eu le bas du visage arraché et se retrouve au Val-de-Grâce où il passera toute la Guerre à voir défiler des gueules cassées comme lui. Il est le premier ou presque dans...
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Adrien est blessé gravement au visage dés les premiers jours de la Guerre, en 1914. Avant même d’avoir vu un allemand, il a eu le bas du visage arraché et se retrouve au Val-de-Grâce où il passera toute la Guerre à voir défiler des gueules cassées comme lui. Il est le premier ou presque dans cette aile spécialisée ou la chirurgie réparatrice fait ses premiers pas. Appendre à accepter cette nouvelle réalité, aider (et parfois échouer) à soutenir ses compagnons d’infortune, affronter le regard des autres, supporter les nombreuses interventions chirurgicales, Adrien va devoir tout réapprendre et tout supporter.
Le petit roman de Marc Dugain, court et parfaitement accessible à tous, a connu les honneurs du grand écran dans une adaptation très réussie. Mais si on lit ce petit récit en essayant d’oublier le film, on se rend compte que le récit d’Adrien, à la première personne, est un récit étrangement positif. A partir d’une situation terrible, celle d’un homme dans la fleur de l’âge dont le visage disparait en partie, il nous offre le portrait écrit de ce qu’on appelle la résilience. Le roman courre de la mobilisation (avec une histoire d’amour fugace juste avant le départ) à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. On fait des sauts de puces dans le temps, de plus en plus longs évidemment. Parce que le récit est court, on a l’impression qu’Adrien accepte sa condition assez facilement. Evidemment il n’en n’est rien, c’es tune fausse impression. Il doit pourtant attendre longtemps avant de pouvoir remanger et reparler, il doit supporter le regard de la boulangère, de la petite fille dans le métro, de son ancien patron qui, bien embêté, lui cherche un travail à l’abri des regards. Mais il n’est pas seul dans son malheur et c’est là, le cœur du livre : les gueules cassées forment une communauté pour la vie. Avec Penanster et Weil, ses deux amis largement aussi cassées que lui, il trouve ensemble une force impossible à trouver seul. Le roman se déroule aux trois quarts pendant la Grande Guerre, qu’Adrien ne suit que de loin. Les chapitres suivants (le traité de Versailles, l’occupation, la Résistance, le sauvetage de Weil) peuvent paraitre un peu expédiés mais cela n’enlève rien à la force du récit. Adrien nous est immédiatement sympathique et on est heureux avec lui de le voir reconstruire sa vie, en même temps qu’il reconstruit (un peu) son visage. Pris dans son ensemble, le roman est fondamentalement optimiste. Facile à lire, parfois bouleversant, souvent touchant, « La Chambre des Officiers » est un petit cadeau littéraire à s’offrir. Sans pathos, sans voyeurisme, souvent d’une sensibilité à fleur de peau mais sans sensiblerie, le roman de Marc Dugain est une vraie belle réussite, un beau roman humaniste.