Johannes Rambotsoa le " petit boche " deviendra l'un des plus grands reporters-photographes de l'agence internationale Sigma.
Où qu'il se trouve, en Malaisie, Colombie, Vietnam ou ailleurs il se souvient. Enfance sans amour. Juché sur la pointe des pieds, l'oeil collé à la déchirure qui fendait le panneau de la porte de sa chambre - rainure blanche le jour, salamandre jaune dès la nuit tombée - son regard d'enfant découvrait alors un univers de débauche. À quelques mètres dans la salle de séjour, les trois adultes s'abreuvaient de mauvais cognac, riaient, s'injuriaient. Yoyo sa mère tapait le cul de son verre dès qu'il était vide sur le bois de la table puis, après comme à chaque fois, troussait sa jupe à fleurs. Pelo et Valentin n'attendaient pas.
Sur le chemin de l'école, Rose la jeune et jolie coiffeuse de son village saura lui apporter un peu de tendresse et de réconfort mais Rose l'abandonnera pour partir loin, très loin par-delà les Océans. Même Farigoulette son meilleur ami s'en ira à jamais.
Parmi les cadeaux et livres offerts à Johannes par l'infâme voleur d'innocence il y a le carnet à la couverture noire renfermant la lettre bleue à l'odeur de cannelle et la photo de Sarah, la petite juive. Sarah raconte l'horreur vécue dans l'antre du diable.
Tragédies et secrets se succèdent au fil du temps dans la caverne du serpent aux dents jaunes. La trappe, le chuintement morbide de la lampe à carbure, le clapotis des vagues, le relent des algues, le crissement du gravier qui crisse sous son dos nu. Johannes sent la tiédeur de la bave dans sa bouche puis après vient l'ignoble " jeu des cadeaux ".
Le piège qui se referme. Les hurlements du serpent. Johannes ne regrette pas ce qu'il a fait.
La force du destin est inéluctable.
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