"On n'est pas dans le futurisme, mais dans un drame bourgeois ou un thriller atmosphérique"
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Lino, au service militaire, assiste à un tragique accident qui coûte la vie à Tony avec qui il avait créé des liens amicaux. Vingt années plus tard, Lino végète dans son boulot, au 37ème étage d'une tour, classant et rangeant de la paperasse dans une sale ambiance. Lino est un solitaire, il n'a pas d'amis, rentre chez lui après son taf, picole le ouiquende et repart le lundi matin à peine remis de sa gueule de bois. Lorsque Jessica vient squatter devant sa porte pour se réchauffer un peu et éviter de se faire agresser dans les rues où elle dort et fait la manche, Lino ne peut s'empêcher de lui filer un coup de main.
Après Je vis, je meurs un peu plat et Que Dieu me pardonne, nettement plus convaincant, retour de Philippe Hauret, toujours chez Jigal polar, pour un troisième titre qui serait un peu le mélange des deux précédents mais un mélange riche qui puiserait dans ce qu'ils ont de meilleur. Lino et Jessica sont des personnes cassées par des événements qui les ont détruits et qu'ils ne parviennent pas à surmonter. Leur drôle de rencontre leur fera connaître des gens de la bonne société, des gens riches qui n'ont que la préoccupation de dépenser leur argent alors qu'eux peinent à en gagner.
Philippe Hauret écrit un roman sur notre société qui ne va pas bien, qui laisse se paupériser un tas de travailleurs et de gens qui vivent avec très peu d'argent pendant que d'autres se goinfrent. Il bâtit son histoire à partir de petits faits qui semblent des détails et qui peuvent devenir importants quelques pages plus loin. Ils s'imbriquent, se jouent des hommes et des femmes, des destins, pour arriver au pire, bien que le meilleur ne soit pas si inaccessible. Ce pire qui n'est jamais loin et qui, souvent lorsqu'il advient, aurait pu être évité de très peu. La vie des personnages de Philippe Hauret se joue à un cheveu, à une seconde près.
Dans ce roman noir l'auteur évite les stéréotypes des riches méchants et pauvres gentils. Tous, qu'ils aient du pognon ou non ont des failles, des fêlures, et subiront les conséquences de leurs actes ou de ceux d'autrui ou de leur inertie. C'est bien vu, bien fait. De la belle ouvrage qui se lit d'une traite tant on se sent happé par ces personnages, leurs vies et la crainte de ce qu'il vont faire. On aimerait leur dire de ne pas se lancer dans telle ou telle entreprise vouée à l'échec et aux terribles conséquences comme on le fait à des gens qu'on aime bien. Parce qu'on les aime bien Lino et Jessica, et Melvin et Charlène aussi -mais comme je ne vous ai pas dit qui étaient ces deux derniers, à vous de les découvrir dans ce très bon roman noir, qui, comme dans les précédents livres de Philippe Hauret recèle néanmoins une once, et même un peu plus, d'espoir. C'est du noir, certes, mais avec des touches de couleurs plus chaudes.
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