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Arun Kolatkar (1931-2004) est considéré comme l'un des plus grands écrivains indiens et sans doute comme la voix la plus singulière et la plus aboutie de la poésie contemporaine du sous-continent. Son oeuvre transgresse d'ailleurs les frontières nationales et sa portée est universelle. Kolatkar était à la fois un poète de Bombay (ville dont son oeuvre est indissociable) et un poète du monde, avec lequel sa poésie ne cesse de dialoguer. Peu d'écrivains eurent une démarche aussi éclectique que lui. À la fois héritier des avant-gardes européennes, des surréalistes et des poètes de la beat generation (il s'était lié d'amitié avec Ginsberg), imprégné de blues, de rock, du mouvement folk et de la culture populaire américaine, il était aussi plongé dans un ethos marathi, dans toute une mémoire collective orale et syncrétique, en particulier dans la tradition médiévale dévotionnelle en langues dites vernaculaires (la bhakti). C'est de la confluence et la réinvention mutuelle de ces langues, traditions, formes et histoires dont procède la voix singulière de Kolatkar. Kala Ghoda. Poèmes de Bombay tire son nom du quartier historique et artistique de la ville. «Kala Ghoda» signifie littéralement «cheval noir», en référence à une statue équestre du roi Édouard VII. L'espace autrefois occupé par cette statue forme un terre-plein triangulaire qui est l'épicentre de la nouvelle cartographie poétique de la ville. Pendant près de vingt ans, depuis la même table d'angle dans un café, le Wayside Inn, donnant sur le carrefour, Kolatkar a patiemment enregistré le spectacle qu'il avait sous les yeux, moins tel Georges Perec devant l'église Saint-Sulpice, comme la «tentative d'épuisement» d'un lieu spécifique, que pour célébrer l'impermanence inépuisable du quotidien. Cette poésie est une poésie de l'hospitalité.
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