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Quand l'Allemand Klaus Hirschkuh débarque à la gare de Leipzig, ce jour de novembre 1945, c'est une ville détruite qu'il redécouvre pas à pas. Le jeune homme qui marche dans ces décombres est lui-même en morceaux. Il vient de passer quatre ans à Buchenwald. Parce qu'il est homosexuel. À bout de forces, il est une ombre, un fantôme. Scandaleusement vivant pourtant. Et il n'a pas fi ni d'expier.
Un garçon ordinaire, une différence ordinaire, une simple vie, un trajet : Klaus s'exile en France et y traverse une moitié de siècle - le travail, l'amitié, l'amour, l'espoir et les déceptions, les chagrins et la joie - pour s'entendre chasser, à l'aube des années 1990, d'une cérémonie du souvenir dans la province française aux cris de «les pédés aux fours !».
Survivre : un miracle et une responsabilité dont la réalisation n'a pas à être spectaculaire mais qui relève d'un combat intime, tenace, insurmontable parfois, solitaire souvent, et toujours sans répit.
Le roman de Daniel Arsand invente la langue digne de ce combat à poursuivre, mélange rigoureux et explosif de sécheresse, de rage et de lumière. Je suis en vie et tu ne m'entends pas est un texte crucial, qu'on voudrait confier personnellement à chacun de ses lecteurs, comme un viatique, un talisman, à la fois miracle et responsabilité.
Peut-on écrire sur tout ? Est il possible de romancer l’innommable, d’essayer de décrire le plus abject, le plus terrible et le plus inimaginable ? Cette question se pose quand il s’agit de « raconter » la vie dans les camps de concentration. Comment un auteur, qui n’a pas vécu ces faits peut il se « permettre » de s’approprier des témoignages et de romancer des vies si terribles. Je me pose souvent cette question et ai quelquefois du mal à aborder de tels textes. Les lectures de témoignages de rescapés, de proches de rescapés ont il plus d’impact que celles d’auteurs de romans. J’ai donc décidé de lire ce roman-récit de Daniel Arsand, qui nous narre le retour de l'Allemand Klaus Hirschkuh qui revient dans sa ville natale Leipzig . Celui-ci a été incarcéré à Buchenwald, en tant que triangle rose, c’est à dire en tant qu’homosexuel. Ce retour est difficile car il faut se reconstruire mais aussi ré intégrer son milieu familial. Nous allons suivre alors les doutes, les choix, les ressentiments, les exploits de cet homme. Il va alors décider d’aller tenter sa chance en France et va faire sa vie à Paris. Mais cela n’est pas simple non plus. Avec une écriture saccadée, nous sommes au plus prés de ce personnage et Daniel Arsand nous entraîne des années 40 à nos jours et fait un beau plaidoyer pour la tolérance et aussi la vigilance face à des idées qui peuvent et qui resurgissent. Un texte bouleversant et nécessaire pour ne pas oublier et c’est un bel hommage au courage et à la volonté des hommes. « Ils n’étaient pas des fantômes. Ils avaient une voix. C’était leurs voix qu’on entendrait désormais. Pourquoi la victime n’aurait-elle pas de nom ni de voix ? Parler, dire, lâcher sa fureur, c’était sain. Qui n’en aurait pas le droit ? Il était un déporté, un triangle rose, un des tous premiers de Buchenwald, qui avait un nom. Se taire usait, il y avait silence et silence. Il était amoureux de leur silence d’amants, mais le silence d’après les humiliations, non, cet autre nom, d’après l’enfer, vivre avec, non plus çà.. Qu’on sache ce qu’était être pédé à Buchenwald, et pas gay, pédé, car « pédé » porte en lui les coups reçus, les crachats, la haine assenée, gay, c’est si gentil , plein d’illusions et on t’a battu, il y a trois mois , parce que tu étais un pédé, pas un gay, tu étais à faire disparaître, gay, c’est plein de compromission, j’étouffe dans ce mot, je ne suis ce mot, je ne vis pas avec lui. » (p249)« Je salue la mémoire de ce déportés pour homosexualité qui témoignent de leur expérience concentrationnaire. Plus aucun d’eux, n’est parmi nous. Il n’y aura bientôt plus de témoins oculaires de ces temps de peste et les temps de peste sont sur le point de revenir. Nous devons combattre leurs artisans et les foules bercées de haine. Combattre est une règle de vie. Nous sommes les héritiers de ceux qui sont morts à Buchenwald et dans tout autre camps de concentration ou d’extermination. Nous devons écrire que des êtres pareils à nous ont pu échapper à un destin programmé. Ils ne sont plus parmi nous, mais c’est à nous de continuer à dresser le poing et à affuter nos colères. » (p267)
J’ai bien failli buter sur la langue, âpre, vive, douloureuse. Mais j’ai finalement décidé de me laisser bercer par elle et de découvrir l’histoire de Klaus.
Une histoire hantée par la déportation pendant 4 ans à Buchenwald. Des flashes lui reviennent de ces temps obscures, même à la fin de sa vie, dans un autre pays.
Une vie de combat pour cacher son homosexualité après la guerre, puis pour faire reconnaître la déportation des homosexuels dans les camps, et leur droit à recevoir réparation.
Une violence toujours présente, parfois armée, parfois au grand jour. Une violence malheureusement éternelle contre des « pédés » haïs pour quelque obscure raison.
Un roman qui m’a laissé KO-debout. Un coup de coeur.
L’image que je retiendrai :
Celle des deux amours de Klaus : Heinz et Julien. Que de belles pages écrites sur ces amours défendues.
http://alexmotamots.fr/?p=1915
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