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Philippe Hauret fait dans le roman noir classique, mais du classique qu'il sait détourner avec pas mal d'humour, du décalage dans les situations et les accointances entre tel ou tel de ses personnages. L'un est fils d'un autre qui lui-même est amant d'une autre qui est la mère d'un autre qui lui-même... Si l'on rajoute que les professions des uns et des autres sont aux antipodes entre des malfrats, des complotistes, des flics, un juge, une avocate... Voilà donc un joyeux bordel vivement et rondement mené, sans temps mort. Le plaisir du lecteur est permanent, le sourire aux lèvres itou et il se prend à rêver d'un happy end multiple pour les principaux personnages, au moins les plus sympathiques d'entre eux.
Que pourrais-je dire de plus à part que, comme les romans précédents de l'auteur, il est profondément humain, les personnages de Philippe Hauret évoluent au fil des pages au hasard des rencontres, des événements souvent tragiques qui appellent à se remettre en question. Les plus convaincus d'iceux doutent, les plus obtus s'enferment. Même s'ils ne sont point expansifs, il y a de l'amour entre eux et c'est cela qui leur permet d'avancer.
Un superbe roman noir qui souvent m'a fait sourire. Daniel et René, deux papys, veufs et retraités vont tenter le tout pour le tout afin d'améliorer un peu leur morne quotidien, mettre du beurre dans les épinards comme on dit mais surtout réaliser leur rêve de camping caristes. Léni et Eusèbe sont des amis d'enfance, paumés et désabusés, sans avenir. L'un est orphelin l'autre vit encore chez sa mère qui fait des ménages pour survivre et possède un caractère en or. Une galerie de personnages, souvent à contre emploi, entre le flic macho, l'avocate en chaleur et le juge plus méchant qu'une teigne, mon cœur balance. Une ambiance légèrement loufoque et survoltée qui m'a rappelée celle de Benoît Philippon et sa Mamie Luger ou encore les romans de Nadine Monfils en moins déjantés. De quoi passer un excellent moment avec des chapitres courts et rythmés, où les pages se tournent sans temps morts. Une façon bien à lui de brosser un portrait peu reluisant de notre société et de ses institutions. Un vrai talent pour tisser des liens que l'on n'avait pas imaginé entre les différents personnages qui se croisent sans connaître leur place dans l’imagination de l'auteur. Et puis un peu de douceur féminine dans ce monde de brutes avec Gloria et le mère bienveillante et fort croyante d'Eusèbe qui nous font un bien fou. Une plume mordante et acérée qui vient racler au plus près, les travers des uns et des autres, sans concession et rudement efficace. Teinté régulièrement d'un humour noir, qui ferait grincer des dents si l'on n'y prenait pas autant de plaisir. C'est parfois drôle, souvent émouvant et totalement humain. Tout cela sans jamais verser dans le pathos. Mauvais daron à découvrir sans tarder, vous ne le regretterez pas. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2022/10/04/39648558.html
Lorsqu'on lit beaucoup, on sait à peu près dès les premières lignes si le roman qu'on débute sera bien ou non. Certes, on peut avoir de mauvaises ou de bonnes surprises dans les pages suivantes et c'est tant mieux, mais globalement, on sait. Et là, j'ai su dès le début. Un premier chapitre intitulé "La nuit, je mens", bon, Bashung, déjà, ça part bien (tous les chapitres ont des titres de chansons) : "J'adore regarder mes mains. Je les trouves fines, élégantes, racées, sensuelles. Les mecs, eux, ne les remarquent jamais, préférant plutôt s'attacher à mater mes jambes, mes seins ou mes fesses. Pauvres petites queues en pilotage automatique qui ne connaissent rien à rien. Je ne vais pas me plaindre, la nature m'a bien gâtée. Mon corps c'est mon outil de travail, mon gagne-pain, mon passe-partout. Grâce à lui, je suis libre, j'avance, je taille ma route." (p. 9) Et la suite confirme ma première impression.
Le roman de Philippe Hauret avance vite. De coups qui paraissent faciles à complications et événements fâcheux. De vengeance pour ne pas perdre la face à course contre la mort. Ange qui contrôlait sa vie et les hommes qu'elle fréquente et arnaque ne maîtrise plus rien. On sent la descente inéluctable, on aimerait lui dire de stopper mais on ne peut qu'espérer une fin point trop tragique.
Philippe Hauret, avec des phrases courtes et une langue sèche et très oralisée est diablement efficace. Ses personnages qui ne veulent que vivre sont les victimes d'une société qui vend du rêve, de l'argent facile : réussir à la télé en flattant les plus bas instincts, en n'ayant rien à dire ou plutôt en ayant une opinion sur tout ni étayée ni construite comme les chroniqueurs d'émissions bas de gamme. Thierry Tomasson ressemble beaucoup à un quasi homonyme de la télé, cauteleux à souhait, de même Michel Diquaire ou Cyril Hanana plus brièvement évoqués. Le gros avantage du roman c'est qu'il ne reste pas dans le monde télévisuel, il part très vite sur d'autres routes puisque Ange enchaîne les tuiles. Là où l'on aurait pu craindre une critique un peu vaine et facile, Philippe Hauret, après avoir méchamment tapé sur la télé trash emmène ses héros dans d'autres aventures.
Ce roman noir est très ancré dans une époque difficile : chômage, boulots mal payés, employés exploités, un toujours plus grand écart entre les plus pauvres et les plus riches... Ça se lit vite et ça laissera des traces. Dans la pure lignée des grands auteurs de romans noirs dans lesquels la frontière entre le bien et le mal n'existe plus, dans lesquels tous les moyens sont bons pour se sortir de la panade.
Il est des personnages qui ont une personnalité si forte qu’ils tiennent à eux seuls le devant de la scène et c’est le cas avec Ange. Une jeune femme au physique avantageux qui n’hésite pas à s’en servir pour arriver à ses fins. Son colocataire et ami d’enfance Elton ne sait pas lui résister et lorsqu’elle l’entraîne sur un coup sordide, ils ne se doutent pas des terribles conséquences à venir. Mais lorsque la vedette de télé Thierry Tomasson ne tient pas sa promesse d’intercéder en sa faveur et que son rêve de chroniqueuse lui échappe, rien ne va plus. Je me suis régalée à la lecture de ce roman noir, corrosif mais aussi plein d’humour. Ne serait-ce que dans le choix des noms donnés à ses personnages, on ne peut s’empêcher de les relier avec des personnes réelles. Le titre des chapitres vient aussi apporter une note de musique puisqu’il reprend à bon escient les titres de chansons connues. D’entrée le ton est donné, on ne se prend pas au sérieux, l’écriture est vive et tranchante, les chapitres courts donnent le rythme et passent d’un personnage à l’autre sans nous laisser le temps de nous ennuyer. Le personnage d’Elton est mon préféré, un brin désabusé, paumé et malgré tout capable de nous étonner, c’est ce que j’aime dans la galerie éclectique des personnages de ce roman. Un roman noir qui éclaire le mal être d’une société. Ange et Elton comme des Bonnie and Clyde écorchés et pas très doués des temps modernes. Un livre court qui se dévore d’une traite pour une immersion totale entre paillettes et désespérance. C’est mordant et acéré autant que la niaque d’Ange et pourtant la fin est tout en tendresse. Bonne lecture.
http://latelierdelitote.canalblog.com/archives/2020/10/17/38557524.html
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