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Sur les conseils de son avocat, un jeune adulte condamné à seize ans de prison raconte son quotidien. On suit avec étonnement les lubies délirantes de ce prisonnier singulier qui, malgré la violence de ses codétenus et sa propre toxicomanie, demeure décidé à faire sa place parmi les grands criminels. De petits en grands méfaits, cet homme naïf, narcissique, sans pitié et pourtant terriblement attachant, construit ce qu'il voit déjà se dessiner comme une fulgurante carrière de mafieux, tandis qu'il croit avoir trouvé en Édith - son agente correctionnelle - le grand amour rédempteur : elle est folle de lui, il en est persuadé. Truculent, sensible et vibrant, La bête et sa cage plonge dans la réalité d'un univers carcéral brutal. Tour à tour grave et drôle, le roman est brillamment porté par l'écriture inventive et percutante de David Goudreault, et vient distordre la frontière entre bourreau et victime : si la folie pousse au crime, n'est-ce pas la société qui rend fou ?
La Bête et sa cage, Vues et Voix, 2020 (1ère édition : Stanké, 2016)
David Goudreault est romancier, poète et travailleur social. Je l’ai découvert, en piochant un peu au hasard, dans mon abonnement audible, au cours de ce que nous pourrions appeler ma période québécoise…
La Bête et sa cage, suite de La bête à sa mère, est son deuxième roman.
Le héros, petit tueur en série (seulement deux cadavres à son actif), purge sa peine en prison… À ce titre, il va subir toutes les brimades possibles et imaginables, du passage à tabac au viol répété par le détenu qui, en échange, lui offre sa protection, se faire tatouer (avec plus ou moins de réussite), passer un peu de temps à l’isolement, découvrir les bienfaits de la lecture, construire sa propre (toute petite) légende et même, pour clôturer le tout, tomber amoureux et préparer son évasion…
Cette fois, je ne suis pas surprise par la narration à la première personne, sans filtres, brute de décoffrage, émaillée de références très personnelles et de lapalissades. Les raisonnements « documentés » ne sont pas exempts d’une sorte de bon sens au second degré.
Mais si, dans le premier opus, David Goudreault avait réussi à m’attacher un peu à son personnage de monstre cabossé, toujours plus « cabossable », ici, au contraire, ce dernier m’a rapidement tapé sur les nerfs, peut-être à cause de sa diction zozotante depuis qu’il s’est fait casser les dents, allez savoir… Heureusement, la version audio, lue par Émile Proulx-Cloutier, diffuse cet accent québécois qui me ravit même s’il s’agit de donner la parole à un psychopathe pathétique.
Je vais terminer la série même si mon intérêt et mon enthousiasme sont revus à la baisse.
À force de délits et d'exactions, notre antisocial narcissique a fini derrière les barreaux. Il atterrit dans l'aile des criminels malades mentaux et nous raconte le quotidien de son nouvel univers carcéral. C'est violent et pourtant tellement drôle, plein de fatalisme et d'ironie mordante ! Il parle de ses aspirations, car il a un rêve : devenir un caïd. Mais il commence vraiment tout en bas de l'échelle et ses ambitions paraissent démesurées pour un tel pleutre.
Seulement voilà, son côté fanfaron est sans doute son pire ennemi. Il veut tellement briller et devenir quelqu'un qu'il est dangereux pour lui-même. Et comme souvent avec les simples d'esprit, il se croit d'une intelligence supérieure. Dans ce deuxième tome, on voit encore plus que dans le précédent à quel point il est allumé, à quel point il vit dans un monde parallèle. C'est sans doute ça qui le rend attachant à sa façon. On dirait un môme dans ses raisonnements.
Bien qu'il soit un inadapté social égocentrique et complètement à côté de la plaque pour tout ce qui concerne son cas particulier, il a un regard acéré sur la société dans son ensemble, et là en l'occurrence sur le monde carcéral et sa logique qui relève surtout du désordre.
J'y ai vu aussi une critique du système pénal.
Et bien que cet univers soit d'une dureté absolue, cette histoire est d'une drôlerie incroyable. Quant à ce personnage, il est désopilant, ridicule, pathétique, dangereux et totalement imbu de lui-même.
Évidemment, le fait que David Goudreault soit travailleur social l'a sans nul doute aidé à puiser dans son expérience pour créer ce personnage fantasque et délirant.
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