Douze ouvrages qui ont été sélectionnés par trois de nos anciennes jurées
«On va faire un beau film !» Depuis que le producteur a validé ainsi son scénario, Boris est aux anges. La magnifique tragédie amoureuse qu'il a intitulée Les servitudes silencieuses verra le jour au cinéma, en noir et blanc, comme dans ses rêves les plus fous. Et tout semble décidément sourire à Boris quand il fait la rencontre d'Aurélie, une jeune femme cinéphile qui se passionne pour le projet. Pourtant le cinéma, comme l'amour, a ses aléas et ses contraintes. Du film d'auteur au navet, il n'y a parfois qu'un pas. Fabrice Caro développe ici son art de l'absurde dans un délicieux crescendo comique.
Douze ouvrages qui ont été sélectionnés par trois de nos anciennes jurées
Toujours beaucoup d humour même si la mécanique est la même pour ces différents livres.
Un moment sympathique
Boris boit du petit lait ! Un producteur s’intéresse au scénario qu’il vient d’écrire, « Les Servitudes Silencieuses ». Il l’imagine déjà sur le grand écran : Christophe Honoré à la réalisation, Louis Garrel et Mélanie Thierry au casting, une histoire d’amour puis de désamour en noir et blanc, avec des dialogues profonds et des longs silences… Un pur film d’auteur exigeant et contemplatif, ce sera ça ou alors ça ne sera rien… Mais plus les rendez-vous avec le producteur s’enchaînent, plus les concessions se succèdent, et Boris voit se profiler à l’horizon, de plus en plus nettement, non pas le contour d’une palme, mais d’un navet.
Fabrice Caro est l’un des auteurs les plus drôles de la littérature française de ces derrières années. On pourra objecter que ses romans se ressemblent un peu, toujours le même type de narrateur (un gars paumé qui enchaîne les maladresses et les déconvenues), mais force est de constater qu’il maîtrise bien le sujet. Avec « Journal d’un Scénario », il est question de cinéma, d’un jeune scénariste ambitieux qui se heurte aux réalités douloureuses du cinéma français d’aujourd’hui. Il doit battre en retraite sur tous les plans, pierre après pierre : d’abord le noir et blanc, ce n’est pas possible, cela rebute trop le spectateur. Ensuite, Louis Garrel n’est pas assez « vendeur », trop typé cinéma d’auteur, mieux vaudrait Kad Merad par exemple, et tout sera à l’avenant... Rendez-vous après rendez-vous, mail après mail, « Les Servitudes Silencieuses » (déjà, quel titre pontifiant !) quitte le domaine du cinéma d’auteur exigeant et contemplatif (et au regard des extraits de dialogues, reconnaissons-le, ce film promettait d’être profondément ch …!) pour se rapprocher dangereusement...de la « Soupe aux Choux » ! A chaque fois, Boris se fâche, déprime, puis de rallie aux nouvelles exigences de la production, essayant de s’auto -convaincre lui-même, jusqu’à signer le scénario d’une comédie improbable que même « Les Charlots » de la grande époque auraient reniés ! Renoncement et lâcheté personnifiés, Boris était probablement bien trop sûr de son génie scénaristique au départ, prisonnier de son idée toute faite de ce que doit être un beau film de cinéma, pour ne pas ensuite devoir avaler couleuvres sur couleuvres. Le roman est court, sous forme de journal bien évidemment, très drôle mais aussi fort caustique sur le cinéma français. Certes le livre, avec des dizaines et ses dizaines de références au cinéma, est d’abord une déclaration d’amour au septième art. Mais « qui aime chien châtie bien » et Fabrice Caro, en forçant évidemment le trait, dépeint férocement ce qui abîme ce cinéma hexagonal : les scénarii formatés et paresseux, l’humour de bas étage, les acteurs que l’on cantonne toujours aux même rôles, l’ambition de ratisser largement le public, etc. Lire « Journal d’un Scénario » de Fabrice Caro, ce n’est pas juste se mettre dans la peau d’un looser magnifique qui enchaîne les mésaventures et les désillusions, ce n’est pas juste rire de bon cœur (et un peu cyniquement) à ses malheurs, c’est aussi regarder le cinéma français avec des lunettes trempées dans l’acide sulfurique ! Peu importe que le trait soit forcé, le fond n’est sûrement pas dénué de pertinence.
C’était son rêve, Boris a écrit la dernière ligne de son scénario sobrement intitulé Les servitudes silencieuses. Aucun doute pour lui, Louis Garel et Mélanie Laurent seront parfaits dans les rôles principaux. La chance lui sourit enfin : le producteur a validé son travail et une jeune étudiante passionnée de cinéma succombe à son charme ! La vie est belle ! La « petite » modification du casting suggérée, après l’avoir un peu déstabilisé est un tremplin pour rebondir sur cette contrainte…
Dans la lignée de ses précédents romans, Fabrice Caro manie l’autodérision avec brio. Le personnage naïf qui tente de s’affirmer et de croire en son étoile suscite encore fois une profonde empathie. On vit avec lui cette descente aux enfers et ses vaines tentatives pour continuer à y croire.
On perçoit aussi l’immense culture cinématographique de l’auteur, à travers les nombreuses références qui donnent à notre anti-héros l’illusion d’être un nom ajouté à cette liste illustre.
Lecture très agréable, comme d’habitude !
208 pages Gallimard 17 août 2023
Boris jubile ! Le célèbre producteur Jean Chabloz a adoré son scénario Les servitudes silencieuses, et lui promet qu’ils vont faire un beau film. Boris décide alors de commencer un journal, d’y noter tout ce qui touche à ce prochain succès annoncé. Il voit déjà l’affiche, Louis Garrel et Mélanie Thierry en couple star, du noir et blanc, de la poésie, des références cinématographiques pointues et des dialogues écrits. Quelques jours plus tard lors d’une soirée chez son copain Yann, Boris rencontre Aurélie, prof de cinéma, passionnée et pétillante. Lorsque Boris lui parle de son projet de film Aurélie est conquise. Boris exulte, tout va bien, c’est son heure ! Mais il va vite déchanter car son projet va subir quelques changements déconcertants sous la houlette de « Laurel et Hardy », deux producteurs de M6.
C’est drôle, intelligent, plein de références cinéma abordables. Entre pages du journal, dialogues réinterprétés, textos échangés par Boris et Aurélie, mails des producteurs, propositions d’affiches de Jujulafrite, et programme d’un festival de cinéma, je me suis régalée ! Même si j’ai trouvé la fin un peu attendue. Troisième roman de l’auteur lu et apprécié après Samourai et Broadway
Férocement drôle !
Boris a écrit le scénario d’une rupture ”les servitudes silencieuse” poétique et intello.Tout se profile bien , Louis Garrel et Mélanie Thierry sont pressentis pour les rôles principaux. Mais c’est sans compter les producteurs... ils veulent faire évoluer le projet pour assurer un grand succès. Et Boris ne sait pas dire non ”je suis né dans la capitulation’ Ce journal, qu’il écrit pour raconter comment évolue son scénario, décrit les états d’âme de Boris qui se laisse manipuler, l’évolution de son texte et ses relations avec son agent, les producteurs, une prof de cinéma dont il tombe amoureux.
Je ne dirai rien de l’évolution du scénario, il y a des révélations qui provoquent des éclats de rire ...
C’est à la fois une ode au Cinéma et un regard caustique sur certaines productions .
C’est drôle, intelligent, féroce, on ne s’ennuie pas une seconde et c’est surtout très bien écrit !
Bref, j’ai adoré !
« On va faire un bon film » affirme enthousiaste le producteur Jean Chabloz à Boris, le scénariste.
Sauf que les deux protagonistes n'ont pas la même définition du bon film.
D'un côté Boris qui présente son projet dans un synopsis de quelques lignes : « Les servitudes silencieuses » raconte une année d'amour entre deux accidentés de la vie, Ariel et Marianne. Si le sujet n'a rien de très original, son traitement en noir et blanc parie sur une mise en scène surprenante « impliquant le spectateur et le mettant à contribution ». Pour incarner le couple, il imagine deux acteurs : Louis Garrel, icône un brin intello, et Mélanie Thierry. Pour le réalisateur, il rêve d'un Arnaud Desplechin, d'un Christophe Honoré encore d'un Leos Carax.
De l'autre côté Jean et les deux financiers qu'il a dégotés vont s'employer à détruire l'histoire concoctée par le scénariste.
« Les servitudes silencieuses » vont devenir « De l'eau dans le gaz » sans que Boris, lâche ou trop poli, ne réagisse. Il ira même jusqu'à engloutir des rognons sauce madère et des tripoux pour plaire aux investisseurs !
Pourtant, il bout intérieurement et sa relation avec une professeur en études cinématographiques du genre pointu ne va pas calmer son mal-être face au naufrage annoncé de son texte initial.
C'est le récit de cette chute que le narrateur-auteur chronique dans un journal qu'il tient minutieusement.
Plutôt friande des romans de Fabrice Caro (je pense à « Broadway » et au « Discours ») qui orchestrent des hommes solitaires et faibles en proie aux pesanteurs du monde, j'avoue avoir été un peu déçue par sa dernière mouture aux ressorts comiques un peu redondants et paresseux.
http://papivore.net/litterature-francophone/critique-journal-dun-scenario-fabrice-caro-gallimard/
Un scénario finalisé, un producteur enthousiaste : il n’en faut pas plus à Boris pour contempler le chef d’œuvre que sera son futur film. Le choix du réalisateur (pourquoi pas Christophe Honoré), le casting (Louis Garrel et Mélanie Thierry), la compatibilité astrologique des acteurs, les partis pris artistiques (un “noir et blanc au grain très dense”), les récompenses à Cannes… Il a déjà tout prévu.
Pour “canaliser un trop-plein de positif”, il décide de tenir un journal dédié à son scénario. “Un journal de bord comme ont pu en tenir les grands explorateurs partant à la recherche de contrées inconnues.” Boris y relate ses rendez-vous professionnels, ses réflexions riches en références sur le septième art, mais aussi sa rencontre avec Aurélie, professeure en études cinématographiques, qui décuple encore davantage sa mégalomanie.
Mais peu à peu, il est contraint de faire évoluer son projet de film. Adieu les dialogues profonds et intenses, adieu Louis Garrel, adieu le noir et blanc. Notre pauvre Boris, “corseté dans une politesse maladive”, n’oppose qu’une “résistance de neurasthénique” aux nouvelles propositions du producteur qui ne cesse de répéter, confiant : “on va faire un beau film.”
“Je m’entends encore lui dire Jean, je crains d’être incapable d’injecter de la comédie dans une histoire pareille. Je crains d’être incapable. Gnagnagna. Sombre idiot.” À chaque déconvenue, “le processus est le même : déception-réflexion-nouvel élan.” Si le schéma peut paraître monotone, et si on devine sans surprise chaque étape du crescendo, difficile de se lasser avec Fabrice Caro, spécialiste du comique de répétition, de l’humour absurde et des anti-héros.
Comment passe t’on d’un projet de film intitulé « les servitudes silencieuses » et dont l’auteur verrait bien une interprétation par Louis Garrel et Mélanie Thierry à « De l’eau dans le gaz » dont les producteurs prévoient de substituer les deux acteurs pré cités par Kad Merad et Christian Clavier ? Boris, le scénariste va nous expliquer par le menu détail, les étapes successives des concessions pittoresques que cela requiert ! De l’humour, il y en a, comme dans tous les livres de Fabcaro, mais ici, il est particulièrement grinçant, jusqu’où ce scénariste va t’il accepter de manger son chapeau sans broncher ? On oscille entre deux mondes, celui qui évoque un cinéma plutôt académique et recherché, partagé avec Aurélie et d’autres intellos férus de cinémas rencontrés furtivement et le cinéma « pipi caca » de « la soupe aux choux » promu par des producteurs indélicats en tordant le coup au scénario original de l’auteur. Réflexion douce amère sur la place de l’art dans le cinéma évoquée de façon humoristique et sympathique par un auteur de grande qualité.
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